Nous avons rassemblé ci-après quelques dispositions récentes
ou d'actualité relatives aux baux commerciaux et industriels susceptibles
d'intéresser nombre de lecteurs.
Nouvelle prorogation des baux.
— À plusieurs reprises, les commerçants, les industriels et
les artisans dont les baux étaient venus à expiration sans être renouvelés ont
bénéficié de plein droit d'une prorogation temporaire qui a été reconduite au
fur et à mesure qu'elle arrivait à expiration.
Cette prorogation a été tout d'abord instituée jusqu'au 1er janvier
1948 par la loi du 13 avril 1946 ; elle a été ensuite maintenue
jusqu'au 1er janvier 1949 par la loi du 3 septembre 1947,
jusqu'au 1er janvier 1950 par la loi du 31 décembre 1948,
jusqu'au 1er avril 1950 par la loi du 29 décembre 1949,
jusqu'au 31 décembre 1950 par la loi du 31 mars 1950, jusqu'au 30 juin
1951 par la loi du 31 décembre 1950 ; enfin elle vient d'être
reconduite jusqu'au 31 décembre 1952 par la loi du 24 mai 1951.
L'octroi de cette prorogation, qui, au début, semblait avoir
un certain caractère de délai de grâce, a maintenant pour objet de maintenir
dans les lieux les commerçants, les industriels et les artisans dont les baux
sont expirés jusqu'au vote de la nouvelle loi sur la propriété commerciale que
le Parlement n'a pu, pour des raisons diverses, adopter avant la fin de la
dernière législature.
Caractère de la prorogation.
— Comme par le passé, la prorogation est accordée de plein
droit au locataire, qui n'a donc aucune formalité à remplir pour bénéficier de
cet avantage.
Le propriétaire ne peut faire obstacle à cette prorogation,
même en exerçant le droit de reprise qui lui est, en principe, reconnu par la
loi du 30 juin 1926 sur la propriété commerciale modifiée.
Cette reprise ne peut davantage s'exercer à l'encontre du
commerçant même si le bailleur lui offre le payement de l'indemnité d'éviction.
Dispense de renouvellement des demandes.
— L'article 2 de la nouvelle loi du 24 mai 1951
dispose, comme l'avait d'ailleurs déjà fait la loi du 31 décembre 1950,
que les demandes en renouvellement et les demandes en reprise régulièrement
formées antérieurement à sa promulgation (24 mai 1951) n'auront pas à être
renouvelées, quelle que soit la date à laquelle elles auront été signifiées.
Ce texte fait allusion aux deux formalités suivantes.
Le commerçant, en vue d'obtenir le renouvellement de son
bail, doit adresser une demande en ce sens, par exploit d'huissier, au
bailleur, deux ans au plus tôt et six mois au plus tard avant la fin du bail.
De même, le propriétaire qui veut exercer le droit de
reprise qui lui est reconnu par la loi doit donner préavis par exploit
d'huissier au commerçant dans le délai de deux mois à partir de la demande en
renouvellement qui devra, à peine de nullité, mentionner la forme et le délai
dans lequel ce préavis doit être donné ; ce délai est de rigueur.
Donc, encore une fois, la demande en renouvellement ou la
demande en reprise, déjà formulée, n'aura pas à être renouvelée alors même que,
par suite de la nouvelle prorogation accordée jusqu'au 31 décembre 1952,
elle ne se trouverait plus avoir été formulée dans le délai voulu.
Relevé de forclusion.
— Par contre, les commerçants, les industriels, les artisans
qui n'ont pas fait leur demande en renouvellement de bail et les propriétaires
qui n'ont pas formulé leur demande en reprise dans les délais précités et qui
se trouvent par suite forclos sont expressément relevés de la forclusion
encourue antérieurement à la promulgation de la loi en question (24 mai
1951).
Ce relevé de forclusion joue nonobstant toute décision de
justice même définitive, non encore exécutée et à la seule condition pour les
commerçants industriels et artisans d'être encore dans les lieux.
Ce texte est très important, et il appartient aux intéressés
de s'en prévaloir et surtout de le faire en temps voulu.
La loi n'a pas fixé le délai dans lequel les intéressés
doivent régulariser leur situation. Il n'en est pas besoin, il est vrai, si
l'on admet que la prorogation, accordée jusqu'au 31 décembre 1952,
constitue un prolongement du bail.
Cession de bail.
— L'article 1717 du Code civil dispose que « le preneur
a le droit de sous-louer et même de céder son bail à un autre si cette faculté
ne lui a pas été interdite. Elle peut être interdite pour le tout ou partie.
Cette clause est toujours de rigueur ».
Donc, par une clause du bail, le propriétaire pouvait
jusqu'à présent interdire au commerçant de céder ou de sous-louer.
Mais l'article 3 de la nouvelle loi du 24 mai 1951
stipule que « sont nulles, quelle qu'en soit la forme, les conventions
tendant à interdire au locataire d'un local à usage industriel, commercial ou
artisanal, de céder son bail à l'acquéreur de son fonds de commerce ou de son
entreprise ».
L'interprétation de cette très importante disposition
soulève déjà des discussions.
Clauses défaut payement bail.
— Bien souvent les baux contiennent une clause prévoyant la
résiliation de plein droit faute de payement de loyer aux échéances convenues.
La loi nouvelle prévoit que, nonobstant toute stipulation
contraire, une telle clause ne produira effet qu'un mois après la date de la
sommation ou du commandement de payer demeuré infructueux. La mise en demeure
ou le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.
Révision triennale.
— Le décret du 1er juillet 1939 permet aux
bailleurs et aux commerçants, industriels et artisans d'introduire une action
en révision du prix du loyer lorsque, par le jeu d'une clause d'échelle mobile,
ce prix se trouve modifié de plus d'un quart.
A défaut d'accord, le présidant du tribunal civil doit être
saisi par une déclaration au greffe de ce tribunal.
Le décret en question avait fixé un délai de trois mois à
compter de la demande pour saisir ce magistrat et il n'avait pas précisé quelle
partie devait le faire.
L'article 5 de la loi du 24 mai 1951 supprime ce délai
et prévoit que le président du tribunal civil devra être saisi à la requête de
la partie la plus diligente.
Locaux commerciaux détruits par faits de guerre.
— La loi du 2 août 1949, relative aux baux à loyer de
locaux ou d'immeubles à usage commercial, industriel ou artisanal détruits par
suite d'actes de guerre, dispose dans son article premier que, nonobstant les
dispositions des articles 1722 et 1741 du Code civil, les baux à loyer de locaux
ou d'immeubles à usage commercial, industriel ou artisanal portent sur
l'immeuble réparé ou reconstruit même sur un autre terrain et, quelle que soit
la localité où a lieu la reconstruction, en remplacement de l'immeuble détruit
en totalité ou en partie par suite d'actes de guerre.
Les baux ainsi interrompus par le sinistre sont considérés
comme ayant été suspendus et reprennent cours à la date à laquelle la
réinstallation aura été possible.
Mais il peut advenir que ce report des baux ne puisse avoir
lieu, par exemple si le propriétaire ne reconstruit pas l'immeuble détruit, ou
encore lorsque l'immeuble reconstruit ne permet pas le report de tous les baux.
Dans ce cas, un droit à indemnité au profit du commerçant
dont le bail n'est pas reporté est prévu aux conditions suivantes par la loi
des finances du 24 mai 1951.
Aux termes de l'article 73 de cette loi, les personnes
physiques ou morales ayant exercé une profession commerciale, industrielle ou
artisanale dans des immeubles ou locaux détruits par faits de guerre où elles
étaient locataires au moment du sinistre et qui ne peuvent bénéficier du report
de leurs baux prévu par la loi du 2 août 1949 ont droit à une indemnité
dans la mesure du préjudice par elles subi de ce fait.
Sous la réserve que les ayants droit réunissent les
conditions prévues par les articles 10, 11 et 14 de la loi du 28 octobre
1946 pour bénéficier de la législation des dommages de guerre, l'indemnité est
due par l'État :
a. Si le report du bail commercial, artisanal ou
industriel sur l'immeuble reconstruit est devenu totalement impossible du fait
de la législation sur l'urbanisme, ou lorsque la réalisation des plans agréés
antérieurement à la loi du 2 août 1949 pour un immeuble qui avait
bénéficié d'une autorisation de transfert ne permet plus ce transfert pour aucun
des baux anciens ;
b. Si le propriétaire de l'immeuble détruit se trouve
exclu du bénéfice de la loi du 26 octobre 1946 par application des
articles 10, 11 et 14 de ladite loi.
L. CROUZATIER.
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