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La perdrix chukar

Essais d'acclimatation en France

Les chasseurs français se sont intéressés de très bonne heure à la perdrix chukar au vu des renseignements livresques particulièrement flatteurs pour ce gallinacé qui leur parvenait des États-Unis d'Amérique.

En fait, sa première introduction remonterait, selon M. Guisbert, avant la guerre de 1914. Elle aurait été tentée sur le plateau de Langres, où une compagnie aurait séjourné une, ou deux saisons, puis aurait disparu. Le tour de force réalisé pour cette expérience, s'il pouvait être vérifié, serait de qualité ; car, inconnus aux États-Unis à cette époque, les oiseaux auraient dû être capturés en Asie.

Quoiqu'il en soit, et cette fois les faits sont patents, l'expérience a été renouvelée pour la première fois au printemps de 1946 par M. Gouilly-Frossard, directeur général honoraire des Eaux et Forêts, qui recevait de l'ambassade des États-Unis plusieurs douzaines d'œufs. Ce sont ces œufs qui, mis à couver au parc de Cadarache, ont donné naissance à la première souche des chukars domestiqués qui peuplent actuellement le parc précité et le Centre d'élevage de Ginestous (Haute-Garonne).

Cette souche a pu être renouvelée par des envois d'œufs réalisés grâce à la parfaite complaisance de M. Delacour, président du Muséum national d'histoire naturelle de New-York.

C'est au Centre d'élevage de Ginestous, géré par le Conseil supérieur de la chasse, que les résultats de l'acclimatation de la perdrix chukar paraissent avoir été les plus probants.

Le directeur de ce parc, M. Cessal, y conduit l'élevage depuis 1947 concurremment avec celui de la perdrix rouge et a pu réaliser (comme à Cadarache) le croisement de la perdrix rouge et de la perdrix chukar.

Le type obtenu par ce croisement apparaît parfaitement fixé ; sur le plan morphologique, on voit la bavette noire, qui est continue chez le chukar, se pointiller sur la gorge; mais sur une largeur correspondant seulement à celle de la bavette (et non plus sur toute la poitrine, comme chez la perdrix rouge).

Les couples en sont féconds ; ils semblent plus résistants aux maladies spécifiques de l'espèce, et particulièrement à la coccidiose, à laquelle le chukar paraît extrêmement sensible.

Les tables de production que M. Cessal a dressées depuis cinq années font ressortir, d'après lui, la possibilité moyenne de production d'une femelle chukar à 35 sujets, d'une femelle chukar x rouge à 24 sujets et d'une femelle rouge à 12 sujets.

Les géniteurs, qui, éthologiquement, se comportent comme des oiseaux de stations sèches, étaient en parfait état au mois de février 1951, c'est-à-dire après un hiver particulièrement pluvieux.

Le succès de cet état physiologique peut être attribué aux conditions dans lesquelles M. Cessal, en conclusion d'études patientes, fait hiverner ses oiseaux : local sec entièrement couvert et clos sur trois côtés au moins. Ce n'est qu'au printemps et quelques semaines avant la saison de ponte que les géniteurs sont placés dans de petits parquets de ponte mobiles, installés en sol gazonné.

L'accouplement, pour lequel M. Cessal n'a jamais recherché le « mariage d'inclination », est facile. La ponte est plus abondante chez le chukar que chez le croisement chukar X rouge. Les œufs clairs constituent une stricte exception.

L'élevage des jeunes perdreaux se conduit aussi facilement que celui des faisandeaux si l'on sait préserver les jeunes oiseaux de l'eau ou de l'humidité.

Il apparaît donc, à la lumière des recherches de M. Cessal, comme de celles entreprises à Cadarache, que l'élevage de perdrix chukar, chukar X rouge et rouge dépasse le stade du laboratoire pour pouvoir entrer efficacement dans le domaine pratique, dans des conditions suffisantes de production.

Ce premier stade franchi, il importe, sur le plan technique ; de connaître la valeur cynégétique des produits de ces oiseaux domestiqués.

De cette connaissance et de cette connaissance seule doit dépendre l'avenir du chukar ou du chukar x rouge dans les terroirs méridionaux.

Il importe, en raison même des conditions satisfaisantes de production, de déterminer expérimentalement si les jeunes perdreaux âgés de un mois environ, issus de géniteurs domestiqués, sont susceptibles de répondre à la qualification demandée à des oiseaux gibier. C'est cette expérience qui est conduite actuellement.

En fait, une bonne douzaine de compagnies de ces jeunes perdreaux d'élevage ont été lâchées en juillet et août 1950 dans des réserves du Sud et du Sud-Est de la France ; la plupart d'entre elles existaient encore en février 1951. C'est l'évolution de ces compagnies, créatrices de pariades, qu'il importe de suivre avec le plus grand soin tant dans leur comportement comme gibier que dans leur reproduction naturelle. Trois années doivent suffire, en principe, pour juger du comportement dans la nature et de la valeur cynégétique des chukars ou, mieux peut-être, des chukars x rouges.

Parallèlement à cette expérience avec des oiseaux d'élevage, le Conseil supérieur de la chasse a estimé devoir essayer sur une plus vaste échelle l'introduction du chukar. Au printemps de 1951, ce n'est pas moins de 250 couples d'adultes, provenant de fermes d'élevage des États-Unis, qui ont été lâchés dans des réserves méridionales particulièrement bien piégées et gardées. Les conditions écologiques des réserves ont été choisies sensiblement identiques à celles du chukar dans son pays d'origine : collines sèches et rocheuses à végétation xérophylle très accentuée.

L'expérience est en cours ; les réserves sont particulièrement bien surveillées ; il convient d'en attendre les résultats.

F. VIDRON.

Le Chasseur Français N°656 Octobre 1951 Page 581