ous les lecteurs et abonnés du Chasseur Français
connaissent l'article 9 de la loi du 3 mai 1844. (Dans le temps où la
chasse est ouverte, le permis de chasse donne à celui qui l'a obtenu le droit
de chasser de jour, soit à tir, soit à courre, à cor et à cri, suivant
les distinctions établies par les arrêtés préfectoraux, sur ses propres terres
et sur les terres d'autrui avec le consentement de celui à qui le droit de chasse
appartient.)
Tous les chasseurs de France savent également que s'il est
une chasse pratiquée partout, dans tous les départements, indistinctement par
les plus fortunés Nemrods comme par les plus modestes, c'est la chasse de nuit
à la hutte, au gabion, etc.
Personne n'ignore qu'elle a été pratiquée depuis la plus
haute antiquité sans que personne y ait trouvé à redire, et pour cause !
La stupéfaction dans les milieux intéressés, donc si
nombreux, a été grande d'apprendre par un beau jour, jour plutôt néfaste en
réalité, que cette chasse était désormais considérée comme illégale et que ses
auteurs seraient déférés aux tribunaux correctionnels par application de
l'article 12, paragraphe 2, de notre grande charte cynégétique, toujours en
vigueur sur ce point, si elle a été modifiée sur d'autres chapitres.
La presque totalité des chasseurs de sauvagine, dont, bien
entendu, font partie les « huttiers », est réunie sous la houlette
d'un président, M. de Valicourt, qui n'épargne ni son temps ni sa peine et qui,
le premier, a été douloureusement ému des conséquences strictement légales
découlant de l'application des articles précités ...
Élu, il n'y a pas très longtemps, président de la Commission
des Oiseaux Migrateurs à l'unanimité des membres présents, M. de Valicourt
avait donc, à bon droit, l'espoir de voir sa thèse en faveur des huttiers
triompher lors de la dernière Assemblée générale du Conseil international de la
Chasse tenue à La Haye en juin 1951.
Hélas ! l'homme propose ... et, mis en minorité
écrasante, M. de Valicourt dut abandonner le fauteuil présidentiel. Les choses
en sont là actuellement. Mais elles appellent certains commentaires dont
l'importance ne peut échapper, pas plus que certaines questions connexes
intéressant l'ensemble des chasseurs du globe entier.
Au cours de plusieurs de ses protestations, M. de Valicourt
a fait ressortir que : « dans toute la France, les huttiers, les
chasseurs de gibier d'eau et de passage, qui sont plus de 500.000, versent dans
les caisses de l'État plus d'un demi-milliard de francs annuellement ».
L'on sait, au surplus, que, rien que par les taxes diverses, la chasse rapporte
par an, au minimum, la somme plutôt coquette de 4.151.578.000 francs (quatre
milliards cent cinquante et un millions, cinq cent soixante-dix-huit mille
francs), ce qui vaut la peine d'être pris en considération et dont la
suppression du montant devrait, le cas échéant, être réparti sur l'ensemble des
autres contribuables, ce qui ne serait peut-être pas de leur goût !
Le but de la loi du 3 mai 1844 est surtout d'être une
loi de police, d'empêcher les abus autant que possible et de juguler le
braconnage ; en est-il de même avec la chasse à la hutte de nuit, je le
répète si anciennement pratiquée ouvertement que tout le monde, sans exception,
la pensait être parfaitement légale ?
Il faut savoir que cette chasse ne recrute ses fidèles que
parmi les plus passionnés ; il y a, certes, des huttes confortables, mais la
majorité sont plutôt rudimentaires, et un poêle y est même un luxe : si
l'on sen trouve environ une fois sur dix, la proportion est déjà belle. Afin de
donner une simple idée de la dépense d'énergie à déployer, que l'on sache bien
ceci, Jadis, j'ai connu de vieux huttiers qui, dans un abri sommaire avaient,
pour se garantir du froid, noué autour du cou un jupon de femme et mis sous eux
une simple chaufferette ; ils bravaient ainsi les plus grands froids !
Estime-t-on donc, parmi les adversaires de la chasse à la hutte de nuit, que
l'en n'y trouve pas de pratiquants ayant, avant toute autre chose, le feu sacré ?
Malheureusement, la question ne s'arrête pas là, donc n'est
pas aussi simple qu'on pourrait le supposer d'après ce qui précède ...
Lors de cette même session de La Haye, si l'on prétendait
interdire la chasse de nuit à la hutte comme très meurtrière pour les divers
anatidés, canards, sarcelles, pigeons et tous autres palmipèdes en général, en
bonne justice il aurait fallu passer en revue les autres modes, je ne dirais
plus de chasse, mais de « destruction » en usage, en se basant sur
cette conception irréfutable que les migrateurs constituant un bien international,
intéressant tous les peuples, et ... c'est non seulement ce que l'on n'a
pas fait, mais on a continué à autoriser officiellement les fameuses « canarderies »
hollandaises, encore au nombre d'environ cent vingt, et dont l'objectif est
uniquement commercial.
Deux poids, deux mesures, les uns favorisant les « commerçants »
en gibier étrangers, les autres brimant les sportifs chasseurs de France !
Nous posons la question pourquoi :
Une autre remarque, encore ; le ministre de la Marine
marchande a pris, le 11 juillet dernier, un arrêté réglementant la chasse
maritime sur le domaine maritime public, les eaux territoriales et les îles et
îlots inhabités. Si ledit arrêté interdit à juste titre la chasse et la capture
de certains oiseaux ainsi que l'enlèvement des œufs — exemple que l'on devrait
bien suivre, toujours à l'étranger, en ce qui concerne notamment les œufs de
vanneaux, friandise très recherchée, et les pluviers dorés, dont 25.000 étaient
pris chaque année dans les filets, d'où menace d'extinction des espèces à
l'instar du pigeon voyageur américain, — s'il fait aussi certaines autres
réserves en vue d'éviter des destructions massives, ce qui est non moins
rationnel, la chasse de nuit au gabion ou à la hutte de nuit n'y est pas
interdite ; supposons donc une hutte posée à l'intersection du domaine
maritime et de la terre ; d'un côté, si l'on tire, on sera en défaut ;
de l'autre, en règle ...
L'esprit des lois, décrets et arrêtés régissant la chasse en
France est de prévenir les massacres en masse des divers oiseaux ;
pourquoi ces mêmes dispositions sont-elles seulement appliquées chez nous ?
En ce moment, la chasse française subit une crise que l'on
ne peut ignorer et semble dirigée plutôt empiriquement — pour demeurer dans des
termes diplomatiques, — sans vues d'ensemble bien générales. Il y faudrait à sa
tête un recrutement choisi parmi des autorités dans chaque spécialité, comme
nous en avons encore chez nous, heureusement ! ne se pensant pas
intangibles, ni douées de la science infuse, parce que choisies au petit
bonheur.
« L'Histoire nous montre combien sont redoutables les
hommes qui prennent le pouvoir avec des idées auxquelles ils tiennent plus qu'à
leur vie. Ces hommes-là font en général tout sauter par leur entêtement à
vouloir accorder le réel à des vues particulières. »
Rendre la main quand il le faut, admettre qu'il y a plus
savant que vous, est une preuve de sagesse et d'intelligence, à moins que « par
entêtement l'on ne veuille tout faire sauter », comme certains indices
semblent le laisser supposer devant les syndicats de protestataires se formant
un peu partout.
Et, comme conclusion, l'on peut dire que quand des
chasseurs, tel Ternier, qui fut si longtemps le collaborateur du Chasseur
Français et non moins longtemps mon ami, et dont je regrette de ne pas
avoir la plume, des Masse, Vinchon, qui a écrit de si charmantes choses, ont
pratiqué la hutte de nuit, c'est un paradoxe, une erreur sans nom que de
prétendre qu'il s'agit là d'une sorte de braconnage déguisé !
Puisse la raison revenir, le plus tôt devant être le mieux,
et l'ère des erreurs disparaître à la satisfaction générale, comme pour la
sauvegarde de la chasse française.
Jacques DAMBRUM.
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