Médecin d'hirondelle.
— Un jour (c'était en 1917), j'étais occupé à écrire
dans une cave (sur une table, s'il vous plaît !) ; il me sembla
entendre un frou-frou d'ailes. Je levai aussitôt la tête et constatai que
c'était, en effet, une hirondelle qui voletait de droite et de gauche. Quelques
instants passèrent, puis il en vint une deuxième ! Quittant alors la table
par peur de les effaroucher, j'allai m'étendre sur ma couchette pour mieux les
observer. Elles voletaient, puis s'accrochaient à un endroit du plafond,
pépiaient un instant, puis reprenaient leur vol peur aller recommencer
ailleurs.
Bien entendu, leur manège n'allait pas sans m'intriguer,
mais je compris bientôt qu'il devait s'agir du nid à construire, en quoi je ne
me trompais pas. En effet, un ou deux jours après, je pus remarquer sur une des
poutrelles en fer l'amorce d'un nid qui prit rapidement tournure et fut terminé
non moins vite, mais après combien de voyages pourtant.
Il va sans dire que mon camarade de « cave » n'était
pas moins intéressé que moi ; nous trouvions extraordinaire que notre
présence ne parût gêner en rien ce gentil couple d'hirondelles qui, malgré la
guerre et les ruines accumulées, avait su retrouver le coin d'antan pour y
assurer leur progéniture !
Puis ce fut la ponte, la couvée durant laquelle nous
pouvions voir la petite tête de la future maman et ses petits yeux noirs,
tandis que le papa allait et venait sans arrêt pour lui apporter sa nourriture.
Un beau matin, nous sûmes, grâce à leur pépiement, que les
oisillons étaient nés (nous en comptâmes quatre), et les allées et venues des
parents devinrent telles et commençaient si tôt que nous jugeâmes utile de
découper un losange assez large dans la porte que nous devions fermer parfois
dans la journée.
La petite famille semblait prospérer normalement, M. et Mme
Hirondelle ne s'effarouchaient de rien et pratiquaient largement l'ouverture
faite dans la porte, quand, un jour, je remarquai qu'un des petits avait au cou
une grosseur (une belle noisette, à peu près) qui lui faisait pencher la tête
hors du nid et l'empêchait, autant dire, de manger ; en fait, il ne
sollicitait la becquée que de loin en loin.
Au risque de gâcher la quiétude du nid, je me décidai à en sortir
l'hirondeau malade, puis, l'ayant examiné, je perçai de part et d'autre à
l'aide d'une aiguille, la grosseur dont il était affligé. L'opération faite, je
replaçai l'oiselet dans le nid, et la première becquée apportée fut pour lui,
qui, au grand étonnement des parents sans doute, ouvrait largement un bec
avide. Les voyages qui suivirent semblèrent même lui être plus spécialement
destinés.
Quelques jours passèrent au bout desquels je dus constater
que la maudite grosseur s'était reformée. Aussi, et voulant mener à bien ce que
je considérais un peu comme un sauvetage, je renouvelai mon intervention, mais,
cette fois, en laissant un fil sortant de part et d'autre, moyen bien connu et
pratiqué par les troupiers en cas d'ampoules. J'ajouterai que la grosseur ne
contenait que de l'air.
Le petit malade ne parut nullement incommodé par le fil dont
il était ainsi pourvu, et c'est dans un temps record qu'il rattrapa le retard
qu'il avait sur ses frères et sœurs hirondeaux. La grosseur ne se reforma pas
après que j'eus enlevé le fil qui la traversait.
Tout ce petit monde, devenu si familier et qui savait
tellement nous distraire, profitait et se développait normalement ; les
plumes étaient venues et c'était quatre mignonnes petites hirondelles que nous
voyions perchées sur le bord d'un nid devenu trop petit. Nous sentions, mon
camarade et moi, que le premier envol ne tarderait pas et nous nous
réjouissions à l'idée d'y assister. Oui, mais, si le soldat propose, le service
dispose ! ...
Nous dûmes, en effet, nous absenter pendant toute une
journée pour ne regagner notre chère cave que tard dans la nuit et, le matin
venu, le nid était vide !
M. JEANNOT, Decize (Nièvre.)
Un garde comme il y en a peu ... heureusement.
— Le 23 janvier dernier, le tribunal correctionnel
d'Hazebrouck avait à juger une affaire originale, sur renvoi de la Cour de
Douai, le garde A. L... ne pouvant être jugé dans l'arrondissement de
Saint-Omer où il exerce ses fonctions.
Le 20 septembre 1949, ledit garde-chasse auxiliaire de
la Fédération avait tout simplement tué au fusil, en plaine, en plein jour, en
temps prohibé, un chevreuil qu'il avait ensuite été cacher dans un bois à
proximité. Douze témoins défilent à la barre.
A. L..., après le meurtre du chevreuil, obtint, sous
prétexte d'une entorse, qu'on vînt le chercher en camionnette, c'est-à-dire de
manière à pouvoir enlever le corps du délit !
L'avocat de la Fédération des chasseurs reconstitue en
entier les circonstances du délit ; en dépit des efforts du défenseur de
l'inculpé, après trois heures de débats, A. L... est condamné à deux mois de
prison avec sursis, 12.000 francs d'amende, confiscation de son fusil ou 5.000
francs ; il paiera, en outre, 20.000 francs de dommages-intérêts à la
Fédération des chasseurs.
J. D...
La destruction du renard, prélude du repeuplement en gibier.
— Le plateau du Larzac constitue une contrée
particulièrement favorable au peuplement en gibier, et notamment en lièvres et
en lapins, mais aussi en perdreaux. L'absence de vignes et les grandes étendues
de pâturages à moutons y permettent sa reproduction, sans danger pour les
récoltes. Que ce soit vers les limites de l'Aveyron, ou au sud vers la vallée
de la Leigne, ou à l'est vers celle de la Vir, ce plateau, d'une altitude
moyenne entre 800 et 600 mètres, se prête admirablement à la chasse.
Pendant la guerre de 1939-1945, la densité en gibier y avait
atteint un chiffre élevé, et point n'était besoin de chiens pour lever lapins,
lièvres et perdreaux dans les parties élevées (800 mètres) ; les cailles y
trouvaient un lieu de prédilection et les râles de genêts abondaient lors des
passages dans les landes de fougères et les genêts. Je me souviens, entre
autres, d'une matinée de chasse avec mon ami V..., grand amateur comme moi de
chasse au chien d'arrêt, où 39 lapins, 3 lièvres, 7 perdreaux et 12 cailles
constituaient le tableau ; et nous avions été très maladroits.
Depuis, hélas ! les choses ont bien changé. On a bien
tué le gibier au fusil, au furet; on a bien braconné par tous les moyens, mais
l'on s'est désintéressé des nuisibles, qui y ont véritablement pullulé au point
que, lors d'une visite que j'y ait faite dernièrement, je n'ai pu, avec un
excellent chien, lever ni un perdreau, ni un lapin. Par contre, j'ai vu courir
cinq renards et un grand nombre de belettes.
C'est sur le plateau du Larzac à La Canourgue, au Saut du
Lièvre, à Saint-Martin-de-l'Azirou, que la Fédération des chasseurs de
l'Hérault a constitué ses réserves et a procédé A des lâchers de lièvres, de
perdreaux d'Amérique. Le choix eût été parfait si, au préalable, une
destruction systématique des nuisibles avait été entreprise sur un large
espace. Aujourd'hui les lièvres ont disparu ; quant aux perdreaux, après
un lâcher désastreux de plus de 200, on en conserve quelques couples en
volière.
Mon intention n'est pas de critiquer, mais seulement de tirer
les leçons de ces échecs ; et ces leçons, je les trouve dans deux chasses
gardées particulières de la région de Saint-Maurice-La Vacquerie, voisines des
réserves de la Fédération.
Sur ces deux chasses, représentant 2.000 hectares environ,
on a fait appel, pour la destruction du renard, à M. Sanzoni de La Beaume-Auriol,
ancien garde de M. Teinerencq, à Saint-Martin-de-l'Aziron, bien connu dans le
pays comme trappeur, et voici les résultats : en trois mois, Sanzoni a
capturé 94 renards, 16 blaireaux, 2 fouines et un grand nombre de belettes et
de rapaces.
Quatre-vingt-quatorze renards sur 2.000 hectares en bordure
de la réserve de la Fédération, cela donne une idée de la densité de ce
terrible destructeur. Ajoutons que l'année dernière, sur 1.000 hectares seulement,
M. Sanzoni avait capturé 75 renards.
Quelle magnifique leçon, et combien d'argent serait épargné
si les fédérations avaient comme premier objectif la destruction systématique
des nuisibles d'une façon, effective !
Les tableaux de chasse en témoignent, du reste. Alors qu'à
Saint-Maurice, en 1946, il se tuait 50 à 60 lièvres, il en a été tué 2 en 1950 ;
quant au lapin, comme il est continuellement chassé par les renards, il ne
reste que le furet, aux naturels du pays pour éviter la bredouille.
Et alors ne vient-il pas à l'idée que si des primes
substantielles étaient accordées aux piégeurs (300 francs minimum), M. Sanzoni
ferait rapidement des émules, car, les peaux se vendant 150 francs (moins qu'un
lapin), pourquoi voulez-vous que quelqu'un s'y intéresse ! Nous donnons ce
récit en méditation à nos amis chasseurs.
F. DONNAT.
Chasseurs, soyez prudents et assurez-vous !
— Il est bien évident que l'assurance-chasse, au
surplus dorénavant exigée partout par les directeurs de chasse, n'exempte pas
leur auteur de poursuites correctionnelles en cas d'accident, mais du moins ne
risque-t-il plus la ruine pour les siens ! ...
Le tribunal de la petite sous-préfecture de M...-sur-Mer,
qui avait à connaître dernièrement d'une grave affaire d'accident de chasse, puisqu'elle
se termina par une condamnation à près de 6 millions de dommages-intérêts, a vu
évoquer à nouveau devant lui, tout récemment, une histoire du même genre,
infiniment moins grave, et qui prêterait plutôt à sourire, cependant pas pour
tout le monde. La voici en résumé, du reste.
M. H..., vingt-cinq ans, cultivateur au village d'A..., au
cours d'une partie de chasse, blessa légèrement, d'un coup de fusil au pied, un
de ses camarades de chasse, M. F..., de la même commune, dans les circonstances
suivantes :
Cinq disciples de saint Hubert furetaient dans un talus et,
à un certain moment, M. F..., pour reprendre le furet à une des bouches du
terrier, dut s'allonger dans un buisson, ne laissant visibles que ses bottes.
Un témoin vient déclarer à l'audience qu'il avait crié à M.
H... et autres chasseurs d'avoir à faire attention et de ne pas tirer dans le
buisson où se trouvait M. F...
Que se passa-t-il ? M. H... affirme n'avoir pas entendu
la recommandation et, ignorant l'emplacement où se trouvait M. F..., tira sur
quelque chose qui bougeait. Ce « quelque chose » était un des pieds
de l'infortuné chasseur, qui fut blessé, sans gravité heureusement !
L'avocat de la partie civile réclame 170.000 francs de
provision, la responsabilité de M. H... étant complète en l'occurrence. Le
ministère public insiste sur l'imprudence de l'inculpé et demande une
condamnation sévère.
L'avocat de la défense, arguant d'une mauvaise organisation
de cette chasse au furet, particulièrement dangereuse, demande le partage des
responsabilités.
Finalement, le tribunal condamne M. H... à vingt jours de
prison avec sursis et à 25.000 francs d'amende ; il paiera 100.000 francs
à titre de provision. Un docteur est désigné comme expert.
Tout cela est évidemment profondément regrettable, mais
amène à penser que peut-être M. H... est-il victime, lui aussi, d'un état de
choses absolument défectueux.
Si l'éducation du chasseur était faite, même sommairement,
si on lui montrait la prudence avec laquelle un fusil doit être manié, il est incontestable
que la chronique des accidents de chasse diminuerait sensiblement, ce qui
serait un bienfait pour tout le monde.
Il n'en resterait encore que trop, hélas ! d'imprévisibles ...
Cerfs « Sika » dans le Pas-de-Calais et condamnation.
— Le cerf japonais dit Sika est un très bel animal
tenant le milieu entre le cerf français et le daim de chez nous ; depuis 1890,
il s'est tellement plu en France que le cerf et les trois biches d'origine ont
une nombreuse postérité ne donnant aucun signe de dégénérescence, ce qui réduit
à néant la thèse de la prétendue nocivité de la consanguinité, du moins chez
les animaux sauvages en des milieux leur étant favorables.
C'est pourquoi, tenant à donner satisfaction dans toute la
mesure du possible à ses adhérents, la Fédération des chasseurs du
Pas-de-Calais avait fait procéder à plusieurs lâchers de cerfs et de biches Sika,
soit 21 en tout : 15 en 1951, 6 en 1950 ; les essais du lâcher de
1950 ayant montré que les biches étaient suitées, donc que tout espoir de
peuplement était permis, on comprend qu'un autre, d'une plus grande importance,
avait été fait à la demande générale.
Très malheureusement, bien que le tir de ces animaux soit
interdit pendant encore une assez longue période, bien que la chasse du cerf
ordinaire ne soit ouverte que le 1er octobre 1950, le 16 septembre,
un mâle était tué au marais par un chasseur qui allégua l'avoir pris pour une
loutre, ce qui lui valut d'être poursuivi devant le tribunal correctionnel de Boulogne-sur-Mer.
Ses excuses étaient, en outre, aussi enfantines qu'anémiques ! Il est
impossible, même pour un sportsman peu averti, de prendre un animal portant des
bois importants pour une loutre qui, jusqu'à présent du moins, en est démunie !
Le tribunal ne l'a donc pas suivi dans ses savantes déductions et l'a condamné
à 12.000 francs d'amende, à la confiscation de son fusil, et a accordé la somme
de 20.000 francs de dommages-intérêts à la Fédération, qui s'était portée
partie civile à l'audience du 15 mars 1951 où l'affaire fut évoquée. Il
est à souhaiter que les sujets du deuxième lâcher aient un meilleur sort que
leurs devanciers.
Affaire banale en soi, dira-t-on, que le fait de tuer un
animal en temps prohibé, ce qui se voit couramment en France ! Non pas
dans le cas présent, car il s'agit là d'essais qui pourraient être réduits à
néant sans le concours de tous et qui, au contraire, pourraient ouvrir une voie
nouvelle avec l'appui général de tous les chasseurs ; on en voit donc
l'importance.
Ajoutons qu'il n'y a là aucune excuse pour le délinquant, puisqu'il
fut démontré par l'autopsie officielle, pratiquée immédiatement, que le coup de
fusil mortel avait été tiré à une distance n'excédant pas 3 mètres, et que le cerf,
ne portant aucune trace d'eau ni même d'humidité, n'avait donc pas été à la
rivière.
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