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Conservation des légumes sur place

Avec l'hiver arrive la grosse préoccupation de conserver le mieux possible les légumes. Bon nombre de procédés ont déjà été exposés dans cette Revue (1) : conservation en silos réalisés de diverses manières, conservation en cave ou en cellier.

Pourquoi, lorsqu'il y a possibilité, ne pas recourir au procédé de conservation le plus naturel : la conservation des légumes sur place qui permettra au jardinier ou à l'amateur d'apporter à la ménagère, à sa grande surprise, des légumes frais malgré les gelées ?

Conditions de la conservation sur place des légumes.

— Pour maintenir, au cours de l'hiver, sur le lieu de leur culture certains légumes, il faut que le terrain demeure sain, sans excès d'humidité pendant la saison mauvaise. Pour lutter contre l'humidité, il suffira de ménager un petit ados qui jouera le véritable rôle de drain dans les sentiers ménagés le long de chaque planche.

Pratique de la conservation des légumes sur place.

— 1° Si l'on dispose de coffres et de châssis, on opérera comme les maraîchers : il suffira de les placer sur les légumes à conserver et de les recouvrir de paillassons lorsque les gelées sont à craindre. L'essentiel sera de disposer d'un nombre de châssis suffisant. Quand le temps sera favorable : température au-dessus de zéro et que le soleil donnera, il ne faudra pas oublier d'aérer. Il faudra également observer si la pourriture se déclare et si les rongeurs ne viennent pas visiter les réserves.

— 2° Si l'on ne dispose pas de coffres, ni de châssis, on recouvrira tout simplement les carrés de légumes d'un manteau protecteur en cas de froids rigoureux : de la litière à paille longue ou des feuilles mortes dont la décomposition est lente, telles les feuilles de platane. Cette litière sera maintenue à l'aide de branchages, de fascines bien entrecroisées. On aura eu soin auparavant de couper très soigneusement les feuilles desdits légumes juste au-dessus de leur collet. L'opération se fera évidemment selon les régions et selon le climat de la saison en général, au mois de novembre, et, pour bien réussir, il faudra opérer par temps sec afin de n'enfermer aucune humidité sous le manteau protecteur. Lorsque le temps sera beau, doux, sec, on ne manquera pas de découvrir quelques heures afin d'éviter la pourriture.

Quels légumes conserver sur place ?

1° Les artichauts.

— On coupera au ras du sol les vieilles tiges et celles qui ont fleuri ; on supprimera toutes les grandes feuilles et on liera les autres sans trop les serrer. Puis on buttera soigneusement les pieds en ramenant convenablement la terre autour d'eux sur une épaisseur de 20 centimètres environ, mais sans recouvrir le cœur. À proximité de la plantation et à l'abri, disposer le tas de feuilles sèches ou de paille nécessaires à la couverture lorsque les froids se feront sentir.

2° Les céleris.

Le céleri à côtes.

— Après les avoir liés, arracher les pieds avec la motte de terre, enlever les feuilles abîmées et placer en rangs dans une jauge de 25 à 30 centimètres et à 15 centimètres d'intervalle. Arroser légèrement et doucement pour faire glisser la terre et faciliter l'enracinement. Et c'est seulement à l'apparition des froids que la terre extraite sera glissée entre les lignes de céleris. On couvrira avec des feuilles sèches, de la paille, du papier fort.

Le céleri-rave.

— Arracher le pied avec la motte de terre et habiller par enlèvement des feuilles sans toucher au bourgeon central. Placer à touche-touche dans une jauge de 20 à 30 centimètres de profondeur. Couvrir de feuilles sèches ou de paille.

3° Les carottes.

— On coupera soigneusement les fanes des carottes au ras du sol, puis, dès l'apparition des froids, on couvrira d'une dizaine de centimètres de feuilles. Elles pourront demeurer ainsi en terre tout l'hiver, et, aux premiers beaux jours, ce seront des carottes nouvelles toutes fraîches.

4° Les choux.

Choux pommés.

— On pourra d'abord se contenter, les premiers froids venus, d'arracher les choux dont la pomme est passablement développée et de les replanter à proximité, serrés les uns contre les autres, en ayant soin de les diriger la tête face au nord et de ne les enterrer que jusqu'aux premières feuilles. Si les froids se font sentir rigoureusement (-5°), recouvrir les choux de feuilles sèches, de paille protectrice.

On peut également les enjauger couchés face au nord dans une petite tranchée orientée de l'est vers l'ouest, ou en fosse plus profonde en les disposant sur un talus en lignes parallèles, les mieux formés, donc de moins longue conservation, étant placés à la partie supérieure. Enfin on peut conserver les choux dans une fosse, la tête en l'air et recouverts d'une dizaine de centimètres de terre ; au surplus, la pomme blanchit totalement ; mais, l'humidité étant à redouter, ils ne se conservent pas aussi longtemps.

5° Choux-fleurs.

— Après les avoir déchaussés d'un léger coup de bêche, on les dirigera la tête face au nord, et on recouvrira leur tige d'un peu de terre : de la sorte, ils sont ainsi beaucoup moins exposés aux alternatives si néfastes de gel et de dégel. Après avoir passé ainsi l'hiver en plein air, ils seront aptes à former de belles pommes au printemps.

6° Choux-navets ou rutabagas.

— Leur rusticité leur permet de passer sinon la totalité, du moins une grande partie de l'hiver en place. Il est seulement préférable, pour faciliter leur arrachage en période de grands froids, de les recouvrir d'une couche assez légère de litière de feuilles sèches afin d'empêcher un durcissement de la terre sous l'action de la gelée.

Précautions à prendre.

— Pour bien réussir dans la pratique de la conservation des légumes sur place, il faudra lutter :

Contre la pourriture : les légumes périssent plus souvent par suite de l'excès d'humidité que par l'influence de la gelée ; en conséquence, chaque fois que le temps le permettra, on aérera les planches, si peu de temps soit-il, et on évitera la décomposition des légumes abrités de l'air.

Contre l'attaque des rongeurs : une surveillance sévère sera exercée, et on disposera à l'intérieur même du manteau protecteur des appâts empoisonnés (noix vomique, graines strychninées).

Ainsi la conservation des légumes sur place est intéressante puisqu'elle ne demande aucun local, pas beaucoup de préparation, et qu'elle permet d'avoir, malgré les gelées, des légumes frais.

BOILEAU.

(1) voir Le Chasseur français, nos 634 de 1949 et 644 de 1950.

Le Chasseur Français N°656 Octobre 1951 Page 609