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Élevage

La lumière et les couleurs

agents de l'hygiène.

Si personne n'ignore que l'air est l'élément indispensable à la vie, il est, par contre, beaucoup moins d'individus qui soient exactement informés de l'influence vivifiante de la lumière sur tous les organismes vivants, végétaux et animaux.

Certes, la privation de lumière n'entraîne pas, comme celle de l'air, la cessation de la vie, mais, par sa présence et son action, elle agit favorablement sur le bon fonctionnement de tous nos organes et contribue au bon équilibre de notre santé. Les enfants qui vivent beaucoup dehors, en plein air, se portent toujours mieux et ont une physionomie éveillée, souriante, des couleurs plus vives que chez ceux qui sont maintenus dans des locaux mal aérés et mal éclairés, dépourvus de confort autant que d'hygiène. Là où entre le soleil, dit le bon sens populaire, le médecin ne vient pas souvent ! Et cette constatation trouve sa confirmation dans ce fait que, du temps des Romains, chaque maison bien construite comportait un local exposé au soleil, le « solarium », qui était à la fois un lieu de repos pour les adultes et une salle de jeux pour les enfants.

Une preuve que la lumière du jour influe grandement sur la vie et le développement d'un organisme végétal, c'est la décoloration rapide qui s'observe sur les plantes soustraites pendant un certain temps à son action ; le blanchiment des salades recouvertes à cette intention en fournit une preuve convaincante.

Les rayons du spectre solaire, composé, de sept couleurs (violet, indigo, bleu, vert, jaune, orangé, rouge), n'agissent pas tous de la même manière sur les plantes ; c'est ainsi que les rayons jaunes arrêtent la germination, tandis que les bleus l'accélèrent. Avec les rayons rouges, la germination a lieu, mais la couleur verte des tiges et des feuilles disparaît par destruction de la chlorophylle ; ces mêmes rayons rouges peuvent être utilisés avantageusement pour le traitement des plaies suppurantes, par simple exposition au soleil.

L'influence biologique des couleurs, à laquelle fait allusion, sans s'en douter, le commun des mortels en parlant de la « couleur du temps » dont la grande lumière incite à l'activité et à la gaieté, tandis que le ciel brumeux attriste et rend peu disposé au travail, a été mise en évidence au laboratoire de zoologie de l'Université de Genève. Le professeur Yung avait, à cette intention, élevé des têtards dans des bocaux de verre de couleurs différentes : jaune, rouge et bleu.

Après quelques jours d'observation, les têtards du bocal jaune étaient en tous points semblables à ceux d'un bocal témoin, non coloré ; par contre, ceux du bocal rouge étaient plus petits mais plus vifs, tandis que ceux du bocal bleu avaient doublé de dimensions et se montraient plus lents dans leurs mouvements.

L'influence de la couleur sur la nutrition se trouvait ainsi démontrée, mais elle peut s'exercer aussi dans bien d'autres occasions. D'abord la couleur bleue fait fuir les mouches en général ; la mouche commune (musca domestica), qui apparaît dès le printemps, et la mouche stomoxe (stomoxys calcitrans), qui ne vient que plus tard en saison. La couleur violette, voisine du bleu dans le spectre solaire, semble avoir les mêmes propriétés, dont on trouve raison en constatant que les mouches sont toujours peu nombreuses dans les églises, où les couleurs dominantes des vitraux sont le bleu et le violet, il est juste d'ajouter aussi qu’elles y trouvent moins que partout ailleurs de quoi subsister : ni aliments, ni fermentations, qu'elles recherchent toujours avidement.

Autre constatation d'importance : la couleur bleue favorise la lactation, et c'est pourquoi, dans certaines fermes modèles, on utilise cette propriété en peignant en bleu les murs, les boiseries et les vitres des étables. A ce propos, au cours d'une séance de la Société de psychothérapie et de psychologie, M. Legrand, médecin vétérinaire à Saint-Germain-en-Laye, a cité l'exemple de la ferme de l'île Lalorge, aux environs de Paris, dont le propriétaire était un médecin de ses amis et dans laquelle la peinture bleue avait été utilisée aussi largement que possible à l'intérieur de l'étable. Le propriétaire lui a affirmé avoir constaté une notable augmentation de la production laitière journalière depuis cette innovation.

La couleur bleue ne serait pas, du reste, la seule à faire bénéficier les animaux de ses influences physiologiques ; la couleur violette peut aussi favoriser l'engraissement ; voisine du bleu dans le spectre solaire, il est à présumer qu'elle doit avoir aussi une influence sur les centres nerveux, et le cerveau en particulier, comme elle en a sur l'appareil digestif.

La lactation et la digestion sont des fonctions naturelles, mais qui s'exercent d'autant mieux que les animaux vivent dans le calme et la tranquillité, le « repos au sain de l'abondance ». Aussi est-il permis de penser que les couleurs d'un coté du spectre solaire sont susceptibles d'exercer une action calmante, sédative, favorable à l'accomplissement de certaines fonctions physiologiques et psychologiques, tandis qua celles de l'autre côté seraient douées, au contraire, d'un pouvoir excitant, stimulant. L'influence excitante du rouge est démontrée par la colère qu'elle provoque chez les animaux, les coqs et les taureaux en particulier. Elle ne paraît pas, comme celle de la couleur bleue, susceptible de fréquentes applications hygiéniques ou thérapeutiques, mais, depuis l'expérience démonstrative de Genève, les progrès de la science dans tous les domaines nous en ont fait voir de toutes les couleurs ! Il faut éviter d'en discuter inutilement, tout en laissant à chacun l'initiative de recueillir les faits d'intérêt pratique.

J.-H. BERNARD.

Le Chasseur Français N°656 Octobre 1951 Page 618