II y a là un point qui mériterait d'attirer sérieusement
l'attention des sociétés de chasse. Malgré toutes les mesures prises, le
gibier diminue dans nombre de régions. Certaines espèces disparaissent même complètement
dans des régions où elles étaient jadis abondantes, c'est le cas du lièvre en
particulier. On a réduit le braconnage à sa plus simple expression, on a limité
les jours de chasse à trois sur sept, on retarde l'ouverture ou avance la
fermeture pour certaines espèces, on a créé des réserves et, malgré cela, le
gibier est en décroissance. Les réserves ne joueraient-elles pas le rôle
escompté ? Si, dans une certaine mesure, mais elles sont loin, dans la majorité
des cas, de foumir le rendement qu'on serait en droit d'en attendre.
La cause principale en est la quantité d'animaux nuisibles
au gibier qu'on laisse vivre dans ces zones. Il faut bien se fourrer dans la tête
que les nuisibles ne peuvent vivre que là « où la table est mise ». Plus on a
de gibier sur un territoire, plus on a de chances d'être envahi de petits
fauves et rapaces. Il importe donc au plus haut point pour les sociétés de
faire un sérieux effort de destruction sur ces réserves. Quand je dis un
effort, cela ne veut pas dire se contenter d'une battue accidentelle et
annuelle, mais une surveillance soutenue d'un bout de l'année à l'autre de ces
terrains.
Une société qui, en fin de chasse, lâche des reproducteurs-gibier
dans sa réserve doit, avant ce lâcher, avoir purgé le terrain de tous ses
nuisibles. Omettre ce point capital, c'est livrer des animaux étrangers à la région
à la merci des nuisibles, c'est donc sans aucun profit pour les chasseurs,
c'est en un mot un gaspillage des fonds de la société. Mais, si le nettoyage préalable
a été fait, il ne s'agit pas de s'endormir dans une douce quiétude, car les
nuisibles des alentours, les rapaces migrateurs ne vont pas manquer de visiter
et même de s'installer sur ce terrain. S'ils opèrent en hiver : destruction des
reproducteurs, donc résultat négatif ; s'ils opèrent en été : gros dégâts dans
les couvées et les portées, donc réduction sensible des résultats.
A l'appui de ces conseils, je peux citer le cas suivant intéressant
un repeuplement en lapins de garenne, et Dieu sait si cet animal est prolifique ! Dans une garenne carrée de, un hectare, entourée de cultures de tous côtés,
mise en réserve avec trois hectares de terre sur deux côtés seulement de fa
garenne, je notais les résultats suivants :
- 1° La première année, destruction soutenue et intensive des
nuisibles comprenant chats, putois, belettes, renards et une fouine (tous
venant de l'extérieur) ; les chasseurs tuèrent autour de cette petite réserve
environ 150 lapins, et il en resta ! Il est aisé de comprendre que les lapins
ne pouvant se concentrer sur un hectare de bois gagnèrent les haies, les champs
et les bois voisins, où tous les chasseurs en profitèrent.
- 2° La seconde année, aucune destruction de nuisibles ne fut
effectuée, les chats s'en donnèrent à cœur joie, aidés de quelques putois et
renards. Le tableau aux alentours immédiats tomba à une trentaine de lapins.
- 3° La troisième année, aucune destruction faite, tableau : une vingtaine de lapins.
Le résultat me semble probant, et ce qui est vrai pour le lapin l'est également pour les lièvre et perdrix. A noter
que, dans cette petite réserve, le braconnage fut pour ainsi dire inexistant au
cours de ces trois années.
Si, en plus de la destruction des nuisibles, on ajoute
quelques soins au gibier, en hiver (abris, nourriture exceptionnelle), au
moment de la reproduction on peut être assuré d'un bon résultat. A noter en
passant que la tranquillité assurée au gibier, particulièrement aux périodes de
reproduction et d'élevage, est également un gros facteur de réussite, ce qui
peut être assuré par l'emplacement choisi judicieusement lors du choix de la réserve.
La grosse difficulté pour mener à bien cette surveillance réside
dans le fait que peu de sociétés communales ont un garde particulier à la
hauteur (ou non) et que, par ailleurs, les gardes fédéraux ne peuvent être
partout. Quant au matériel et aux aménagements, c'est une petite mise de fonds à
faire et qui reste à la société. Il n'est nullement question de se lancer dans
des frais disproportionnés, pas plus que de créer des kilomètres de sentiers à fauves
ou de clôtures, mais d'effectuer aux lieux intéressants tel ou tel petit aménagement
qui portera ses fruits. Un chasseur bénévole à la « conscience pure » pourrait
s'en charger, sous le contrôle des gardes fédéraux par exemple. En ajoutant à toutes
ces mesures un peu plus de sportivité de la part des chasseurs qui n'ont pas
encore compris (tels, par exemple, ceux qui partent en chasse avec un pic pour
déterrer les lapins qu'ils n'ont pas réussi à tuer !), et malgré l'accroissement
des chasseurs, le gibier reparaîtra.
A. CHAIGNEAU.
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