a tradition — mais qui donc à notre époque de survitesse se
réfère encore à celle-ci ? — la tradition, disons-nous, révèle, que les saints
de glace se placent les 10, 11 et 12 mai de chaque année ; ce sont
respectivement saint Mamert (le 10), saint Pancrace (le 11) et saint Servais (le
12).
On est obligé de constater qu'en l'an de grâce 1951 ces
saints ont été en avance, car les gelées se sont produites dans la seconde
quinzaine d'avril, causant dans certains vignobles des dégâts non négligeables.
Il n'est pas sans intérêt de savoir qu'à cette période de
froid correspondent d'autres périodes de refroidissement ou de réchauffement
et, à ce propos, nous ne pouvons pas mieux faire que citer intégralement le
passage extrait du très intéressant ouvrage de P. Klein, Météorologie
agricole, observations valables pour notre pays :
« Époques de réchauffement : 10 au 13 août ; 10 au 15
novembre (été de la Saint-Martin). »
« Époques de refroidissement : 8 au 11 février ; 4 au 11
mars ; 10 au .12 mai. »
II était naturel de rechercher l'explication de ces
anomalies de température dans les phénomènes astronomiques. On a remarqué que
l'été de la Saint-Martin correspondait à l'époque du passage de la terre dans
un essaim d'étoiles filantes connu sous le nom de Léonides (10 au 11
novembre). A six mois d'intervalle exactement se produit le phénomène des
saints de glace. De même le réchauffement du 10 au 13 août correspond au
passage de la terre dans un autre essaim d'étoiles filantes, celui des Perséides,
et, à six mois d'intervalle, se produit le refroidissement du 8 au 11 février. Ces
coïncidences ne sont vraisemblablement pas fortuites, mais on ne peut en donner
actuellement que des explications trop hypothétiques pour être retenues.
« Les anomalies de température qui viennent d'être
signalées ne se manifestent pas sur toute la terre. Ainsi, d'après M. Lancaster,
l’été de la Saint-Martin n'existe pas à Bruxelles. »
Ajoutons, à l'appui de cet exposé, que les résultats ci dessus
ont été obtenus par des observations faites sur près de deux siècles. Les statistiques,
si décriées, sont pour une fois d'un grand secours pour l'explication de la périodicité
des phénomènes météorologiques. Il ne faudrait pas toutefois prendre ces données
d'une manière absolue, car ces mêmes phénomènes sont capricieux, et il peut y
avoir un décalage dans les époques de refroidissement ou de réchauffement.
Dans un autre ordre d'idées, les statistiques nous
renseignent sur les périodes sèches et humides ; ainsi nous savons qu'à la période
sèche 1856-1870 a succédé une période humide 1871-1886, et il est remarquable
de constater que toutes les périodes sèches ou humides relevées depuis 1756 ont
une périodicité de quatorze années.
L'Écriture nous parle des sept vaches maigres succédant aux
sept vaches grasses ; ne s'agit-il pas là d'années sèches succédant à des années
humides ? Cela est possible si l'on considère que le climat du Proche-Orient
est totalement différent du nôtre.
Mais, pensez-vous, les saints de glace nous ramènent aux gelées
printanières. C'est exact, et nous avons traité ce sujet dans le numéro 645 du
mois de novembre 1950 du Chasseur Français.
Les moyens de lutte préconisés dans l'étude ci-dessus sont
toujours valables, et à cette époque un autre procédé était en application,
mais nous avons cru bon d'attendre pour en constater l'efficacité.
II s'agit simplement de l'emploi du bisulfite d'ammonium.
Ne croyez pas que c'est un corps nouveau venu. Non. Les chimistes, ces
chercheurs infatigables, le connaissaient depuis longtemps, mais ce qui est nouveau
est son application pratique dans la protection du vignoble contre les gelées
de printemps.
Le principe est le suivant : si l'on mélange deux jets
liquides, l'un d'acide sulfureux, l'autre d'ammoniaque, la combinaison de ces
deux produits donne le bisulfite d'ammonium, qui se présente sous la forme de
cristaux microscopiques dont l'ensemble forme une fumée blanche, froide,
lourde, d'un grand pouvoir couvrant.
Ce produit est inoffensif pour l'homme, les animaux et les végétaux.
Mais comprenons-nous bien : inoffensif dans les conditions d'emploi, car nul être
vivant ne peut respirer dans une atmosphère constituée uniquement par un gaz
inerte, qu'il soit l'azote, l'acide carbonique ou tout autre gaz de ce genre.
L'emploi pratique de cette fumée paraît fort simple, et il
est du rôle des groupements professionnels d'étudier ce nouveau procédé.
Ce que nous écrivions en novembre dernier au sujet de la prévision
des gelées est toujours d'actualité.
Le pagoscope est un excellent petit instrument qui,
la veille, au coucher du soleil, nous indique si la gelée est probable,
certaine ou nulle.
Cet instrument n'est que la réalisation pratique, mise à la
portée de n'importe qui, d'un autre instrument de physique assez ancien et
employé par les météorologistes pour le dosage de l'humidité de l'air et la prévision
des gelées : le psychromètre. Cet appareil se compose d'une planchette métallique
verticale, peinte en blanc, et supportant deux thermomètres à mercure, de précision.
La cuvette du thermomètre de gauche est constamment humectée par un morceau de
gaze plongeant dans la cuvette d'un réservoir d'eau à niveau constant, type
abreuvoir à oiseau.
Une table de correspondance permet de déterminer avec précision
la quantité de vapeur d'eau que contient l'air et, le soir, au coucher du
soleil, la prévision des gelées.
Pendant le conflit 1914-1918, certaines stations météorologiques
de l'Armée l'ont utilisé avec profit pour la prévision des gelées et pour le
compte des parcs automobiles.
Pour ceux qui désirent des avertisseurs sonores
automatiques, il devront se procurer un élément sensible dérivé du thermomètre
métallique de Bréguet, du fil conducteur, une ou plusieurs sonneries, une pile
ou un transformateur.
La partie sensible, qui devra être réglable en température
et comporter deux connexions, sera placée près du sol, dans la partie la plus
froide du vignoble.
Ce dispositif est le même que celui employé dans les
avertisseurs automatiques d'incendie, mais là on signale une élévation de température,
tandis qu'au vignoble c'est son abaissement qui nous intéresse.
N'importe quel électricien local pourra réaliser ce
dispositif, lequel, rappelons-le, est saisonnier et devra être démonté lorsque
les gelées ne seront plus à craindre, et emmagasiné dans un endroit sec.
V. Arnould,
Ingénieur agronome.
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