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La forêt française

La culture du pin maritime

Le pin maritime (Pinus Pinaster soli) est une des essences forestières les plus importantes de notre pays. Il couvre, dans le Sud-Ouest de la France, une surface de plus d'un million d'hectares, que les incendies de 1944 à 1949 ont malheureusement fortement entamée. Le pin maritime est très abondant en Gironde, dans les Landes et le Lot-et-Garonne, mais il existe dans l'Ouest jusqu'au Maine-et-Loire. Le littoral de la Méditerranée, la Corse en possèdent également de très beaux spécimens.

Le pin maritime se reconnaît à ses aiguilles d'un vert foncé, groupées par deux, pouvant atteindre 20 centimètres de longueur. Son cône, gros, a 15 à 20 centimètres de long et 5 à 7 centimètres de large. Il est formé d'écailles à écusson dur et saillant. La graine est noir luisant sur une face et gris marbré sur l'autre. Elle est longuement ailée et peut atteindre 10 millimètres de longueur. Le fût, rarement droit, est recouvert d'une écorce épaisse, profondément crevassée, brun violacé presque noir extérieurement, brun rouge brique en dessous. Les rameaux sont brun violacé, avec de gros bourgeons oblongs à écailles brunes.

Le bois du pin maritime présente des zones de bois d'été bien plus colorées (en brun rouge) et bien plus dures que les zones de bois de printemps. On distingue donc très bien les accroissements annuels. Il est très riche en gros canaux résinifères qu'on aperçoit, en section transversale, sous forme de taches punctiformes et, en section radiale ou tangentielle, sous forme de stries noirâtres. La présence de ces canaux sécréteurs confère au bois une forte et caractéristique odeur de résine, surtout s'il provient de pins ayant été gemmés.

Le pin donne, à tous les âges, des produits commerciaux intéressants. Issus de régénération naturelle ou de semis artificiels, les peuplements de pin maritime subissent, vers huit à dix ans, une première éclaircie dite « à la hache » parce qu'elle est toujours exploitée au moyen de cet outil. Les pins sont dépressés, pour atteindre une densité de 2.500 à 3.500 plants à l'hectare, et on enlève les morts-bois et les essences secondaires gênantes. On commence, en même temps, l'élagage des pins restants en coupant quelques basses branches. Les produits de cette première éclaircie sont, en général, laissés sur place parce que trop petits pour être vendus.

Vers seize à dix-huit ans, on pratique une seconde éclaircie qui amène le peuplement à une densité de l'ordre de 600 à 1.100 tiges par hectare, soit un intervalle de 3 à 4 mètres entre les tiges restantes. Cette éclaircie donne des bois de papeterie et des bois de boulange. L'achat de rondins bruts. non écorcés, par certaines usines qui possèdent des tambours à écorcer, facilitera dans l'avenir le placement des produits de ces coupes, la principale sujétion étant l'écorçage, fait, jusqu'à maintenant, sur coupe, à la main. En même temps que cette éclaircie, on pratique l'élagage des arbres conservés, sur une hauteur de 3 à 4 mètres, afin de faciliter les opérations de gemmage.

Vers vingt à vingt-cinq ans, on pratique une troisième éclaircie, qui est très importante et assez difficile à bien marquer. Cette éclaircie enlève des arbres mal conformés ou mal placés dits « pétards », parmi lesquels on distingue :

Ceux qui ont plus de 75 centimètres de circonférence à hauteur d'homme et qui vont être gemmés, à plusieurs cares, pendant quatre ans, avant d'être abattus.

Ceux qui ont moins de 75 centimètres de circonférence et qui ne seront pas gemmés avant d'être abattus.

L'éclaircie laisse sur pied :

— des pins dits de place, qui ont 105 centimètres de tour et plus, à hauteur d'homme ;

— des futurs pins de place, qui n'ont pas encore 105 centimètres, mais qui sont bien placés, à bon intervalle, pour faire partie du peuplement futur ;

— des pins de remplissage, maintenus provisoirement dans le peuplement, dans un but cultural, mais qui disparaîtront au cours des éclaircies suivantes.

Les pins de place (ayant 105 et plus) et les pins de remplissage (s'ils ont plus de 75) sont gemmés à une seule care.

Au cours des éclaircies suivantes, on enlève les pins de remplissage, qu'on gemme alors à plusieurs cares avant de les abattre.

On amène ainsi progressivement le peuplement à une densité de 160 à 210 tiges par hectare (soit 7 à 8 mètres d'intervalle entre les arbres). Presque toutes les tiges ont alors 105 centimètres de tour et plus et sont gemmées à une care (gemmage dit « à vie »).

Ces éclaircies donnent des bois de mines, des bois de papeterie et un peu de bois de boulange. On estime que la troisième éclaircie (qui est la plus importante) arrive à produire 50 mètres cubes par hectare, dont 75 p. 100 de bois de mines.

La régénération du pin maritime se fait vers cinquante à soixante-quinze ans, par coupe rase avec épandage, sur le parterre de la coupe, des rameaux portant les cônes. En bonne année de fructification, on obtient ainsi, le plus souvent, une régénération naturelle satisfaisante. Sinon, il faut procéder à des semis artificiels, dont il sera parlé dans un autre article.

Avant l'exécution de la coupe rase, tous les pins sont évidemment gemmés à plusieurs cares (gemmage dit « à mort », pendant trois ou quatre ans).

La coupe rase donne des billes à sciages et des bois de mines. On estime qu'il y a 5/6 du volume en sciages et 1/6 en bois de mines et papeterie.

Les billes à sciages de pin maritime ont des usages très divers. Les belles billes de pied, riches en résine, donnent de magnifiques lames de parquet ayant l'aspect du « pitchpin », produit par les Southern Yellow Fines du Sud-Est des États-Unis, et aussi des frises d'ébénisterie. Les secondes billes, si elles sont droites et assez longues, donnent des frises de wagons ou alors des parquets de deuxième et troisième choix (ou des coursons de premier choix). Les bois courts et noueux, ou de faible diamètre, donnent des planches de caisses. Avec des pins de dimension et de forme moyenne, on peut faire 50 p. 100 de parquets et frises de wagons et 50 p. 100 de voliges de caisserie. Le parquet comporte, en grandes longueurs, 10 p. 100 au grand maximum de choix A, 15 p. 100 de B, 60p. 100 de C et 15 p. 100 de D, mais avec les choix B, C et D on peut faire des coursons de choix A en éliminant les nœuds.

Le bois de pin maritime est sensible au bleuissement, dû à un champignon du genre ceratostomella. Pour éviter cela, il faut débiter les grumes rapidement après abattage. C'est pourquoi on trouve souvent, dans les Landes, l'organisation suivante : les bois sont débités en forêt, au moyen d'une scie à ruban (le classique « métier landais », dont le brin descendant scie la bille en plateaux, tandis que le brin montant déligne les plateaux). Les bois ainsi obtenus (plateaux ou avivés) sont transportés au village à la scierie fixe (généralement située près de la voie ferrée). Là, on les fait sécher, puis, au moment de la mise en œuvre (quelquefois après un passage au séchoir artificiel), on les déligne et on les refend avant de les corroyer.

L'importance économique du pin maritime n'est pas due seulement au bois, bien que la production dépasse souvent 4 mètres cubes par hectare et par an, elle est due aussi à la « gemme », dont nous parlerons dans un prochain article.

Le Forestier.

Le Chasseur Français N°658 Décembre 1951 Page 742