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Causerie vétérinaire

Maladies du pied du cheval

Le crapaud

Il ne s'agit pas ici du batracien anoure du même nom, mais d'une maladie du pied des solipèdes, débutant par la fourchette et caractérisée par une inflammation chronique, hypertrophique et exsudative de la membrane tégumentaire sous-ongulée, affectant une marche insidieuse, envahissante, et détruisant partiellement le plancher du sabot.

Nous ne citerons pas les nombreuses appellations qui ont été proposées pour désigner cette affection, et nous maintiendrons celle de crapaud, dénomination sous laquelle l'ancienne hippiatrie la désignait et qui a l'avantage d'être reconnue par tous les propriétaires de chevaux.

Le crapaud atteint particulièrement les solipèdes à tempérament lymphatique, entretenus dans des écuries mal tenues, dont le sol défectueux permet la stagnation de l'urine dans une litière rarement ou jamais renouvelée. Les pieds postérieurs, exposés continuellement aux souillures du fumier, du purin et même de l'urine qui rejaillit sur eux à chaque miction, sont plus gravement atteints et plus difficiles à guérir.

L'humidité joue aussi un rôle important dans le développement du crapaud. Ainsi l'affection est plus fréquente dans les localités basses, marécageuses, que sur les plateaux élevés.

Toutefois, l'action des causes extérieures ne suffit pas à elle seule pour faire naître la maladie qui nous occupe, car on ne peut la faire développer expérimentalement en irritant les tissus sous-ongulés ; il faut que le sujet soit sous l'influence d'une diathèse particulière, d'un « vice du sang » comme disaient les anciens vétérinaires.

De fait, le crapaud est d'origine constitutionnelle et est la manifestation locale d'un état morbide général : la diathèse eczémateuse, ou eczéma. La maladie est d'ailleurs souvent concomitante avec le psoriasis de la couronne, ou crapaudine, dont nous donnerons bientôt la description, et les eaux aux jambes, qui sont incontestablement des manifestations de l'eczéma.

Symptômes : Au début, le crapaud passe souvent inaperçu, car cette maladie est très lente dans sa marche, et, ne faisant pas boiter, elle peut progresser sans que l'animal en ait le sentiment et à l'insu de celui qui s'en sert. Mais la chair du pied, au lieu d'être recouverte d'une sole formée d'une corne normale, est devenue le siège d'une sécrétion morbide très active, dont le produit consiste dans une matière demi-fluide, d'aspect caséeux et d'une odeur fortement ammoniacale, que l'on détache facilement par le grattage, car elle n'a pas contracté la moindre adhérence avec le tissu sous-jacent.

Dès que cette altération caractéristique s'est formée, elle se propage de proche en proche, décollant toute la boîte cornée, la fourchette, la sole, et finit par monter jusqu'au bourrelet, entraînant une déformation du sabot, dont la longueur et la largeur sont considérablement accrues. À cette période, la boiterie apparaît.

Nul ne peut prévoir la durée du crapaud, car c'est une maladie essentiellement chronique. Chez certains chevaux, la désorganisation du sabot est complète au bout de deux à trois mois ; chez d'autres, la maladie reste limitée pendant plus d'un an. En outre, le mal peut affecter un seul ou plusieurs pieds à la fois ; parfois, quand l'un guérit, l'autre tombe malade, et la maladie va en alternant d'un sabot à l'autre, augmentant ainsi la durée de l'affection.

Le crapaud est-il curable ? A cette question, on peut répondre par l'affirmative, sauf de rares exceptions. Mais le traitement est toujours long et onéreux. Il faut également reconnaître qu'il ne peut guère être institué avec succès que si l'on se trouve à proximité d'un atelier de maréchalerie, d'un « travail », ou si le vétérinaire est lui-même en possession d'un appareil de contention.

C'est que les pieds des chevaux affectés de crapaud, indolores tant qu'ils ne sont pas traités, deviennent extrêmement douloureux au toucher quand ils ont subi des cautérisations répétées.. Certains chevaux deviennent même presque inabordables avant la fin du traitement. Or, dans la plupart des cas, les pansements doivent être, au début, renouvelés deux fois par semaine, car la persistance d'une lésion suintante, si petite qu'elle soit, compromet la guérison de cette maladie : le suintement s'étend de nouveau comme la tache d'huile; le crapaud, qu'on croyait guéri, mais qui ne l'était qu'en apparence, récidive le printemps suivant.

Nous estimons donc que le traitement n'a de chances de réussir que si l'animal est jeune, bien nourri et la maladie prise au début ; mais, si plusieurs pieds sont atteints, si l'animal est âgé, en état d'entretien passable, la cure est longue, onéreuse et aléatoire.

De tous les remèdes qu'on peut opposer au crapaud, le premier et le plus efficace de tous, c'est la rénette. Maniée d'une main ferme et délibérée, elle dénude tout le mal, entame les tissus d'apparence saine qui ne sont en réalité que des tissus infectés. La guérison définitive dépend entièrement de cette opération préliminaire.

Il n'y a pas de médication spécifique. Tous les médicaments antiseptiques et légèrement caustiques peuvent être des agents efficaces ; tous les médicaments peuvent échouer s'ils ne sont pas employés d'une manière rationnelle, c'est-à-dire si leur utilisation n'est pas précédée de l'excision complète des tissus malades. Pas d'opération, pas de guérison. L'intervention du vétérinaire est donc toujours indispensable. Le propriétaire du malade devra s'en rapporter entièrement à lui du choix des médicaments, car il faut utiliser ceux dont on sait graduer les effets et, au besoin, en changer quand ils cessent d'agir, quand il se produit une sorte d'accoutumance qui s'accuse par la persistance du suintement.

De nombreux médicaments ont été préconisés dans le traitement du crapaud : goudron de Norvège, iodoforme, acide azotique, verdet, tanin, formol (à rejeter), eau oxygénée, novarsénobenzol (en injections intraveineuses), plâtre sec finement pulvérisé, chaux provenant de lampes d'éclairage de carbure de calcium pour automobile, etc. Tous ont donné de bons résultats, mais aussi de nombreux échecs, suivant la façon, la régularité de leur emploi.

Enfin, le traitement interne ne sera pas oublié. Pendant toute la durée de la maladie, on donnera tous les jours, par séries alternées de quinze jours, un gramme d'arsenic dans du son frisé, prescrit par ordonnance du vétérinaire.

Morel,

Médecin vétérinaire.

Le Chasseur Français N°658 Décembre 1951 Page 745