Il était admis généralement que la Terre allait se
refroidissant. Des observations relativement récentes ont montré qu'il n'en
était pas ainsi, bien au contraire, comme nous allons le voir dans les lignes
qui vont suivre.
En 1932, un navire, qui n'était cependant pas conçu pour la
navigation polaire, pouvait faire le tour de la Terre François-Joseph.
Un an plus tard, un navire atteignait sans rencontrer de glaces le 79e
degré de latitude nord... Trois ans plus tard, un autre navire dépassait le 82e
degré.
Toutes les îles semées dans l'océan glacial manifestèrent le
même phénomène : ce fut Jan-Mayen, l'îlot des brumes, qui, durant une
dizaine d'années, fut désertée par les glaces, ce fut L’île aux Ours, ce
fut enfin le Spitzberg, dont la température gagna + 9° en vingt-quatre
ans. Groupe d'îles aujourd'hui recouvertes de glace et de neige, ce pays connut
un climat tropical voici quelques centaines de millions d'années. D'opulentes
forêts couvraient alors sa surface, dont le souvenir demeure en des mines de
charbon actuellement exploitées. Mais alors qu'au début du siècle les navires
charbonniers ne pouvaient le rallier que trois mois durant, c'est aujourd'hui
sur sept mois que les mêmes transports sont assurés.
Les territoires du Nord soviétique paraissent
affectés dans le même sens : les hivers y sont moins rudes et le dégel des
fleuves et du sol en profondeur plus précoce. Leningrad voit maintenant ses
fleurs éclore et ses oiseaux revenir dans un printemps en avance de deux
semaines sur les précédentes décades.
L'ampleur de ces changements climatiques devait logiquement
entraîner des variations de la faune. Là encore le Groenland confirme
cette hypothèse. II n'était point, il y a quelques années, aux abords de cette
immense île de glace, de pêche au hareng ou à la morue. Il en va autrement
aujourd'hui. La zone d'extension des bancs de morue a intéressé 1.000
kilomètres en moins de trente ans. En 1913, les pêcheurs y prenaient le chiffre
dérisoire de 5 tonnes de morue par an ; ce chiffre, qui s'élève aujourd'hui à
13.000 tonnes, démontre qu'un fait climatique a pu transformer la vie d'une
population pour qui le poisson constituait l'élément de base.
Au cœur des tempêtes de l'Atlantique nord, un bastion
insulaire se dresse : l’Islande. Sur un sol jadis rebelle sont nées des
cultures (orge...). La Scandinavie témoigne à son tour de la
bienfaisante et mystérieuse influence : la toundra y perd un terrain
qu'envahissent la forêt et quelques champs de céréales.
Aux rives du Nouveau Continent, le même fait est
relevé. De Saint-Pierre-et-Miquelon au Grand Nord canadien, le climat est tenu
pour moins rigoureux qu'autrefois.
La France, très certainement, ne pouvait échapper à
pareille variation. Le secrétaire des guides de Chamonix, particulièrement
qualifié, nous a très aimablement informé des reculs glaciaires observés. « Les
glaciers avancent moins dans les vallées, et aussi l'épaisseur de la langue
terminale de glace est plus faible pour les grands glaciers pénétrant dans les
vallées (Mer de Glace, Glacier des Bossons...). Certains passages d'attaque de
rocher, autrefois au niveau de la glace, sont maintenant à plusieurs mètres
au-dessus. Certains névés peu alimentés sont en train de disparaître. » Et
la récession glaciaire appelle un gain de la flore bien visible sur des
photographies prises à de longs intervalles.
Alpes d'Europe, glaciers des Andes, au Pérou, continent
antarctique ou îles arctiques, il paraît bien qu'un tel réchauffement intéresse
plus ou moins la totalité du globe.
Alors l'esprit humain s'inquiète de la cause secrète qui
ceinture notre globe d'ondes thermiques, dont nous ne pouvons dire si
l'importance va croître et, dans ce cas, à quelle éventualité nous devrions
faire face. Pour légitimer le phénomène, on a fait appel à diverses causes
atmosphériques ou océaniques. Il faut chercher ailleurs, semble-t-il...
A remonter le cours des âges, peut-être retrouverons-nous la
cause de la mystérieuse variation. On sait, en effet, que le climat de la Terre
ne fut jamais constant. Notre globe connut, il y a des dizaines de milliers
d'années, des poussées de fièvre, suivies de chutes de température
inexplicables durant lesquelles les glaces, descendant des régions polaires,
recouvraient d'immenses étendues. La banquise allait mourir aux côtes
d'Angleterre, et de blancs icebergs défilaient au long des rivages bretons...
Et puis un jour venait où, lentement, les glaces régressaient, reprenant la
route du nord. Par le même jeu étrange elles revenaient quelques millénaires plus
tard aux lieux qu'elles avaient momentanément abandonnés, pour les fuir de
nouveau après une période de quelques centaines de siècles. Ainsi, peut-être,
serions-nous aussi aujourd'hui à une phase de retrait glaciaire, où les masses
froides s'évanouissent au souffle chaud d'une puissance inconnue.
Aux profondeurs de l'espace, nous allons demander maintenant
l'explication possible du phénomène. Il est au fond du ciel des poussières
d'une extrême ténuité qui occupent d'une façon irrégulière tel ou tel secteur
du firmament. Que de tels corpuscules apparaissent entre notre Soleil et la
Terre, en faut-il plus pour justifier un abaissement de température ? Aux
heures de croissance thermique que nous semblons vivre, il se pourrait que la
Terre fût aux frontières d'un de ces nuages impalpables dont graduellement elle
se libérerait.
Cause terrestre, cause cosmique, le temps en décidera...
Mais, si la variation thermique observée correspond bien à une réalité
objective, elle pourrait un jour amener les humains à reconsidérer leur habitat
et leur mode de vie. Ainsi se joua le destin de nos ancêtres, les hommes de la
préhistoire, entre la caverne enfumée des années de grande glaciation et la
hutte sur pilotis dans les chauds crépuscules des étés séculaires enfin revenus.
Pierre GAUROY.
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