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les pierres précieuses

Le groupe des minéraux naturels recherchés pour la parure et la décoration en raison de leurs éclats est fort étendu.

De tous ceux-ci, le diamant est incontestablement le plus connu et le plus apprécié aux temps actuels. II n'en fut pas toujours ainsi, car, dans l'Antiquité, la faveur majeure fut fort souvent donnée à l'émeraude.

Présentement, le diamant est le plus coûteux, et c'est ce qui fait sa vogue beaucoup plus que ses qualités propres, bien qu'il faille tenir compte de sa qualité, surtout en matière de taille et de couleur.

Chimiquement, on classe les pierres précieuses en trois groupes selon leur composition. Le diamant correspond au carbone pur. Les saphirs, rubis, topazes, émeraudes sont à base d'alumine. Enfin le troisième et dernier groupe est constitué par la silice hydratée ou non, selon qu'il s'agit d'agate, opale, calcédoine, ou bien d'aventurine, quartz, améthyste.

Le point de vue du chimiste reste cependant fort éloigné de celui du physicien, car nombre de pierres précieuses de seconde qualité pour la joaillerie, ou même totalement inutilisables pour elle, trouvent des utilisations parfaites dans l'industrie.

Au premier rang de ces qualités physiques figure la dureté, que l'on apprécie grâce à un coefficient jaugé en dixièmes ou en centièmes selon la précision. Le diamant y est coté de la sorte 10 ou 100, car il n'est rayable que par lui-même. Également il est infusible, bien que combustible en présence de l'oxygène.

Toutefois, commercialement, ce sont les qualités optiques qui priment : en particulier celles concernant la réfraction. Le diamant appartient au système cristallin cubique et se laisse traverser par la vue d'une image sans l'altérer.

Tout au contraire, certains autres corps précieux, comme le spath d'Islande, donnent une réfraction double, et l'on voit deux figures plus ou moins décalées.

Enfin, certaines pierres précieuses donnent des images nettes et d'autres floues, selon qu'elles sont transparentes, translucides ou même parfois opaques.

La valeur de l'éclat est également l'objet de qualificatifs : très vif, s'il est diamantin ; vitreux, si sa cassure est analogue à celle du verre ; ou enfin gras, terne, résineux, etc., etc., selon les cas.

Grâce à ces données principales, auxquelles s'en joignent d'autres plus secondaires, les spécialistes classent une centaine et plus de pierres précieuses ou semi-précieuses.

Pour le diamant, ce n'est que depuis le XVe siècle et la découverte, en 1479, des .principes de sa taille parfaite que le diamant a pris le pas sur les autres joyaux. Il était cependant déjà fort prisé des Grecs, qui le nommaient adamas, ce qui signifie « indomptable », en raison de sa dureté.

Au naturel, on trouve le diamant sous trois formes : amorphe, cristallisée et cristalline. Sous la première forme, il n'est utilisé que broyé dans l'industrie ; sous la seconde, il est destiné à la bijouterie et, sous la dernière, dénommé « bort », bien qu'assez estimé, il ne peut se tailler selon les normes.

C'est en effet la taille qui donne au diamant toute sa valeur, comme à la majorité des autres pierres précieuses.

Jusqu'au XVe siècle on ne procédait que par taille lente et longue. C'est alors que Louis de Berquem conçut et créa, dans la Cité, un premier atelier de véritables tailleurs. C'est à Mazarin que l'on doit l'importante place prise alors par Paris dans les débuts de cet art difficile. Malheureusement sa mort provoqua l'exode des spécialistes, abandonnés à eux-mêmes, vers les Pays-Bas.

Ce travail est extrêmement délicat, car il consiste à abattre des arêtes et, partant, de la pierre brute souvent informe. Ainsi, petit à petit, on crée des pans coupés, jusqu'à l'obtention du nombre voulu de facettes selon le type de taille adopté. Avec seize facettes, moitié dessus et moitié dessous, on obtient la « double taille ». Par sectionnement médian, elle donne la taille en « rose ». Avec 24 facettes, on a la taille en « rose de Hollande », et, avec 18 ou 20, celle en « demi Hollande ». Avec 6 ou 12 facettes, c'est la « rose d'Anvers ». Il en existe encore bien d'autres variétés, comme la taille en « pendeloque » qui est extrêmement recherchée.

Certains diamants sont particulièrement célèbres et ont même une histoire.

Le Grand Mogol est du nombre. Il doit son nom au souverain oriental auquel il appartint. Volé par Mirginola et donné à Gha-Gehan, il pesait 787 carats, mais était fort grossièrement taillé. Il fut alors confié au Vénitien Ortensio Borghis pour une retaille. Elle fut ratée, car son poids descendit alors à 280 carats, ce qui valut au maladroit la prison et la confiscation de tous ses biens.

Aussi célèbres sont le Nassac, de 78 carats, le Pacha d'Egypte, de 40 carats, le Grand Duc de Toscane, de 139 carats, qui sont tous essentiellement remarquables par leurs feux, tout en étant de poids relativement modeste, au moins pour des géants. Parmi ces derniers, il existe l'Agrah, de 645 carats, le Matum de Bornéo, de 318 carats, le Nizam, de 240 carats.

En France, la pierre la plus digne de remarque est le Régent, pure merveille à la fois de poids, de taille, de mesure et aussi de limpidité et, au nom de cette juste mesure, incontestablement sans équivalent au monde. Brut de 410 carats, il reste encore considérable avec 137 carats. Acheté trois millions par le duc d'Orléans, il vaut actuellement au moins deux milliards de francs d'aujourd'hui.

Aussi connus sont encore l'Étoile du sud, de 257 carats, le Ko-Hi-Noor, de 102 carats, qui orne la couronne du roi d'Angleterre, le Cullinan, trouvé en 1903 et qui pesait brut le chiffre fantastique en la matière de 3.032 carats.

Inutile de dire que ces diamants, aux valeurs fantastiques, sont sous bonne garde et que leurs détenteurs même n'osent les porter que dans des cérémonies de grand apparat, où un service d'ordre et de protection plus qu'imposant et minutieusement prévu assure toute sécurité.

Le Régent, exposé à Paris dans la galerie d'Apollon, au Louvre, est entouré d'une balustrade à grande distance de sa vitrine. Tous les soirs il descend automatiquement dans un coffre-fort constitué par son socle. C'est encore automatiquement qu'il y descendrait en cas de bris de glaces ou de tentative de vol, en même temps que se rabattrait d'elle-même la grille en fer forgé fermant la galerie. Un gardien veille tout le jour en permanence sur lui, ainsi qu'un policier en arme, et la galerie est elle-même contiguë au poste d'alarme et de sécurité du musée.

Pour les musées publics ou privés, les établissements d'enseignement de minéralogie ou touchant l'art de la joaillerie, ces rarissimes diamants, véritables célébrités du monde minéral des pierres précieuses, ces joyaux exceptionnels ont été reproduits en cristaux de roche, en zircon ou en pierres synthétiques. Des amateurs, et surtout des amatrices, se les procurent parfois et c'est ainsi que l'on peut voir ces diamants renommés orner souvent les cous des stars et actrices, mine de reportages très fantaisistes des rédacteurs de journaux en mal de copie.

L'émeraude vient immédiatement après le diamant dans la faveur du public. Elle a pour elle sa pureté et aussi sa grosseur ; elle peut être énorme... bien qu'il existe des cristaux de béryl qui atteignent un mètre de long.

Avec les émeraudes et les aiguës marines, on assiste à la gravure des pierres précieuses, en cachets, intailles et rouleaux.

Concurrent de la verte émeraude, le rouge rubis est très remarquable et très estimé, sous réserve que sa grosseur soit fort importante. Autrefois on le nommait « Escarboucle » et on lui attribuait des vertus magiques et le pouvoir de servir de luminaire aux fabuleux dragons. Le tsar de Russie possédait les plus belles collections connues d'émeraudes et de rubis. Un de ces derniers avait la taille d'un œuf de poule.

En joyaux véritables ou en copies, les pierres précieuses ont encore des qualités occultes, bénéfiques ou maléfiques : l'améthyste symbolise la droiture et le pouvoir ; le lapis-lazuli la finesse, l'intuition et la droiture ; le saphir annonce la fortune ; l'émeraude protège la vertu et annonce la charité-; la turquoise est le porte-bonheur des marins, comme le zircon est précieux pour favoriser l'amour, la fortune et la santé. C'est ce qui explique son immense faveur pour la copie du diamant. Ce dernier, à son tour, exprime la chasteté et l'éloignement de la sensualité en même temps qu'il donne de la mémoire et guérit les toxicomanes.

Le diamant, comme les autres pierres, a fait l'objet de recherches scientifiques pour des remplacements de synthèse, par utilisation des borosilicates. Mais, pour le diamant, on n'est parvenu qu'à créer des cristaux microscopiques, à l'inverse de toutes les autres pierres précieuses, au point que même pour des experts spécialistes la discrimination est parfois fort difficile. Vus le soir et à la lumière électrique, ces pierres de synthèse ont un éclat indiscernable de celui des vraies.

Comme pour les diamants de grand renom, les émeraudes, rubis et autres pierres précieuses possèdent souvent leur réplique exacte... pour éviter pertes et vols. Ces répliques servent également aux classes des étudiants spécialistes... ce qui a autorisé l'an passé une farce géante dans la salle de bal d'un casino. On y vit une jeune femme distribuer au public les diamants de l'ancienne cour de Russie. On bloqua toutes les portes et la police fut alertée... pour rien, car les joyaux n'étaient que des copies servant à la tapageuse publicité d'une star d'Hollywood de passage.

Sylvain LAJOUSE.

Le Chasseur Français N°658 Décembre 1951 Page 757