À la suite de l'article paru sous ce titre dans notre
numéro d'octobre, nous avons reçu de M. le comte Joseph de Valicourt la
lettre suivante :
Sous ce titre, dans le numéro d'octobre 1951, M. Jacques
Dambrun a fait paraître une vive critique de l'action du Conseil international
de la chasse (C. I. C.) contre la chasse de nuit à la hutte.
Je remercie M. J. Dambrun d'avoir protesté contre
l'opposition du C. I. C. et de certaines sphères administratives de
France, et d'avoir exposé le point de vue des huttiers. Je le remercie de sa
sympathie et de la manière dont il juge favorablement mon action en faveur de
ces derniers.
Mais il ne peut tout savoir : n'ayant pas, que je
sache, assisté personnellement à la session du C. I. C. en mai 1951,
à La Haye, il passe sous silence certains faits. Je dois rétablir avec une
rigoureuse exactitude ce qui s'est passé à cette session.
Élu à l'unanimité président de la Commission des oiseaux
migrateurs du C. I. C. en 1950, à la session plénière de Paris, je
connaissais assez la manière de voir de la plupart des membres de cette
commission, au point de vue de la hutte, pour avoir la prudence de ne pas
susciter un débat sur la question à La Haye.
Mais, la chasse de nuit ayant été malencontreusement
évoquée, j'ai le regret de devoir dire que certains Français, présents à La Haye,
sans tenir compte de la coutume française, sans se soucier des intérêts des
Français huttiers (qui appartiennent à toutes les conditions sociales comme le
fait fort justement remarquer M. Dambrun), ont été parmi ceux qui ont
combattu cette coutume ... Je m'abstiens volontairement de donner
certaines précisions.
Comme président de la Commission, afin de bien marquer mon
impartialité, je fis observer que je ne prendrais pas part au vote, lors de la
discussion de cette motion.
Hélas ! je ne fus aucunement soutenu par les Français,
et cette motion condamnant la chasse de nuit à la hutte fut votée à
l'unanimité, moins une abstention : la mienne.
C'est alors que fut soulevée la question de savoir si le
président d'une association nationale, opposé à l'opinion de la Commission,
pouvait être en même temps président de cette commission. Et, bien vite, la
question dévia, et on vint me demander d'opter entre la présidence de la
Commission internationale et la présidence de l'Association de huttiers et
chasseurs de gibier d'eau, dont j'ai l'honneur d'être le fondateur et le
président depuis plus de quinze ans.
Si flatteuse que puisse être la présidence de cette
commission internationale, quand on a l'honneur d'être Français, c'est à son
pays et à ses concitoyens qu'on se doit d'abord ! Cela, personne ne
devrait l'oublier ... Je remis donc ma démission de la présidence de cette
commission.
Mais, en l'espace de quelques instants, j'ai aussitôt
réalisé combien ce désaveu de la Commission allait nuire à la cause des oiseaux
migrateurs qu'elle prétendait servir ! Je connais, moi, assez les Français
pour savoir qu'ils ne s'inclineraient nullement devant une pression venue d'un
organisme international, sans mandat de l'immense majorité des chasseurs de
France, qui n'élisent pas les membres du C. I. C.
De fait, cette opposition s'est déjà manifestée : les
huttiers ont raidi leur attitude ; les parlementaires ont été saisis et un
très grand nombre d'entre eux ont déjà promis leur appui pour une modification
de la loi du 3 mai 1844, en faveur de la chasse à la hutte de nuit.
En outre, les chasseurs de migrateurs se sont unis ;
ils veulent défendre les modes de chasse ; ils n'acceptent pas d'être
brimés ni de voir condamner leurs vieux usages, pas plus destructifs que
d'autres d'ailleurs, alors que des méthodes inqualifiables de destruction comme
les canarderies à filets (ainsi que l'a indiqué M. Dambrun) subsistent
sans avoir soulevé une seule protestation de la session du C. I. C.
réunie à La Haye, ce printemps.
Par suite d'une insistance maladroite et sectaire de
quelques personnes pour faire interdire une chasse qu'ils ignorent et ne
pratiquent pas (on peut toujours faire des sacrifices sur le dos du voisin), la
France a perdu la seule présidence d'une commission du C. I. C.
qu'elle possédât ...
Quoi qu'on en pense, la solution de cette question n'est pas
à La Haye ; elle est en France. Aux huttiers, par leur union et par
leur volonté, de montrer qu'en m'opposant en leur nom à condamner leur chasse
je ne me suis pas trompé.
Comte J. DE VALICOURT.
Par ailleurs, toujours sur la même question, nous avons
reçu la lettre ci-après, qui reflète le point de vue d'un certain nombre de
chasseurs :
L'article paru dans Le Chasseur Français d'octobre
1951, sous le titre « Huttiers, pleurez ! », fait la critique
d'une décision de la dernière assemblée générale du Conseil international de la
chasse tenue à La Haye en juin dernier.
J'y relève une erreur qui me paraît appeler une mise au
point.
L'auteur de l'article précise que « tous les chasseurs
de Francs savent que, s'il est une chasse pratiquée partout, dans tous les
départements, indistinctement par les plus fortunés nemrods comme par les plus
modestes, c'est la chasse de nuit, à la hutte ou au gabion ».
Ceci est bien vrai pour les régions de l'Atlantique et de la
Manche, où le régime des marais domine le mouvement des oiseaux de marais, et
je comprends l'émotion des chasseurs dont les habitudes sont bouleversées par
cette décision.
Mais il en est différemment pour toute la région du littoral
méditerranéen, où le régime des marées — très légères d'ailleurs — n'a
pas d'influence sur la vie des oiseaux de marais. Dans cette région, les
chasseurs dignes de ce nom ne tirent pas la nuit. Le soir, à l'affût (à
l'espère, comme disent les Provençaux), dès que les dernières lueurs du
couchant disparaissent, on se hâte de ramasser les pièces tombées et de rentrer
en évitant tout bruit inutile et autant que possible tous jeux de lumière
(torches électriques ou phares ...).
Dans les chasses correctes, le chasseur qui tire après les
derniers feux du couchant, ou, pis, quand « fait la lune », est
disqualifié et prié de changer d'air.
Seuls ceux qui chassent pour rapporter de la viande ou
vendre leur gibier tirent après le coucher du soleil, et ce sont de dangereux
braconniers, car, dans cette région, tout coup de fusil tiré la nuit dérange un
gibier qui, ayant pour habitude de revenir manger dans les mêmes terrements,
changera de pays pour plusieurs semaines, et parfois pour toujours.
On use, en Provence, d'une expression typique pour traduire
les conséquences de la chasse de nuit On dit : « Qui fait la lune
déchasse » (dans le sens de : vide le pays de gibier).
René DUSSOL.
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