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Le piégeage et les conditions atmosphériques

Les deux conditions atmosphériques les plus défavorables pour le piégeage sont une grosse chute de neige durant toute la nuit, ou une véritable tempête avec gros abats d'eau. Par de semblables nuits, les animaux restent dans leurs repaires. Le blaireau, en montagne, ne sort plus de son terrier, dès la grosse neige touchée. Examinons donc les autres conditions atmosphériques et leurs influences sur les résultats du piégeage.

La pluie de nuit correspond à une nuit noire, elle incite les carnassiers à suivre leurs coulées ou les sentiers qu'ils fréquentent habituellement, au lieu d'aller explorer les taillis. Donc c'est ici un facteur de réussite pour le piégeage en coulée. S'il a plu tard dans la journée, les nuisibles vivant sous terre sortent de bonne heure ; par contre, s'il a plu toute la nuit, ces animaux mouillés ne se terrent qu'à regret ou contraints. Si la pluie tombait finement, elle a enlevé toute odeur nuisible au piège. Si, au contraire, elle est tombée sous forme de grosse averse, elle peut être une cause d'échec, dans le cas où le piégeur n'a pas suffisamment couvert ses pièges. Elle a pu enlever la couverture trop légère et, de plus, sonne sur la palette d'un bruit peu indiqué pour attirer les fauves. En contrepartie, la pluie semble mettre les animaux en confiance et les presse à manger plus facilement ce que le hasard met sur leur chemin.

Le vent. — Si le vent souffle doucement, il peut aider à emporter au loin les effluves des appâts et attirer ainsi les carnassiers vers les pièges. Si le vent souffle en tempête et d'une façon continue, il effraie les carnassiers, provoque la chute de branches ou découvre les pièges, autant de conditions défavorables pour le piégeur. Le vent même très violent ne restreint pas les randonnées des nuisibles.

Le brouillard ou la brume n'ont aucune influence directe sur le piégeage, mais ils incitent les animaux à flâner et à rentrer plus tard dans leurs repaires. C'est par les matins brumeux qu'on peut voir le renard s'attarder à muloter, en bordure de bois.

L'orage sans pluie énerve tous les carnassiers, particulièrement les mustélidés et les félins. Si la pluie l'accompagne, les carnassiers abandonnent les couverts pour la plaine ou les sentiers.

La neige. — En plaine, où les chutes sont peu abondantes en général, elle bloque les animaux aux terriers dès qu'elle atteint 15 à 20 centimètres d'épaisseur. Seul le renard fait exception à cette règle ; les autres animaux carnassiers ne sortiront que la deuxième ou troisième nuit, poussés par la faim et la soif.

En montagne, dès les premières chutes, les animaux descendent des sommets vers la plaine, le blaireau se terre et ne bouge que rarement. Pour le piégeur, la neige poudreuse et sèche est la plus favorable ; floconneuse et molle, elle gêne la tendue des pièges ; enfin, quand elle dépasse 15 centimètres, elle bloque ou engloutit les pièges. La meilleure neige pour le piégeur est poudreuse et de 10 centimètres d'épaisseur. Bien entendu, il n'est pas question ici des pièges abrités sous des rochers ou des sapins. J'ai remarqué qu'une grosse neige amène souvent des changements dans le parcours des animaux dont certains points sont couverts d'une forte couche de neige. Cette dernière impose au piégeur le jalonnement de ses pièges.

Le gel est le pire ennemi du piégeur, il est terriblement gênant dans les périodes ou gel et dégel se succèdent. Les matériaux de couverture du piège et ceux du placeau se mouillent au dégel et, s'il regèle la nuit suivante, le piège et les matériaux forment un bloc aussi dur que du ciment. Dans un tel cas, une seule solution s'impose : la patience ; il se peut que l'animal se prenne au premier dégel. Il en est de même quand le piégeur est surpris par une grosse chute de neige : le mieux est de ne pas toucher aux pièges et d'attendre la fonte des neiges pour réviser les engins.

En résumé : les mieux nuits de piégeage sont les nuits humides, à vent léger, de température assez douce et, de préférence, sombres ou noires. Ce qui ne veut pas dire qu'on ne capturera que lorsque toutes ces conditions seront respectées, mais un piège bien tendu remplira à ce moment-là les meilleures conditions. Quant à l'influence de la lune, c'est à la question des nuits claires ou des nuits noires qu'il la faut rattacher ; c'est par nuit sombre ou noire, donc en nouvelle lune, qu'on prendra le mieux.

A. CHAIGNEAU.

Le Chasseur Français N°659 Janvier 1952 Page 12