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Le chien des Pyrénées

Tout d'abord il faut bien différencier le Grand Pyrénéen, ou chien de montagne des Pyrénées, du Petit Berger des Pyrénées ; ce sont deux chiens qui vivent dans les mêmes régions, mais qui sont totalement différents. Le Petit Pyrénéen est la plus petite de nos races bergères, c'est un chien autochtone qui est fait pour les besoins de ces régions de montagnes au dur climat ; il est sobre, résistant, vif, et sa petite taille lui donne une grande agilité ; il mesure de 40 à 50 centimètres. Le Grand Pyrénéen est généralement blanc. C'est un chien de taille imposante qui varie de 65 à 72 centimètres pour les femelles et de 70 à 80 centimètres pour les mâles, grand chien à la fourrure abondante, calme, digne, majestueux et souple. C'est un grand gardien incorruptible, particulièrement employé dans les fermes isolées des Pyrénées, où le climat rude des hautes montagnes lui convient parfaitement, ne craignant ni le froid, ni la neige, protégé par un poil très fourni qui garde ainsi toute sa qualité et son épaisseur.

Ce chien de montagne est remarquablement proportionné, il est important mais distingué, son corps puissant et musclé est plein de noblesse, son allure calme et dolente est souple et, sous un aspect doux et peu bruyant, il est redoutable. Gardien vigilant, intelligent, servi par un flair très sûr, il protège avec dévouement son maître et ses biens; ne craignant pas de passer à l'offensive, il attaque les maraudeurs et se bat avec les loups et les ours. Il est puissamment aidé par son poids, qui varie de 45 à 60 kilogrammes.

C'est une des races les plus pures et les plus anciennes, admirablement conservée, et dont on s'est servi maintes fois pour retremper certaines races de montagne qui déclinaient, s'amenuisaient ou avaient été décimées par la maladie.

Le Grand Pyrénéen nous viendrait des hauts plateaux d'Asie. Dans leurs marches vers l'ouest, les Huns nous auraient amené du Tibet des molosses qui existaient depuis la plus haute antiquité au Pamir et au Turkestan ; Marco Polo, qui fit un long voyage à travers l'Asie, fut le premier à décrire ces chiens du Tibet à la puissante musculature et aux énormes proportions ; ils auraient servi à faire, la plupart, des dogues et des chiens de montagne qui ont évolué suivant le travail imposé, le climat du lieu où ils se sont fixés au hasard de leurs randonnées.

De l'avis du président du Club, M. Sénac-Lagrange, de Paul Mégnin et de diverses personnalités cynophiles, ce chien pyrénéen a une expression asiatique que l'on ne peut nier. Il a trouvé dans nos montagnes des conditions atmosphériques favorables à son développement, et on le rencontre avec tout son caractère et ses qualités, qui ne se sont pas transformés depuis des siècles dans les départements des Hautes-Pyrénées, la Haute-Garonne, les Basses-Pyrénées et l'Ariège. Déjà, en 1407, on signalait que le château de Lourdes était gardé par des chiens des Pyrénées, ainsi que le château de Foix.

En 1675, Mme de Maintenon accompagna le Dauphin à Barèges, et le jeune prince ramena au Louvre un beau Pyrénéen du nom de Patou ; ce nom servira à désigner cette race pendant quelque temps. Ce remarquable chien eut les faveurs de la Cour et la noblesse chercha à acquérir des chiens semblables. Le marquis de Louvois vint à Barèges et voulut, lui aussi, posséder un Patou.

En comparaison de sa taille, la tête du grand chien de montagne des Pyrénées n'est pas très forte ; le crâne est de forme ogivale et peu bombé, le sillon central est peu accusé. Ce crâne se relie en pente douce à un museau large, de bonne longueur, légèrement aminci à son extrémité ; les côtés de la tête sont assez plats, la mâchoire est forte, les dents doivent bien s'adapter, sans prognatisme.

Les babines sont peu tombantes et recouvrent juste la mâchoire inférieure ; elles sont noires ou fortement marquées de noir, ainsi que le palais et la truffe.

Les yeux du Pyrénéen sont très particuliers ; ce chien promène sur tout ce qui l'entoure un regard lointain, mélancolique et doux à la fois, il a ce qu'on appelle l'« expression pyrénéenne ». Cette expression, que révèlent des yeux plutôt petits, est à la fois intelligente et contemplative, elle est unique et donne toute la valeur au chien. Les yeux sont de couleur brun ambré et placés un peu obliquement dans la tête ; ils sont enchâssés de paupières serrées, bordées de noir.

Les oreilles sont plantées à la hauteur de l'œil, assez petites, de forme triangulaire et s'arrondissant à leur extrémité ; elles tombent à plat contre la tête. Le standard nous dit : « tête de l'ours brun en rabattant les oreilles ».

Le poil doit être bien fourni, assez long et souple, plus long à la queue et autour du cou, où il peut onduler légèrement ; le poil de la culotte est plus fin et plus laineux.

La robe est généralement blanche ou avec des taches grises appelées poil de blaireau, ou jaune pâle ou louvetées, en tête, aux oreilles et à la naissance de la queue. Les taches « poil de blaireau » sont les plus appréciées ; quelques taches sur le corps ne sont pas considérées comme un défaut. Sortis des Pyrénées, ces chiens gardent rarement leur épaisse et magnifique à fourrure, l'aspect plutôt sec et laineux, qui est totalement différente du poil des Setters.

La queue de ce chien est aussi très caractéristique, elle n'est pas toujours portée basse. Elle est assez longue, touffue et forme panache. Au repos, son extrémité forme un crochet et, quand le chien est éveillé, elle se relève sur le dos en s'arrondissant fortement « en faisant la roue », disent les montagnards pyrénéens.

Ce chien porte des ergots doubles aux membres postérieurs et quelquefois aux antérieurs.

Cette belle race de chiens de montagne est la seule qui soit vraiment française, les qualités du pur Pyrénéen sont remarquables : chien de défense par excellence, fort, courageux, à l'attaque franche, mais pondéré, observateur, dévoué, très affectueux pour son maître et très doux avec les enfants.

A. PERRON.

Le Chasseur Français N°659 Janvier 1952 Page 19