Dinghy à moteur fixe

N'importe quel petit voilier léger peut être propulsé par un moteur hors-bord. Mais, pour de multiples raisons, certains plaisanciers préféreront le moteur fixe, et de nombreux lecteurs du Chasseur Français m'ont souvent demandé s'il existait des plans pour construire un petit dériveur de 4 à 5 mètres à moteur fixe. Cette embarcation devait en outre répondre aux exigences suivantes : construction facile et économique ; faible tirant d'eau pour pouvoir échouer sur les plages et naviguer sur les hauts-fonds des marais ; gréement simple et maniable ; large marge de sécurité, ce bateau devant être utilisé l'hiver par deux ou trois équipiers pour la chasse aux canards et, à la belle saison, pour la promenade et la pêche d'amateur. Son poids ne devait pas dépasser 250 kilogrammes pour pouvoir être transporté sur une petite remorque derrière une voiture de faible puissance.

Ces exigences, souvent contradictoires, laissent les architectes rêveurs. Ils ont, il est vrai, l'habitude des clients difficiles et profanes qui demandent un bateau réunissant des qualités inconciliables, le bateau parfait en somme, comme si la perfection était de ce monde ... Si l'architecte vous dessine un bon voilier, vous aurez un rendement médiocre au moteur. Si votre bateau est conçu pour la propulsion mécanique, n'espérez pas en faire un fin voilier. En face de ces incompatibilités, l'architecte doit se contenter de compromis. Actuellement, les purs voiliers de croisière sont extrêmement rares, et on peut dire que tous les yachts sont mixtes avec des variantes donnant la prédominance à la voile ou au moteur. Les puristes de la voile se trouvent dans les petites séries : canetons, snipes, stars, etc. ..., destinées aux courtes promenades et aux régates.

J'avais donc, voici un an, transmis à des architectes navals les vœux de mes correspondants, chasseurs de marais et amateurs de petite pêche. J'ai eu connaissance de plusieurs études plus ou moins heureuses, mais qui ne remplissaient pas entièrement les conditions exigées. À l'occasion d'une visite au dernier salon nautique, j'ai trouvé au stand du journal Le Yacht les plans d'un dinghy mixte de 4 mètres qui m'a tout particulièrement séduit. Il répond parfaitement aux desiderata exprimés, et les dessins ci-contre sont plus éloquents que ne peut l'être mon texte. Bateau large et stable, il sera sec et rapide. L'architecte a réussi à lui assurer un bon rendement aussi bien à la voile qu'au moteur. Je ne dirai pas que vous battrez les canetons à la voile et qu'à pleins gaz vous pourrez faire de l'aquaplane ; mais vous obtiendrez des rendements honorables et suffisants pour les buts recherchés. L'installation moteur est prévue pour un Couach de 4 CV consommant 1 litre à 1^l,5 d'essence à l'heure. L'encombrement du moteur a nécessité un déplacement vers l'avant de la dérive. En conséquence, seul un gréement avec voile au tiers était possible. D'ailleurs, son extrême simplicité (une seule écoute, une seule drisse) convient parfaitement pour des équipiers dont les doigts ont fort à faire avec les gâchettes ou les moulinets, j'ai souvent vu ces types de dinghy sur les côtes de la Manche ou de l'Atlantique, où leurs propriétaires pratiquent la petite pêche. Ce sont des bateaux très marins malgré leurs faibles dimensions. Deux versions ont été étudiées par l'architecte suivant l'utilisation en mer ou en rivière. La difficulté majeure consistait ici à conserver les avantages du dériveur, c'est-à-dire à obtenir un tirant d'eau presque nul grâce à la dérive relevable, tout en prévoyant une hélice fixe. Cette hélice est donc à peine immergée et, pour la protéger à l'échouage, un aileron arrière prolonge la quille.

Les pales, logées entre la partie inférieure du tableau, l'aileron et le gouvernail, sont protégées contre les contacts possibles. L'adjonction de cet aileron n'augmente pas le tirant d'eau et on peut dire que ce bateau peut passer un peu partout. Sa grande largeur, qui atteint 1^m,55, lui donne une stabilité de forme tout à fait rassurante. Le creux sur râblure est de 0^m,48, et le poids de la coque armée et sans moteur est de 225 kilogrammes environ. Avec une surface de voilure de 9 mètres carrés, ce petit dinghy surprendra agréablement par son rendement à la voile surtout avec de bonnes brises portantes.

A. PIERRE.

Le Chasseur Français N°659 Janvier 1952 Page 30