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Les ennemis du bois mis en œuvre

Des cas de plus en plus nombreux de charpentes d'immeubles gravement attaquées par des insectes de natures diverses nous sont signalés. Il semble utile de faire aujourd'hui, dans ces colonnes, le point de cette question.

Dans les bois mis en place, à la suite d'un travail neuf, après élimination de pièces détériorées, il peut arriver que l'on décèle la présence de parasites, par le bruit que font leurs mâchoires, par l'apparition de petits tas de sciure ou d'insectes adultes. Tous n'ont pas une importance égale, loin de là, et il est bon de pouvoir apprécier la gravité de la situation.

Beaucoup d'insectes vivant aux dépens du bois ont une durée de vie larvaire longue, s'étendant sur plusieurs années. Il arrive que l'on trouve ainsi, dans les immeubles où ont été introduits, depuis deux ou trois ans au maximum, des bois de résineux (sapin, pin, épicéa), des sortes de grandes « guêpes » à ailes transparentes brunes, à corps annelé de jaune et brun et quelquefois pourvu d'une tarière de 1 à 2 centimètres (cas des femelles), qui sont des hyménoptères, des sirex. Les adultes de cette espèce ont déposé leurs œufs dans les grumes, à l'intérieur des couches externes du bois, après avoir perforé l'écorce de leur tarière. Les larves, blanches, cylindriques et pourvues d'une petite épine noire postérieure, commencent très rapidement à creuser, dans la grume, des galeries qui vont s'élargissant, bourrées de sciure, et qui pénètrent profondément. Le débit en planches n'arrêtera pas le développement, qui s'achèvera dans les maisons, dans les planches de caisses d'emballage. À ce stade, les insectes adultes, pourvus de puissantes mandibules, se libèrent de leur prison en creusant une galerie de section parfaitement circulaire qui traverse les couches de bois et tout ce qui est assez tendre à leur contact. Ce peuvent être des tuyaux de plomb, les enveloppes de câbles électriques, des plaques minces d'aluminium. Les collections du Muséum national d'histoire naturelle, à Paris, renferment ainsi des paquets de balles de plomb de l'époque de la guerre de Crimée perforées par des sirex nés dans les planches de caisses d'emballage.

Il peut en résulter des inconvénients certains pour les tuyaux, les canalisations électriques. Mais, en ce qui concerne le bois, les insectes qui en sortent ne sont destinés qu'à pondre sur les grumes fraîches, en forêt ou sur chantier, et ne peuvent jamais s'attaquer aux bois mis en place. Les quelques galeries parfaitement circulaires qui parcourent le bois, toujours peu nombreuses, sont donc sans danger.

Il en va autrement pour les dégâts de certains coléoptères, et spécialement du capricorne des maisons, que l'on capture incidemment dans les greniers, en même temps que l'on constate sur les pièces de charpente résineuse la présence d'orifices ovales de 5 à 7 millimètres de diamètre.

C'est un insecte de 2 centimètres environ, brun noir, avec des plages de poils clairs sur le thorax et des élytres, et dont la femelle porte un court tube de ponte.

Malheureusement, la découverte des insectes et des orifices qui leur ont livré passage est un signe tardif d'une attaque déjà très grave en général. Les femelles de cette espèce déposent leurs œufs dans les fissures des bois secs sur pied ou dans les bois déjà mis en place. Des œufs sortent des larves blanches, aplaties dorso-ventralement, dont le développement dure plusieurs années. Les galeries de section ovalaire, longues et bourrées de sciure, entremêlées, peuvent avoir parcouru la moitié du volume de la pièce de bois sans que rien ne transparaisse à l'extérieur. Les larves peuvent, à l'exemple des termites, s'approcher de la surface sans en entamer l'intégrité. La chaleur favorise leur développement et active leurs dégâts ; c'est pourquoi ces dégâts sont souvent importants au voisinage des conduits de cheminées. Les adultes nés de ces larves sont capables de pondre à l'intérieur des galeries et de perpétrer pendant plusieurs générations des dommages qui peuvent mettre en danger la solidité de l'édifice, sans que, pendant plus d'une dizaine d'années quelquefois, rien n'apparaisse à l'extérieur.

Il faut donc, dans toutes les maisons, fermes, villas, à la ville comme à la campagne, surveiller attentivement les boiseries, portes, charpentes, et même vieux meubles qui, construits en bois résineux, peuvent abriter le parasite.

C'est qu'en effet, lorsque l'attaque n'a pu être décelée à temps, un seul remède reste efficace pour détruire les larves. C'est l'enlèvement des parties atteintes et leur destruction par le feu.

Si, par bonheur, le propriétaire attentif a décelé le danger à son début, lorsque les larves sont encore en surface, un grattage soigneux de la pièce de bois, l'enlèvement de la couche externe peuvent la débarrasser de ses ennemis. À partir de ce moment, et pour éviter de nouvelles contaminations, il convient alors de recouvrir les bois sains d'une couche de produit insecticide empêchant, ou pouvant même tuer, de nouvelles pontes.

Les essais tentés au laboratoire ont montré que les plus efficaces, à ce titre, étaient les pentachlorophénols, qui entrent maintenant dans un certain nombre de spécialités commercialisées.

Toutes les pièces de bois posées en remplacement de pièces enlevées devront être aussi badigeonnées, avant mise en place, sur toute leur surface, et particulièrement au niveau des encastrements avec les pièces anciennes conservées.

Cette protection, qui n'est, bien entendu, pas indéfinie, devra être renouvelée au bout de quelques années. Cette précaution ne doit pas supprimer une surveillance de tous les instants, qui est indispensable. Elle pourra être facilitée par l'usage du stéthoscope médical, qui, promené sur les pièces de bois et amplifiant les sons, peut permettre de localiser les larves au début de leur développement.

Il est enfin un groupe de parasites très important dans la moitié sud de la France, et spécialement dans les zones forestières de la côte sud-ouest et dans le Languedoc. Deux espèces de termites, dont les types coloniaux sont beaucoup plus connus, tant par leur abondance, par leurs dégâts, que par leurs constructions spectaculaires, habitent en effet ces régions. L'une, connue surtout dans les vieilles souches de pin maritime de la côte landaise, commet ses déprédations dans les immeubles du voisinage et se retrouve dans la région de La Rochelle, où les archives de la mairie ont, autrefois, souffert de ses instincts de rongeur. L'autre espèce, cantonnée dans la région languedocienne, remonte aussi, en direction de Carcassonne, dans une vaste région où ses dégâts sont sporadiquement constatés.

Toutes deux ont les mêmes mœurs. Ces insectes, qui ressemblent très vaguement à des fourmis de teinte pâle, vivent en colonies nombreuses dont les « ouvriers », chargés de la construction, ont la désagréable habitude de ne vouloir circuler qu'à l'abri de tunnels maçonnés que l'on remarque, parfois, à la surface des murs d'immeubles attaqués. Il est vrai que ce détail permet aussi de repérer les parasites. C'est aux dépens du bois un peu humide que ces insectes se nourrissent en arrachant, dans les poutres, les meubles, des copeaux minuscules, mais en respectant soigneusement une mince couche externe qui cache le dommage aux yeux non prévenus. Et, un beau jour, ou bien le doigt passe au travers d'une porte, ou un pied de chaise passe au travers du plancher, à moins que les dégâts ne soient encore plus graves.

Pour se protéger, il importe d'abord de débarrasser les abords des immeubles des vieilles souches et, en général, de tous débris de bois en contact avec le sol, qui peuvent être des repaires appréciés. Dans la maison même, il faut éviter toute cause d'humidité en isolant la charpente du sol par des supports en béton, par exemple. Une désinfection périodique des murs des caves, qui doivent être bien aérées, est très utile. Enfin, extérieurement, il est intéressant de mélanger au sol d'une bordure de terrain touchant les fondations, à raison de 50 grammes par mètre carré, une spécialité insecticide à base de H. C. H. qui persiste longtemps dans le sol. Ce mélange devra être renouvelé tous les deux ans.

En conclusion, nous pouvons dire qu'il est à peu près impossible de détruire les parasites que nous avons signalés dans du bois déjà très attaqué, que toutes les mesures préconisées ne sont que des précautions qui ne dispensent jamais d'une surveillance constante.

LE FORESTIER.

Le Chasseur Français N°659 Janvier 1952 Page 39