Depuis le remarquable ouvrage de M. Caziot, édité en
1914, peu de renseignements ont été publiés sur la valeur vénale et la valeur
locative de la terre en France.
À l'occasion d'une enquête détaillée portant sur près de 500
régions agricoles, il a paru intéressant de résumer en quelques pages les
renseignements recueillis en 1950 tant auprès des particuliers que de services
officiels régionaux et départementaux.
Pour essayer de définir la situation actuelle du marché des
terres, il convient d'examiner successivement :
A. La valeur vénale et la valeur locative actuelles des
parcelles selon les différentes « vocations » du sol : terres
labourables, herbages, cultures maraîchères, vignes, cultures fruitières, bois.
B. La valeur des exploitations avec bâtiments.
C. Les tendances actuelles du marché et son évolution depuis
1914.
A. — Valeur vénale et valeur locative des terres en
1950.
I. TERRES LABOURABLES (18.500.000 hectares sur 50.500.000
hectares de territoire agricole).
Valeur vénale.
— Le prix de vente d'un hectare s'échelonne en 1950,
selon les régions, de 5.000 francs à 1.000.000 : il est donc bien
difficile de parler d'un prix moyen ; mais l'on peut dire que le prix
couramment pratiqué (valeur dominante) s'établit aux environs de 80.000 francs
pour une terre moyenne ou, mieux encore, entre 60.000 et 100.000 francs.
Ces chiffres traduisent une augmentation moyenne de 60 p. 100
par rapport à 1946.
Suivant les régions, cette « valeur dominante »
est plus faible ou plus élevée. On peut, à cet égard, grouper les régions
françaises en plusieurs catégories :
a. Valeur vénale moyenne égale ou supérieure à 200.000
francs l'hectare.
— Nord de la France (400.000 francs dans la plaine des
Flandres et le Béthunois), Normandie (250.000), Beauce et Brie (200.000), Bretagne
(200.000), plaine d'Alsace (200.000), vallées du Rhône et de la Saône
(200.000), Provence, Roussillon.
Il ne s'agit d'ailleurs là que de moyennes (plus exactement
de « valeurs dominantes »), et les prix maxima atteignent 800.000 en
Bretagne, 500.000 en Normandie, dans le Nord de la France, la plaine d'Alsace,
le Roussillon.
b. Valeur vénale généralement voisine de 80.000 francs
l'hectare.
— Région parisienne (sauf Beauce et Brie), partie de la
France comprise entre la Loire et les Pyrénées — sauf le Plateau central,
la Sologne, les Causses, l'Armagnac et la vallée supérieure de la Garonne, où
les prix sont généralement plus bas, et les Pyrénées et les départements
côtiers, où ils sont généralement plus élevés.
c. Valeur vénale généralement inférieure à 60.000 francs
l'hectare.
— Plateau central et Centre, Sologne, Champagne,
Bourgogne et Morvan, Lorraine.
d. Régions particulières.
— Il faut citer à part les régions de montagne et le
Languedoc, où l'éventail des prix est très ouvert.
Ces indications ne constituent que des moyennes : pour
chacune des régions mentionnées on peut admettre que les valeurs extrêmes vont
de la moitié au double du prix indiqué.
Les différences de fertilité du sol ne sont pas seules à
expliquer les écarts constatés d'une région à l'autre. D'autres facteurs
interviennent :
— tantôt pour élever les prix : les facilités de
communication et la proximité d'installations industrielles (Nord et région
parisienne) ; la proximité de terrains affectés à des cultures très
rémunératrices (cultures maraîchères et légumineuses en Bretagne, cultures
fruitières et maraîchères de la vallée du Rhône, cultures florales de la
Provence) ; le parcellement, puisque les petites parcelles se vendent
relativement, plus cher que les grandes (Alsace, Pyrénées, Tarn, vallée de la
Gironde) ;
— tantôt pour abaisser les prix : exode rural
(Plateau central, vallée supérieure de la Garonne, régions de montagne).
Valeur locative.
— Le prix de location, le plus courant, était, en 1950,
de 5.000 francs l'hectare, soit deux quintaux de blé. Mais cette moyenne est
beaucoup plus élevée dans le Nord et en Bretagne (10.000 francs), en Touraine
et dans les régions de plaine du Midi méditerranéen ; elle est beaucoup
plus faible dans le Centre (2.500 francs l'hectare), l'Est, le Sud-Est et les
régions montagneuses du Midi.
Certaines terres sont louées plus de 20.000 francs l'hectare
dans le Pas-de-Calais, le Finistère et certaines régions des Bouches-du-Rhône
et des Alpes-Maritimes. Dans les terres pauvres, le prix de location descend
assez souvent au-dessous de 1.000 francs l'hectare.
D'une façon générale, le taux de location est d'ailleurs
loin d'être proportionnel à la valeur vénale des terres.
II. PRAIRIES ET HERBAGES (12.300.000 hectares sur 50.500.000
hectares de territoire agricole).
Valeur vénale.
— L'éventail des prix est aussi large que pour les
terres labourables, mais les prix les plus courants s'établissent entre 100 et
150.000 francs l'hectare, ce qui donne un prix moyen à l'hectare de 125.000
francs, supérieur de 50 p. 100 environ à celui des terres labourables.
L'augmentation depuis 1946 est de 50 à 60 p. 100. Comme pour les terres
labourables, cette « valeur dominante » de 125.000 francs est
largement dépassée ou n'est pas atteinte selon les régions. La répartition
géographique, selon l'échelle des valeurs, correspond sensiblement à celle des
terres labourables :
a. Prix les plus élevés.
— Allant en moyenne de 300.000 à 400.000 francs dans le
Nord de la France, en Normandie, en Alsace, dans l'Eure-et-Loir (vallée de
1'Huisne), ainsi que dans la basse vallée du Rhône et sur le littoral
méditerranéen. Les maxima atteignent 1.000.000 francs dans la plaine de la Lys
et certaines régions irriguées du Midi ; 600.000 francs dans la plaine des
Flandres, le Béthunois, l'Eure-et-Loir, l'Alsace, la Manche ; 500.000
francs dans le Calvados.
b. Prix les plus bas.
— On les observe dans le Plateau central, la Champagne
et les régions de montagnes, où les moyennes tombent à 60.000 et 50.000 francs.
Valeur locative.
— La valeur locative à l'hectare des prairies est
généralement plus élevée que celle des terres labourables. Le taux de location
le plus courant était en 1950 de 6.000 francs l'hectare ; on trouve
rarement des taux de location inférieurs à 1.200 francs, mais par contre, dans
certaines régions, ils atteignent fréquemment 20.000 francs.
Michel DUMANT.
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