L'Union indienne existe depuis le 15 août 1947, date à
laquelle l'ensemble de l'Inde classique est devenu un pays autonome. Aux deux
extrémités latérales opposées de son Nord, deux immenses régions ont donné le
Pakistan, mais l'Union indienne restante n'en couvre pas moins de 3 millions de
kilomètres carrés, soit plus que l'Europe, avec des diagonales respectives de
2.000 et 3.000 kilomètres de long.
L'Union indienne, malgré la diversité géographique de ses
nombreuses contrées, constitue un véritable État dont les habitants sont
étroitement liés par leur communauté de très antique civilisation qui a évolué
quelque peu en vase clos en tournant le dos à l'Occident, ce qui est un
phénomène constant en Asie.
Au nord, l'Inde est véritablement isolée du reste de l'Asie
par la plus grande chaîne montagneuse du monde, celle de l'Himalaya, dont
certains sommets approchent de 9.000 mètres et conservent des cimes inviolées.
Au nord, encore, la plaine indo-gangétique est très riche
grâce à des alluvions millénaires. Les deux fleuves ont des cours très lents,
car leur altitude de source, quasi unique dans l'espace, est de faible
altitude, de l'ordre de 250 mètres.
La climatologie est régentée par la mousson, humide et
pluvieuse de juin à octobre, pendant que, le reste de l'année, les vents sont
secs et d'origine continentale. Cependant maintes régions totalisent plus de 2
mètres de précipitations d'eau. La végétation comme la culture sont ainsi
fonction de l'hydrologie, et cela conduit à quatre régions très caractéristiques,
avec des forêts, de l'élevage, des cultures variées ou du coton.
Après la Chine, l'Inde est le pays le plus peuplé du monde,
tant en valeur absolue (de 350 à 400 millions d'âmes), qu'en densité (110
habitants au kilomètre carré); 85 p. 100 des habitants sont ruraux, à côté
de cités géantes comme Calcutta, avec 2 millions et demi d'âmes.
Mais l'ensemble du pays manque totalement d'unité. Les
diversités linguistiques, morales, religieuses y sont multiples et aussi
marquées par d'énormes antagonismes. C'est ce qui explique la curieuse pyramide
constitutionnelle en trois sortes d'États fédérés : les anciennes
provinces, les anciennes principautés et dix petits États traditionnels.
Chaque province-État est passablement autonome avec son
parlement et son gouvernement, mais le tout est coiffé d'un gouvernement
fédéral qui a le monopole des grandes attributions politiques comme l'armée, la
diplomatie et le commerce extérieur. À proprement parler et avec le sens donné
à ces mots en Occident, les autorités régionales ne sont que de simples
assemblées provinciales à caractères surtout économique (transports), culturel,
hygiénique, etc.
Le niveau de vie de l'Union indienne est plein de
contrastes, mais aussi de contradictions. La famine règne souvent, faisant
d'énormes hécatombes, et cependant moins de la moitié des terres cultivables est
travaillée, et encore de façon fort médiocre. Il reste des domaines immenses
quasi incultes, en latifundia, alors que des agriculteurs manquent de terres ...
Les céréales ont la faveur du travail rural, car les
ensemencements dépassent les quatre cinquièmes du sol. C'est le riz qui arrive
au premier rang avec 225 millions de quintaux, mais les rendements extensifs
sont faibles — le quart de ceux qu'on enregistre au Japon ou en Indochine.
Le blé et le millet viennent ensuite, mais, comme le riz, restent en dessous
des nécessités de l'alimentation nationale.
Inversement, la canne à sucre fait de l'Inde le premier pays
producteur du monde, avec 50 millions de quintaux, occupant 2 millions de
travailleurs.
Le thé, le café et le tabac sont cultivés également, mais
servent surtout à l'exportation. Pour le coton, l'Union indienne a rétrogradé
dans le monde, car les régions détachées et devenues autonomes du Pakistan ont
conservé la majeure partie des plantations, soit près des quatre cinquièmes. Ce
n'est certainement là qu'une situation provisoire, car il existe un plan
national d'expansion agricole qui doit rétablir la situation favorisée.
Industriellement, l'Inde ne fait que débuter dans cette activité,
et elle manque grandement d'ingénieurs, de cadres et de main-d'œuvre qualifiée.
En outre, les usines, trop concentrées, demandent à être mieux réparties à
travers l'immense continent.
On a bien établi un plan d'industrialisation, mais celui-ci
reste présentement quelque peu théorique. Ce qui conditionne le progrès
industriel, c'est d'abord l'énergie et ensuite les minerais. Or, faute de
prospections suffisantes, on n'est officiellement que fort mal renseigné sur
les possibilités d'avenir. Tout ce que l'on peut affirmer, c'est que ces
richesses sont immenses en charbons, lignites et pétroles, de même qu'en
minerais rares ou recherchés comme le manganèse, le chrome, la bauxite, le
tungstène et aussi l'uranium.
Avec beaucoup de raison, le gouvernement se soucie d'abord
de l'électrification du pays, et maints barrages d'usines hydroélectriques se
construisent. Cependant la production électrique reste faible et ne convient
même pas à un pays de faible niveau de vie.
C'est ensuite vers l'industrie sidérurgique que le
gouvernement a orienté ses soins. Actuellement la production d'acier atteint un
million de tonnes, mais on espère la doubler très rapidement, peut-être même
avant deux ans.
L'industrie traditionnelle est celle des textiles, bien que
Bombay ne soit la métropole du coton que depuis un siècle. Le jute est
l'apanage du Bengale, comme la laine. Mais il faut aussi tenir compte de
l'énorme quantité d'artisans répartis dans toute l'immense étendue du pays.
C'est à eux que l'on doit ces magnifiques tissus aux couleurs merveilleusement
harmonisées, comme on leur doit également de fort beaux tapis et des soieries
très estimées à l'étranger. La célébrité des châles hindous n'est plus à
proclamer.
La dernière guerre aura eu comme conséquence bénéfique la
création et surtout la rapide extension de l'industrie mécanique. En dix ans,
l'Union indienne est devenue capable de produire des bicyclettes, des camions,
des autos, des moteurs, des machines-outils et même des wagons et des
locomotives. Actuellement l'équipement national se poursuit avec des chantiers
navals et aéronautiques ; il est prévu des usines de tracteurs agricoles.
Grâce à des ingénieurs suisses et aussi allemands, l'Union
indienne a vu se créer rapidement une industrie chimique qualifiée pour la droguerie,
les engrais, les matières premières, mais aussi la pharmacie, ce qui est
extrêmement heureux dans une nation immense où les épidémies font
périodiquement les plus effroyables ravages.
On peut dire que l'Union indienne est en voie de complète
industrialisation et forme un pays riche d'avenir.
Cependant il existe un très lourd handicap : celui des
transports, car il n'y a que 75.000 kilomètres de voies ferrées, ne possédant
qu'un matériel fort fatigué.
Le commerce extérieur est extrêmement contrôlé et presque
dirigé, car l'Union indienne tient à protéger sa propre industrie naissante et
en très bonne croissance contre la concurrence étrangère. Ces mesures donnent
une balance commerciale assez bien équilibrée.
Jute, coton, thé et produits agricoles figurent au bilan des
exportations, et, par le jeu de la dévaluation de la roupie, les cotonnades
indiennes sont vendues mondialement aux plus bas prix, sans qu'il y ait
aucunement une mesure de dumping.
C'est surtout avec l'Angleterre que l'Union indienne commerce,
car ce pays, dont elle était autrefois un dominion, est son client et son
fournisseur pour le quart de son activité commerciale extérieure.
Du point de vue français, les achats de l'Inde à la France
sont quintuples de ceux de la France à l'Inde, et, en valeur absolue, la France
fournit moins de 40 millions, tandis que l'Angleterre a un chiffre atteignant
le milliard et demi de roupies. C'est dire que, par une politique économique
intelligente et un certain effort de propagande, l'Union indienne reste pour la
France un immense débouché. Toutefois il faut songer que les produits
d'exportations majeures comme la mode ou les parfums n'ont aucune chance
d'acquérir un bien grand volume. C'est dans le domaine de l'équipement
industriel que l'avenir offre de belles perspectives.
Alex ANDRIEU.
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