Malgré les critiques (sympathiques la plupart) et les
violentes attaques de deux journalistes « en mal de scandale », le
200 à l'heure à bicyclette devient une possibilité matérielle et
physique qui passionne le grand public.
Partout où je me déplace, en France et à l'étranger, on me
pose des questions enthousiastes et je reçois des preuves admiratives qui montrent
combien la bicyclette est populaire, et combien (surtout à l'étranger) on reste
rêveur devant l'exploit que j'ai accompli.
Ce que j'ai réalisé le 13 octobre dernier aux environs
de Toulouse, après avoir arrêté le Président de la République lui-même (!), est
en effet un fameux testimonial pour le vélo.
Ma passion des records fantastiques est connue dans le monde
entier, puisque je me livre à cette chasse depuis 1949, ayant de France passé
en Allemagne, puis en Italie, l'Amérique (demain) paraissant le point final de
cette chasse, car je désire y rencontrer, en Floride, mon camarade Letourneur.
Je pense, l'an prochain, terminer mes pédalées « héroïques »,
autant que fantastiques, par un 200 à l'heure qui m'accordera enfin le droit de
m'adonner à la littérature, vers laquelle me pousse mon ami le poète-paysan
Jean Giono, l'inoubliable auteur de Regain et La Femme du Boulanger.
Car ce n'est pas une existence de courir de micro en micro, ni de se montrer
sur les scènes, et encore moins de languir de la solitude dans les trains ou
les avions.
On a écrit de moi que j'étais le « poète de la vitesse ».
Ce qui est faux et simplement une invention du journaliste Jean Leulliot, qui
m'avait présenté, avant guerre, au créateur du Tour de France, Henri Desgrange,
lequel me fit faire mes premières armes de journaliste au journal L'Auto.
Sentimental à l'extrême, d'un tempérament très doux, j'ai un
goût très poussé pour tout ce qui est beau, et particulièrement pour la Nature,
qui reste la plus belle des créations.
Grâce à ma volonté, à ma ténacité, à l'idéal qui m'anime
dans tout ce que je fais, j'ai, grâce aux records, trouvé un moyen d'évasion
que mon père avait trouvé dans la sculpture lorsqu'il décrocha son Grand Prix
de Rome.
Pour la méditation, qui est si fertile en enseignements,
pour la solitude, pour une vie normale avec un être cher, par amour de la
terre, de la nature, je pense que je vais refuser l'offre qui m'a été faite de
courir en voiture.
Car, si j'aime la vitesse, je le répète, elle n'est pas mon
dieu unique. J'estime qu'il y a dans la vie tant d'autres choses plus
accaparantes encore et qui sont bien les véritables richesses à la portée de
tout homme sage.
J. MEIFFRET.
(Exclusivité Le Chasseur Français.)
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