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Les couches

Pour obtenir des produits hors saison ou cultiver des plantes exigeant pour évoluer une température supérieure à celle du climat sous lequel on opère, on est obligé d'avoir recours à des abris vitrés (châssis, cloches, serres), ainsi qu'à la chaleur artificielle. Celle-ci est produite économiquement par la fermentation de matières organiques, notamment du fumier, réunies en tas, que l'on appelle des couches.

Le fumier que l'on emploie le plus souvent est le fumier de cheval. À défaut, on peut prendre du fumier de mouton, mais son état physique le rend toutefois plus difficile à utiliser en la circonstance. Au fumier frais, on ajoute du fumier ayant déjà fermenté (fumier recuit), des feuilles, surtout des feuilles de chêne ou de châtaignier, de la mousse, etc.

Les proportions de ce mélange varient suivant la température que l'on veut obtenir, et, à cet égard, les couches peuvent se répartir en trois catégories :

    1° Les couches chaudes, dont la température moyenne est 20° à 30° ;

    2° Les couches tièdes, où elle varie de 12° à 15° ;

    3° Les couches sourdes, dont la température, d'abord égale à celle des couches tièdes, diminue ensuite graduellement, mais très lentement.

Pour établir une couche chaude, on met en général deux tiers de fumier frais et un tiers de fumier recuit ou de feuilles sèches. Pour les couches tièdes et les couches sourdes, on mélange par moitié le fumier frais et le fumier recuit ou les feuilles sèches.

Ces chiffres n'ont d'ailleurs rien d'absolu ; les proportions du mélange varient suivant la température que l'on veut obtenir ; la couche est d'autant plus chaude que la proportion de fumier frais est plus élevée.

Les couches chaudes et les couches tièdes se montent en palier, c'est-à-dire au niveau du sol. Certains jardiniers ont cependant coutume de les faire en tranchée, dans des fosses profondes de 20 à 30 centimètres, sous prétexte de mieux conserver la chaleur. Si vrai que soit la chose, semblable méthode n'est cependant applicable qu'en sol sain et perméable ; dans les terres fortes, cette manière de procéder n'est pas recommandable. En effet, par période de pluie, l'eau vient séjourner dans la tranchée, noyer le pied de la couche et arrêter la fermentation du fumier.

L'épaisseur de la couche diffère avec la saison et avec les plantes que l'on cultive. Elle est généralement supérieure à 50 centimètres pour les couches chaudes ; elle atteint même 60 à 70 centimètres pour certaines cultures. Quant aux couches tièdes, on leur donne en moyenne 0m,40 d'épaisseur. Lorsque la couche est montée, on y place des coffres, puis on la recouvre d'un lit de terreau ou de bonne terre de jardin sur lequel on fera les semis ou les plantations ; l'épaisseur de ce lit varie entre 20 et 30 centimètres ; on dispose enfin les châssis, que l'on recouvre de paillassons. Sur les couches destinées à porter des cloches, le terreau ou la terre sont maintenus au moyen de planchettes ou de longues tresses de paille ou de litière.

Afin de préserver les parois extérieures des coffres, ainsi que la partie externe da la couche, il est d'usage d'établir tout autour de celle-ci une ceinture de fumier qui, partant de la surface du sol, vient affleurer les bords supérieurs des coffres, et que l'on nomme réchaud.

La chaleur qui résulte de la fermentation des réchauds a, en outre, comme effet de prolonger et de maintenir plus régulière la température d'une couche. Ces réchauds remaniés, c'est-à-dire reconstitués après addition de fumier de cheval frais, aussi souvent qu'il est nécessaire, permettent de maintenir la température d'une couche qui aurait tendance à se refroidir.

En hiver, on donne aux réchauds de 50 à 60 centimètres de largeur ; 30 à 40 centimètres suffisent, passée la période des grands froids.

La température d'une couche reste voisine de la normale pendant cinq à six jours après son établissement, puis la fermentation se déclare avec une grande énergie et, vers le dixième au douzième jour, elle atteint son maximum d'intensité. La chaleur peut alors atteindre 50° et même 70° chez les couches chaudes ; c'est le coup de feu des jardiniers : à partir du quatorzième au quinzième jour, cette température s'abaisse graduellement pour rester presque stationnaire pendant un certain temps. Il convient donc de surveiller les couches nouvellement établies et d'attendre non seulement que le coup de feu soit passé pour les utiliser, mais de n'effectuer leur mise en culture qu'au moment où la température descendante correspond au degré de chaleur qu'exigent la germination des graines ou la venue des plantes que l'on veut y cultiver.

En ce qui concerne les couches sourdes, on utilise en général, pour les constituer, du fumier recuit auquel on ajoute parfois un tiers de fumier frais afin de favoriser l'entrée en fermentation de la masse. On recouvre ensuite avec la terre extraite des tranchées. Les couches sourdes ne donnent pas de coup de feu ; on peut faire semis ou plantation immédiatement après le montage. Toutefois il est préférable d'attendre quelques jours pour donner à la terre le temps de se tasser et de s'échauffer. Suivant le matériel dont on dispose, ces couches sont recouvertes de châssis ou de cloches.

A. GOUMY,

Ingénieur horticole.

Le Chasseur Français N°660 Février 1952 Page 95