La rhubarbe doit avoir sa place — si petite soit-elle — au
jardin, non seulement en raison des nombreux usages auxquels on la destine,
mais parce qu'elle a le grand avantage d'être une précieuse ressource d'avril à
juin, au moment même où les fruits de l'année écoulée sont épuisés et où ceux
de l'année nouvelle ne sont pas encore utilisables. Au surplus, c'est une
plante vivace, rustique, de culture toute facile.
Pratique de l'obtention de beaux pieds de rhubarbe.
— Cette plante vivace à grand développement aime
par excellence les sols riches, profonds et frais, ou de consistance moyenne.
L'ampleur de ses racines et de ses feuilles est en rapport avec la richesse du
terrain occupé. Aussi les sols trop argileux, humides, médiocrement féconds,
n'amèneraient que des déceptions. Les variétés recommandées sont :
— la rhubarbe Mitchell's Royal Albert :
très hâtive, aux pétioles longs et gros, tachetés abondamment de rouge et de
goût excellent ; les feuilles, très vertes, sont légèrement cloquées ;
— la rhubarbe Queen Victoria : moins
hâtive, mais aux pétioles plus longs et plus gros que la précédente ; ses
feuilles sont quelque peu chiffonnées et ondulées sur les bords et sont d'un
vert foncé.
Nos espèces cultivées proviennent de nombreuses espèces ou
de leurs croisements, toutes originaires de l'Asie et de l'Amérique du Nord :
la rhubarbe australe pousse jusqu'à 4.000 mètres dans les montagnes du Tibet et
de l'Himalaya, et une autre espèce — la rhubarbe palmée, originaire des
montagnes du Népal — pousse des tiges jusqu'à 3 ou 4 mètres de haut, et
son feuillage est très beau. La multiplication de la rhubarbe se fait :
A. Par semis.
— La graine — que l'on trouve sans difficultés
dans toutes les bonnes maisons — est de forme triangulaire et munie d'une
aile à chaque angle. La durée germinative de cette graine est de trois ans.
On sème les graines en mars-avril, soit en terrine, soit sur
une plate-bande de terre légère, et les plants seront mis en place en
septembre. On peut également semer en août-septembre, aussitôt après la récolte
des graines. On opère dans des godets ou petits pots de fleurs, qu'on aura
soin, l'hiver, de placer sous châssis froids, et on mettra en place au
printemps suivant. Il est à remarquer que, dans le cas de semis, les plants
obtenus sont très vigoureux, mais on n'obtient pas toujours fidèlement les
caractères de la variété semée.
B. Par division de touffes le plus souvent.
— Cette opération peut se pratiquer au printemps, dès
le mois de mars, ou à l'automne, avant les fortes gelées. On détachera des
éclats ou œilletons de la souche mère à l'aide d'une bêche, en choisissant les
plus forts, c'est-à-dire ceux de la périphérie. Chaque oeilleton devra posséder
au moins un œil ou bourgeon, bien développé et nettement visible, quelques
jeunes racines pour favoriser la reprise. Une vieille souche pourra donner
aisément quatre ou cinq éclats à repiquer.
La plantation, dans les deux cas, ne se fera qu'en sol riche
et bien fumé (bon fumier, bien décomposé), car cette plante vivace est très
épuisante. D'autre part, en raison de son grand développement, on distancera
les pieds d'au mois un mètre et on conserva au moins 80 centimètres sur les
rangs. Pour planter, le trou creusé sera suffisamment profond (30 à 40
centimètres selon la grosseur de l'oeilleton) et on recouvrira de 5 à 6
centimètres de bonne terre. Pour éviter tout accident, on aura soin de marquer
chaque emplacement de plantation à l'aide d'une baguette.
Soins d'entretien.
— La récolte ne saurait commencer la première année de
plantation : il faut laisser la souche se former et se fortifier. Au cours
de la culture, le sol sera entretenu toujours en bon état de propreté et de
fraîcheur : des fumures (fumier, engrais azotés), une petite poignée de
nitrate de soude autour de chaque pied et des arrosages, le cas échéant,
permettront l'obtention de feuilles assez grosses, tendres et non fileuses.
Récolte.
— La récolte pourra commencer dès la seconde année :
ne pas s'étonner si la production de chaque pied n'est encore que d'une
demi-douzaine de feuilles ; dès la troisième année, la production sera
abondante pendant au moins une dizaine d'années quand on a affaire à un bon
sol. Les feuilles seront récoltées lorsqu'on remarque que les feuilles ont
atteint leur complet développement, mais avant leur jaunissement, car les côtes
recherchées seraient dures, fibreuses et souvent creuses. À la récolte, les
pétioles les plus gros sont détachés de la souche mère un à un, à l'aide de la
main, en tirant dessus en même temps qu'on imprime une légère secousse, ou à
l'aide d'un couteau, en coupant nettement au ras de la souche.
Dès qu'elles apparaissent, on supprime les hampes florales,
dont le développement inutile ne se fait qu'au détriment de la vigueur des
plantes, du développement de leurs tiges et de leurs feuilles.
Utilisation de la rhubarbe.
— Fort appréciée en Angleterre, la rhubarbe est, depuis
plusieurs années, plus goûtée en France : les pétioles de rhubarbe sont
agréables à manger en raison de leur caractère un peu acide, aigrelet.
Pour les rendre moins acides, il suffit de les jeter une ou
deux minutes dans l'eau bouillante. On en fait alors de la marmelade. Après
avoir dégagé les côtes de toutes les parties des feuilles, on les pèlera et
coupera en morceaux, et on mettra sur feu doux avec du sucre et on laissera
cuire une demi-heure. Selon les goûts personnels, on pourra ajouter du beurre,
de la cannelle, du citron.
On fait également, à l'aide de la rhubarbe, d'excellentes
confitures très toniques : tout livre de cuisine en donne des recettes pratiques.
Il n'est pas recommandé, comme cela se fait parfois,
d'utiliser le limbe des feuilles, avec de la chicorée ou des épinards, comme
légume vert : des accidents toxiques peuvent se produire.
Enfin, notons que la rhubarbe est devenue produit industriel :
des conserveries la mettent en boîtes ou fabriquent des confitures.
BOILEAU.
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