Le riz consommé en France avant guerre venait
essentiellement d'Extrême-Orient, et plus particulièrement d'Indochine. Le rôle
important qu'il jouait dans notre économie, alimentation humaine et animale, a
été mis en évidence par la pénurie dont nous avons souffert.
Actuellement, les conditions politiques et économiques ne
sont plus celles d'avant 1940, et les possibilités d'importation se sont
considérablement amenuisées, ce qui a donné à la culture métropolitaine de
cette céréale un indéniable intérêt. La superficie qui lui est consacrée dans
la région où elle est susceptible de se développer, Camargue et environs
immédiats, est passée de 5.000 hectares en 1948 à 12.000 en 1951, produisant
environ 200.000 quintaux de riz blanchi, ce qui représente environ le quart des
besoins. Cette production semble appelée à se développer encore, en dépit du
désastre causé par les inondations de novembre 1951, et on peut envisager le
moment où la production métropolitaine sera suffisante pour rendre les
importations inutiles. Ce résultat sera obtenu, d'une part, par l'augmentation
des surfaces cultivées en riz et, d'autre part, par l'amélioration des
rendements.
Plante de pays chauds et de plaines basses, le riz demande
beaucoup de chaleur et beaucoup d'eau, ce qui limite étroitement son aire de
culture. Encouragés par les magnifiques résultats obtenus par les producteurs
actuels, de nombreux agriculteurs, placés dans des conditions beaucoup moins
favorables, sont tentés de les imiter. Une certaine prudence s'impose, et ce n'est
qu'avec circonspection qu'il conviendra d'étendre cette production. Si le riz
est assez accommodant quant à la nature du sol, il aime avoir les pieds dans
l'eau et la tête au soleil. On peut faire du riz ailleurs qu'en terres
immergées ; celles-ci restent cependant les plus favorables, et c'est
surtout là qu'il y a lieu d'envisager sa culture.
Celle-ci doit être faite avec beaucoup de soin. En automne,
si les conditions météorologiques le permettent, on fera un fort labour à 30
centimètres de profondeur, qui aura pour effet de travailler la terre et
d'enfouir la végétation spontanée, notamment d'empêcher le développement de la
reproduction des mauvaises herbes comme le panicum et la brusone.
Malheureusement, à cette époque de l'année, le terrain est souvent détrempé, et
ce labour est reporté à l'hiver. Il y a intérêt à le faire suivre en janvier
d'un labour léger ou d'un quasi-labour, puis, en mars, d'un nouveau labour à 12
centimètres, qui servira à enfouir les engrais.
On estime qu'une récolte normale de riz exporte 120 kilos
d'azote, 60 à 70 kilos d'acide phosphorique et 180 kilos de potasse, chiffres
sensiblement égaux à ceux du blé. Pour assurer les besoins de la plante, on
pourra apporter 300 kilos de sulfate d'ammoniaque ou d'ammonitrates, 500 à 600
kilos de superphosphates et 200 kilos de sulfate de potasse. Il semble
préférable de ne pas apporter de sylvinite, en raison de sa teneur en chlorure
de sodium, ni même d'autres chlorures, le sol en étant déjà saturé. On peut
employer des engrais complets, ce qui réduit le nombre des épandages. La
formule 6-10-10, à raison de 1.000 kilos par hectare, donne satisfaction. Au
début de juin, il y aura lieu d'ajouter un peu d'azote, sous forme, par
exemple, de sulfate d'ammoniaque, à raison de 100 à 200 kilos par hectare,
selon que le besoin en apparaît plus ou moins impérieux.
Les engrais sont généralement apportés sous la forme solide
habituelle, mais on tend à les dissoudre dans l'eau d'irrigation, procédé qui
facilite l'épandage et permet l'utilisation d'engrais nouveau comme l'ammoniac
anhydre. Une mise au point semble cependant encore nécessaire pour éviter que
la répartition soit irrégulière, ce qui se produit fréquemment.
En France, le semis se fait en place du 20 avril au 10 mai.
En Extrême-Orient et même en Italie, on préfère le semis en pépinière et le
repiquage. Cette pratique permet une augmentation importante des rendements, de
l'ordre de 10 à 15 quintaux à l'hectare, mais elle demande beaucoup de
main-d'œuvre. Le repiquage a d'autres avantages : il réduit la durée de
submersion et les risques de refroidissement de l'eau, et il facilite la lutte
contre les mauvaises herbes ; il augmente aussi la résistance de la plante
à la verse.
L'irrigation (mise en eau) est une opération délicate. En
principe, elle devrait se faire quinze jours avant le semis afin de laisser à
l'eau le temps de s'échauffer, ce qui favoriserait la germination, mais ce
procédé favorise la pullulation des parasites, de sorte qu'on tend à ne
commencer l'irrigation que quarante-huit heures avant le semis.
Celui-ci doit rester très superficiel. Dans certaines
exploitations, il se fait par avion ; ailleurs, on emploie le semoir ;
on sème même à la main. La quantité est de 150 à 200 kilos à l'hectare.
La couche d'eau, qui ne doit jamais dépasser l'extrémité des
feuilles, n'est apportée que progressivement, et le débit de l'eau est réglé de
façon à obtenir une lame uniforme de 5 à 8 centimètres d'épaisseur, d'une
température minimum de 15°. Il est nécessaire de pratiquer deux assèchements en
cours de végétation, l'un fin mai-début juin, quand le riz a 8 à 10
centimètres, l'autre au mois d'août, qui ne dure que deux ou trois jours. Le
premier donne de la rigidité à la plante, l'autre sert surtout à détruire les
algues et les mousses.
La lutte contre les mauvaises herbes est particulièrement
difficile, car elles poussent vigoureusement, et la plupart d'entre elles, les
plus redoutables en tout cas, comme le typha, le triangle ou carex et le
panicum ou panisse, sont également des graminées et résistent aux mêmes
herbicides que le riz. On peut lutter cependant par les hormones végétales
(procédé qui n'est, semble-t-il, pas encore parfaitement au point en ce qui
concerne cette culture), par le repiquage, ainsi qu'il est dit plus haut, mais
aussi par des procédés culturaux comme la jachère cultivée ou, mieux, par
l'alternance des cultures. Actuellement, on fait fréquemment riz sur riz ;
l'envahissement des mauvaises herbes obligera sans doute à adopter un
assolement et à cultiver, par exemple, du carthame et de la luzerne. On peut,
enfin, pratiquer des sarclages, qui se pratiquent quand le riz a 25 à 30
centimètres, du 15 juin au 15 juillet.
On enlève l'eau vers le 20-25 septembre et on récolte en
octobre à la moissonneuse-batteuse, machine qui évite l'égrenage, si
dommageable avec les autres machines de récolte. Le rendement est de 25 à 40
quintaux de paddy à l'hectare.
La culture du riz ayant été à peu près inexistante en France
pendant nombre d'années, on a dû, quand on a voulu la reprendre, utiliser les
variétés d'origine étrangère les moins mal adaptées à notre climat, en
particulier des variétés italiennes : balilla, razza 77,
allorio, maratelli, etc. Elles seront sans doute remplacées sous
peu par des variétés spécialement étudiées en vue de leur utilisation chez
nous.
Ce changement de variétés, une meilleurs connaissance des
méthodes de culture souvent encore incertaines, une lutte plus efficace contre
les mauvaises herbes, un emploi plus rationnel des engrais, la pratique même du
repiquage en certains cas particuliers sont de nature à augmenter très
sensiblement les rendements unitaires. Si la culture du riz ne semble pas
susceptible de déborder beaucoup de la région où elle connaît une faveur
nouvelle, elle est, par contre, de nature à y prospérer et à y constituer une
source de richesse fort appréciable, tant pour les producteurs eux-mêmes que
pour l'économie générale du pays.
R. GRANDMOTTET,
Ingénieur agricole.
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