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Élevage

La parturition des juments

L'expulsion normale d'un foetus vivant constitue le phénomène physiologique de la parturition, appelée encore délivrance, part, mise bas, accouchement, et spécialement vêlage, quand il s'agit des vaches, et poulinage pour les juments, qui font l'objet de ce propos. Mais les différents renseignements d'ordre hygiénique ou physiologique qui vont y être énumérés, à titre d'enseignement, sont en principe applicables à toutes les femelles domestiques.

Tout d'abord, les éleveurs ne doivent pas ignorer que la durée de la gestation, dans chaque espèce, peut être abrégée ou, au contraire, prolongée, sans qu'il en résulte aucun inconvénient au moment de la mise bas, ni pour la mère, ni pour son produit.

D'une série de constatations faites sur 25 juments du haras du Pin, il a été établi que la durée moyenne de la gestation avait été de 343 jours, la plus longue ayant atteint 367 jours.

À défaut de ces prévisions, basées sur le calendrier et dont le point de départ est toujours incertain quand il y a eu plusieurs saillies du même étalon ou d'étalons différents, les juments sur le point de mettre bas manifestent dans leur aspect extérieur et dans leur comportement certains changements qui doivent éveiller l'attention de leurs propriétaires. Le plus sûr et le plus facile à reconnaître est fourni par les mamelles qui se congestionnent, augmentent de volume et laissent apparaître à l'extrémité des mamelons une goutte de lait de coloration citrine ou jaunâtre par suite de la sécrétion du colostrum. En même temps, les lèvres de la vulve se tuméfient, deviennent de plus en plus flasques et humides, et la coloration de leur muqueuse plus accusée. Souvent l'anus se montre plus enfoncé sous la queue, et, sur la croupe, de chaque côté du sacrum, se produit une dépression caractéristique que l'on exprime couramment en disant que la jument « se casse ». Cette particularité, fréquente chez les juments déjà âgées, ayant pouliné à plusieurs reprises, n'existe que rarement chez les primipares, celles qui portent leur premier produit.

Dès l'apparition de ces premiers signes, la gestante doit être gardée à l'écurie, placée en liberté dans un box spacieux, bien aéré, peu éclairé et garni d'une bonne litière, où on lui laissera tout repos, sans pour cela la perdre de vue, afin de pouvoir lui venir en aide si le besoin s'en fait sentir. Un lavage abondant de la vulve et des régions avoisinantes, avec de l'eau savonneuse, puis avec des solutions antiseptiques chaudes, de 40 à 50°, est une précaution recommandable pour conjurer le risque des infections diarrhéiques et autres, qui occasionnent chaque année un pourcentage important de morts parmi les nouveau-nés.

Certaines juments accouchent debout, mais le plus grand nombre restent couchées en décubitus sterno-abdominal, c'est-à-dire reposant sur le sol par le sternum et l'abdomen, l'encolure relevée et prenant de temps en temps avec l'extrémité inférieure de la tête un point d'appui, pour faciliter la contraction des muscles abdominaux et les efforts d'expulsion qui en résultent.

Ces efforts, en se succédant et en se multipliant, dilatent de plus en plus le col de la matrice, dans lequel s'engagent progressivement les enveloppes du foetus pour apparaître bientôt entre les lèvres de la vulve, sous la forme d'un ballonnet gonflé de liquide — la poche des eaux — qui va s'ouvrir plus ou moins rapidement. Il est préférable que la rupture de la poche se fasse tardivement, car, en lubrifiant le col et le canal vaginal, elle facilite le glissement et la progression du fœtus, tandis qu'en se faisant trop vite la muqueuse des voies génitales reste sèche, le passage du foetus se fait plus difficilement, plus lentement, et les douleurs de la parturiente sont augmentées d'autant. D'où cette première et importante indication de toujours attendre l'ouverture naturelle de la poche des eaux, ou bien, en cas de nécessité, ne la ponctionner qu'en dehors de la vulve ; enfin il est possible de remédier aux inconvénients d'une rupture prématurée en badigeonnant les parois du vagin avec de l'huile.

La succession des symptômes que l'on peut enregistrer au cours de la mise bas a été désignée par le mot expressif et imagé de travail, dont la durée est généralement beaucoup plus longue chez la vache que chez la jument. Le part normal, chez celle-ci, se produit ordinairement dans l'espace d'un quart d'heure en moyenne, exception faite pour le travail préparatoire que nous venons d'évoquer.

Après l'engagement des membres antérieurs et de la tête du foetus dans le couloir vaginal, ce qui se fait toujours facilement, il se produit souvent un temps d'arrêt au moment du passage du corps (poitrine) dont les dimensions doivent être plus ou moins comprimées pour franchir le détroit postérieur du bassin de la jument, limité par des os volumineux et très résistants.

Le poids normal d'un foetus de poulinière à la naissance varie entre 35 et 45 kilogrammes, il en est de plus lourds et de plus volumineux contribuant à rendre la mise bas laborieuse et douloureuse, mais les accidents les plus fréquents de la parturition sont provoqués par des présentations anormales.

La présentation est dite longitudinale, c'est la meilleure et, heureusement, celle qui se produit le plus souvent, quand le grand axe du fœtus est parallèle à celui de la mère ; elle peut être antérieure, quand la tête passe la première, appuyée sur les deux membres antérieurs allongés et réunis, ou postérieure, quand ce sont les pieds de derrière qui apparaissent les premiers. La présentation est dite transversale quand le grand axe du fœtus est perpendiculaire à celui de la mère ; elle nécessite toujours une intervention difficile et délicate, pour modifier en le déplaçant la position du fœtus et faciliter son engagement et son passage dans le col de l'utérus, puis dans le canal vaginal. Dans ce dernier cas, les efforts expulsifs de la jument n'ayant aucune chance d'aboutir, il faut réclamer au plus tôt l'assistance du vétérinaire, dont la rapidité d'intervention assurera la sauvegarde de la poulinière et de son produit.

J.-H. BERNARD.

Le Chasseur Français N°660 Février 1952 Page 104