Aux époques primitives de la préhistoire, chez les premiers
humains, la force matérielle pour la lutte pour la vie laissait peu de place
pour les spéculations intellectuelles. Le cerveau était du reste fort
rudimentaire, surtout à l'époque où l'homme vivait quasi zoologiquement dans
des cavernes, se nourrissant seulement de fruits et de racines.
Ce n'est que petit à petit qu'il se dégagea de ses entraves
d'animalité et apprit à domestiquer le feu, puis découvrit l'art de la poterie,
l'usage de la pierre taillée, et, après des dizaines de millénaires, parvint à
créer le langage.
Il a fallu le temps et la durée pour que le seul instinct
cède la place à l'intelligence.
Cela confirme la découverte successive des divers squelettes
fossiles permettant d'établir la progression évolutive de l'architecture du
corps.
Il n'y a aucune difficulté pour retracer les caractères de
ces humains d'après les formes somatiques du visage et même du corps. Elles
donnent les potentialités des tempéraments : respiratoires, nutritifs,
musculaires, cérébraux.
Ceux-ci se retrouvent exactement chez les hommes actuels et
permettent de les classer en déterminant leurs aptitudes professionnelles.
Mais ces tests ne sont pas les seuls.
Ils se trouvent complétés par l'examen des aspects du corps,
ses formes, ses contours, en tenant compte des tailles, grandes, moyennes,
petites, et des volumes, gras ou maigres.
Il faut toutefois faire très attention, en cette matière, et
souligner que l'on doit faire abstraction de la graisse. Seule la musculature
compte, avec la charpente osseuse. Le gras et surtout l'obèse sont
biologiquement des malades.
D'après les aspects des individus, le professeur Sigaud et
ses disciples ont été conduits à retenir cinq types : un moyen, nommé « franc »,
deux extrêmes, « rond et plat », et deux intermédiaires, « cubique
et ondulé ». Certains auteurs ont employé des appellations différentes ;
en particulier le mot « bossué », au lieu de « ondulé ». Il
serait effectivement plus exact, mais a créé des confusions chez les sujets
examinés ou dans le grand public ; les uns et les autres y voyant un terme
péjoratif de « bossu ». On le retient donc de moins en moins.
Dans la classification physionoscopique la plus courante, ce
sont les types les plus caractérisés qui sont les plus spécifiques. Il n'en est
plus de même en structuroscopie. Ici les types extrêmes, très caractéristiques,
sont les plus mauvais.
C'est l'éternelle histoire de la fleur de serre, très fine
et très délicate, que la moindre gelée fait périr. La robuste fleur des champs,
moins esthétique peut-être, moins fragile, moins pure de lignes, s'avérera
toujours plus résistante.
Le type nutritif a son point faible dans les organes
stomacaux et intestinaux ; le cérébral devient improductif au moindre mal
de tête ; le musculaire est impuissant dès la plus petite courbature ;
le respiratoire est anéanti par un simple rhume.
C'est ici que se manifeste l'impérieuse nécessité de
l'équilibre fondamental entre les divers éléments. Faute de cet équilibre, les
intellectuels se claqueront dans leurs efforts studieux, dès la moindre
obligation d'une tache musculaire et physique. Inversement, un respiratoire ne
fournira qu'un travail médiocre, avec un très mauvais rendement, si son
activité lui impose une tache sédentaire, en un lieu clos, calme et fermé.
Cependant, il faut reconnaître que le type franc est
extrêmement rare. Quand il s'agit de le joindre à la qualification du cérébral,
il devient une exception rarissime. Pratiquement, les gens sont « gros ou
maigres », variant avec les âges et peu à peu déformés par les occupations
quotidiennes.
Normalement les hommes sont ronds ou plats, mais alors le
rond est au plat ce qu'en matière zoologique — où ces observations sont
encore plus absolues — le chien Saint-Bernard est au lévrier. Et cet
exemple fait comprendre toute l'importance du muscle seul dans sa graisse.
Ces grands principes posés, il devient facile d'établir une
classification avec les définitions correspondantes.
Ronds et plats situent les deux termes extrêmes de cette
fresque classificatrice. Ils sont les plus courants, mais ils restent
essentiellement fragiles et de faibles valeurs vitales.
Le rond.
— Le rond, aux membres bien enrobés de chair, sera
psychologiquement un bon vivant, cherchant à couler ses jours paisiblement,
même placidement, sans aucun heurt ni secousse. Il se laisse vivre, mange,
boit, dort, mais il demande beaucoup plus à la quantité qu'à la qualité.
On distingue deux catégories dans ces ronds, car les volumes
de chair autorisent des compositions différentes, selon la densité. Chez eux,
plus que chez les autres, il faut tenir compte de la graisse. Il est connu que
les gens gras dépassent rarement la cinquantaine. Ils meurent souvent d'une
crise cardiaque résultant d'un excès de travail du cœur ayant à soulever, outre
son propre poids, la masse graisseuse qui l'enrobe. Souvent aussi, on les voit,
avec l'âge, maigrir subitement, et l'équilibre organique antérieur s'en trouver
rompu.
Le rond uniforme est heureusement fort rare, car il
est tout en chair plus ou moins adipeuse. Sa valeur vitale est nulle. Plus
d'équilibre est représenté par le rond ondulé. Il présente quelques
sinuosités de contours. Cependant chez lui l'excès de poids reste un signe de
dégénérescence. C'est un infirme partiel, et cette infirmité est fonction de sa
masse.
Il y a aussi l'influence de la taille de l'individu. Le
grand est le plus mal partagé : c'est le colosse aux pieds d'argile. Il
est toujours épuisé mentalement et physiquement par l'excès de travail
physiologique d'un corps dont l'organisme est déjà surmené par ses seules
fonctions naturelles. Il ne possède plus alors qu'un maigre potentiel
susceptible de réaliser une activité productrice normale. Le rond de petite
taille possède plus de valeur vitale absolue.
Une grande erreur consisterait à croire que les types « ronds »
se recrutent exclusivement chez les nutritifs, et en seconde place chez les
musculaires. Ils existent chez les respiratoires comme chez les cérébraux.
Renan et Balzac en sont des exemples connus. Cela constitue toujours une
dysharmonie qui provoque extrêmement souvent une mort précoce.
Les cubiques.
— Les cubiques ont une meilleure vitalité que les
ronds, sont plus harmonieux et plus fins. On doit distinguer, ici encore, les
petits et les grands. Le petit cubique aura une tendance respiratoire
excessive, à l'inverse du grand, qui sera un respiratoire abusif. Souvent on
relèvera une déficience digestive. Le grand cubique sera moins vital que le
petit. S'il est du type respiratoire, son système pulmonaire sera exagérément
développé en largeur, et il en résultera une certaine faiblesse de
constitution.
Les cubiques intellectuels existent, tels les présidents
Doumergue et Fallières, mais ils sont rarement transcendants.
Les francs.
— Les francs fournissent les prototypes bien
équilibrés. Morphologiquement comme structuralement, c'est l'harmonie parfaite
entre la chair, le squelette et le cerveau. Tout y est juste mesure. C'est la
fondation parfaite pour supporter le tempérament idéal. Mais il est rarissime,
surtout chez les cérébraux.
L'ondulé.
— L'ondulé est, par rapport au type franc, le pendant
du cubique, mais dans la partie opposée de la classification. Il présente un
curieux aspect : celui de boursouflures, car ses muscles sont saillants au
milieu et étranglés aux extrémités.
Pour concrétiser ce schéma, on dira que le rond se trouve
caricaturé par le très célèbre Bibendum publicitaire, constitué par une pile de
pneus ; l'ondulé se trouve schématisé par la même silhouette, mais en
substituant aux pneus des chapelets de saucisses.
La majorité des ondulés se trouvent chez les respiratoires. À
l'inverse de ce qui se passe chez les ronds et les cubiques, c'est le petit
ondulé qui est inférieur au grand. Avec l'âge, l'ondulé maigrit et se dessèche,
d'où une grande réceptivité aux infections.
Le plat.
— Le plat constitue le dernier terme de la
classification. Comme pour les ronds, on peut distinguer les plats uniformes et
les plats sinusoïdaux. En général, ce sont des respiratoires, et leur activité
sera moyenne en tout, au physique comme au moral. Ils représentent l'ensemble
des grands médiocres qui surabondent. C'est le domaine de la femme « planche
à repasser » ou de l'homme « poteau télégraphique ».
Paradoxalement, ces êtres ont tout en excès : fragilité
de santé, exaltation, surexcitation, nervosisme, etc. ... Le type digestif
y est fort rare, et même simplement le nutritif, car ils sont prédisposés à la
tuberculose, à la cachexie et à l'asthme. Quant au cérébral, il y devient un
déséquilibré, illuminé, névrosé, avec tendance très marquée aux diverses formes
de folies.
Conclusion.
— Un aussi bref exposé de ces données ne permet pas
d'en présenter tous les caractères et conséquences.
Il faut du reste une certaine pratique de ces observations
pour établir une analyse corporelle pouvant aboutir à formuler les indices d'un
tempérament.
Il n'y a encore que des types rarement purs. Et c'est ce qui
complique le problème. Le plus souvent, les hommes correspondent à des types
atténués. Mais ils sont rarement mitigés à moins qu'il ne s'agisse de cas
pathologiques ou de tares physiques et physiologiques.
Professeur A. DE GORSSE et Janine CACCIAGUERRA,
De l’école d’anthropobiologie.
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