En principe, le droit de chasse, qu'il découle de la loi ou
d'une convention, est divisible, car les territoires sur lesquels un tel droit
peut reposer sont eux-mêmes divisibles par nature. Ainsi le propriétaire d'un
domaine, qui jouit personnellement d'un droit de chasse portant sur toute
l'étendue du domaine, peut diviser ce droit en louant la chasse sur une partie
de la propriété et en se réservant le droit de chasse sur le surplus ou en en
disposant en faveur d'un autre locataire.
Dans le cas où le propriétaire a loué la chasse sur tout le
domaine, il ne peut certainement pas, pendant le cours du bail, revendiquer le
droit de chasser sur une partie du domaine, mais ce n'est pas la conséquence de
ce que le droit de chasse serait indivisible, c'est l'effet du contrat qu'il a
passé et par lequel il est lié jusqu'à la fin du bail. Mais, une fois le bail
expiré, rien n'empêcherait le propriétaire de reprendre pour lui le droit de
chasse sur une partie du domaine et de laisser la location se maintenir sur le surplus.
Si, dans cette hypothèse, le locataire estime ne pouvoir accepter le
retranchement que le propriétaire veut lui imposer, il peut seulement renoncer
au bail en ce qui concerne le surplus de la propriété ; il ne pourrait
évidemment contester au propriétaire le droit de refuser un renouvellement
partiel, sous prétexte d'indivisibilité du droit de chasse. Le propriétaire,
délié de toute obligation par l'effet de l'expiration du bail, libre par
conséquent de refuser tout renouvellement de bail, peut incontestablement
refuser le renouvellement pour une partie seulement de sa propriété, sauf le
droit pour le locataire de renoncer à continuer le bail pour le surplus. Si le
locataire continue à chasser, c'est qu'il accepte de supporter le
retranchement.
Lorsque le propriétaire, après avoir loué la chasse sur
toute la propriété, en vend une partie à un tiers, il n'en résulte, tant que
dure le bail, aucune modification en ce qui touche les droits du locataire de
la chasse ; ici s'applique la disposition de l'article 1743 du Code civil
aux termes duquel, si le propriétaire vend la chose louée, l'acquéreur ne peut
expulser le fermier, le colon partiaire ou le locataire qui a un bail
authentique ou dont la date est certaine. Mais, une fois le bail expiré, rien
n'empêche l'acquéreur de la parcelle de refuser le renouvellement en ce qui
touche la parcelle, même si le bailleur accepte de renouveler le bail de chasse
sur la partie de la propriété qu'il a conservée. En ce cas encore, il
appartient au locataire de la chasse d'apprécier s'il a intérêt à conserver le
droit de chasse sur le surplus du domaine non vendu. S'il estime que le
retranchement qu'il doit subir rend sans intérêt le droit de chasse sur le
surplus, il n'a d'autre ressource que de ne pas continuer le bail de chasse
pour la partie du domaine non vendue. S'il continue à y chasser, c'est qu'il
accepte le renouvellement en ce qui concerne la partie non vendue de la
propriété. Mais il n'a ni le droit de contester la validité de la vente, ni le
droit d'exiger de l'acquéreur le maintien à son profit du droit de chasse sur
la parcelle qu'il a acquise.
La solution serait la même dans le cas où, le bail de chasse
ayant été passé pour trois, six ou neuf ans à la volonté respective des
parties, l'acquéreur de la parcelle notifiait en temps voulu, avant
l'expiration de la première ou de la seconde période du bail, sa volonté de
mettre fin au bail, en ce qui concerne la parcelle dont il est devenu
propriétaire, à la fin de la période du bail en cours, alors même que le bailleur
originaire aurait consenti à laisser le bail suivre son cours. La décision
prise à cet égard par le bailleur originaire ne saurait avoir pour effet de
porter atteinte au droit de propriété qu'il a conféré à l'acquéreur en lui
vendant la parcelle, ni de priver celui-ci du droit de refuser le
renouvellement du bail. Il résulte, au surplus, d'un arrêt de la Cour de
cassation du 10 mai 1884 (Rec. Sirey, 1886. 1. 186) que si l'acquéreur ne
peut, au cours du bail de chasse consenti par le vendeur, résilier ce bail, il
peut le faire lors de l'expiration d'une des périodes du bail, si le bailleur
originaire en avait le droit.
Il en serait encore ainsi dans le cas même où, dans
l'intention des parties, lors de la passation du bail de chasse, le droit de
chasse aurait dû être considéré comme indivisible, par exemple si le bailleur
s'était interdit de vendre en cours de bail une partie de la propriété grevée
du droit de chasse. Une telle stipulation ne lie que le bailleur et n'est pas
opposable à l'acquéreur de la parcelle qui n'a pas été partie au bail s'il ne
lui en a pas été donné connaissance. La violation de cette interdiction par le
bailleur permettrait seulement au locataire de la chasse de réclamer des dommages-intérêts
au bailleur et éventuellement de faire résilier le bail de chasse. C'est
seulement dans le cas où, lors de la vente de la parcelle, le bailleur aurait
fait insérer dans l'acte une stipulation obligeant l'acquéreur à ne porter
aucune atteinte au droit de chasse du locataire de la chasse avant l'expiration
des neuf années, que ce dernier serait en droit de contester la validité du
congé que l'acquéreur de la parcelle lui donnerait avant la fin du bail. Dans
ce cas, et dans ce cas seulement, il serait possible de considérer le droit de
chasse comme indivisible jusqu'à l'expiration du bail.
Paul COLIN,
Docteur en droit, Avocat honoraire à la Cour d'appel de Paris.
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