En admettant que l'emplacement de la réserve ait été choisi
avec discernement, et que cet emplacement soit propice à retenir les espèces de
gibier qu'on se dispose à y introduire, quelles sont les conditions à remplir
pour que le gibier puisse prospérer à souhait ?
En général, dans ces réserves, on trouve le gibier qui y vit
en temps normal augmenté de celui qu'on se dispose à y lâcher. Or, avant
d'effectuer un lâcher quelconque, le premier travail à faire est de purger
littéralement ce territoire des nuisibles qu'il peut contenir et, par la suite,
de tous ceux qui pourraient y venir. C'est donc de ce côté un travail suivi à
mener sérieusement. Parallèlement à cette destruction des nuisibles, il faut,
par tous les moyens, maintenir la tranquillité du gibier et éviter sa
destruction par le braconnage, d'où une surveillance attentive et journalière.
Mais avant d'effectuer les lâchers, qui se font, selon les
espèces, soit en fin de chasse, soit en mars, il est bon de prendre certaines
précautions destinées à favoriser la fixation du gibier sur la réserve. En un
mot à lui offrir un terrain qui lui enlève toute idée d'en chercher un autre
ailleurs.
Au point de vue protection contre les nuisibles, la création
de sentiers à fauves dans les petits bois de plaine sera presque indispensable.
De tels sentiers canaliseront les petits fauves vers les boîtes ou les
dispositifs de piégeage montés en vue de leur capture. En plaine, la création
et l'entretien de charniers jouent le même rôle. Si des terriers existent dans,
ou autour, de la réserve et qu'ils recèlent des nuisibles, l'emploi des gaz
sera tout indiqué.
Mais, à côté des nuisibles, il y a la protection du gibier
contre les conditions anormales d'existence. Chaque espèce a ses besoins. On ne
lâche pas des garennes dans un bois où ils ne trouvent aucun abri, pas plus
qu'on ne lâche des faisans au milieu de la plaine. Les lâchers de gibier sont
soumis à des règles rigoureuses. Ceux qui les méconnaissent en font vite la
désastreuse expérience sous forme d'une somme importante gaspillée pour voir
disparaître le gibier acquis si chèrement.
Pour les garennes, il importe, avant le lâcher, de s'assurer
qu'ils ont des terriers à leur disposition. Si ces terriers sont inexistants,
il faut en créer en les espaçant pour éviter toute concentration. S'il ne peut
être question de creuser ces galeries par suite d'un sol rocheux, rien
n'empêche qu'on monte des fagotières dont on aménage la base en galeries. Les
lapins y trouveront tout de suite un abri, qu'ils auront vite fait d'aménager à
leur convenance. Un apport de nourriture les premiers jours facilitera leur
fixation sur place.
Pour les faisans, avant de les lâcher dans le terrain choisi
minutieusement comme susceptible de leur convenir, il faut absolument avoir
préparé un sentier d'agrainage, des abreuvoirs et des abris à nourriture. Cet
ensemble servira aussi bien en hiver neigeux qu'en été torride et évitera
peut-être une émigration des oiseaux vers des lieux plus propices.
Pour les perdrix lâchées fin février-mars, il ne faut pas
oublier qu'à cette époque de l'année les couverts sont pratiquement nuls, en
dehors des haies, et que les ressources alimentaires sont encore maigres. Des
abris faits de claies inclinées, ou en forme de huttes en bottes de paille, en
sauveront beaucoup des rapaces ; quelques agrainages permettent d'aider à
leur subsistance. Ces mêmes abris, par hiver neigeux, leur serviront également
beaucoup.
Dans les grandes plaines, enfin, quelques abris à
nourriture, bien placés, ne seront pas dédaignés des lièvres. Une claie
solidement fixée, et orientée pour protéger du vent de neige, permettra de
garantir la nourriture, qu'on posera sur un lit de paille pour l'isoler du sol
(betteraves, topinambours, avoine, etc. ...) ou qu'on piquera au sommet de
petits piquets. Une botte d'avoine enfilée sur un piquet, épis en bas, à 10
centimètres du sol, jouera le même rôle.
Ce sont là des aménagements faciles à exécuter avant
les lâchers et qui aideront considérablement par la suite. Quant aux règles à
observer pour les lâchers, mon collègue et ami M. Dannin les a données
assez minutieusement pour qu'il soit inutile d'y revenir.
A. CHAIGNEAU.
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