Nous sommes assez souvent consulté sur la façon de
multiplier le lapin de garenne, car, si ce gibier est parfois la cause de
grosses indemnités par les dégâts qu'il cause à certaines cultures, il n'existe
plus, par endroits, qu'à l'état de souvenir.
Il y aurait beaucoup de choses à dire sur cette
multiplication du lapin en certaines régions, alors qu'en d'autres on ne peut
que constater sa disparition.
Contentons-nous pour le moment de rappeler le proverbe :
La vertu se tient dans un juste milieu, c'est-à-dire qu'il en faut dans les
chasses, mais ni trop ni trop peu, et entrons dans le vif de notre sujet, qui
ne s'adresse qu'à ceux qui n'en ayant plus voudraient en revoir un certain
nombre dans leurs chasses.
Rappelons tout d'abord qu'en vertu de la loi du 3 mai
1844 (article 9) les préfets des départements, sur l'avis des Conseils
généraux, prendront des arrêtés pour déterminer
... 3° Les espèces d'animaux malfaisants ou nuisibles que
le propriétaire, possesseur ou fermier pourra en tous temps détruire sur ses
terres, et les conditions de l'exercice de ce droit, sans préjudice du droit
appartenant au propriétaire ou fermier de repousser ou détruire, même avec des
armes à feu, les bêtes fauves qui porteraient dommages à ses propriétés.
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C'est donc à l'arrêté préfectoral permanent sur la police de
la chasse qu'il faut se reporter pour savoir si le lapin est ou non déclaré
animal nuisible dans le département où l'on chasse.
Au cas où il ne le serait pas, ce n'est donc qu'un gibier
que l'on ne peut tirer que jusqu'à la fermeture générale de la chasse, mais,
s'il est déclaré animal nuisible, l'on obtient assez facilement, de la
préfecture, de le détruire au fusil jusqu'à fin mars.
Pour multiplier les lapins de garenne, il y a deux façons de
procéder : soit en lâchant aux bois des reproducteurs, soit en organisant
une garenne fermée.
Toutefois il y a lieu de se souvenir qu'en vertu de
l'article 4 de la loi du 3 mai 1844 (§5) il est interdit, même en
temps d'ouverture de la chasse, de transporter du gibier vivant sans permis de
transport délivré par le Directeur général des Eaux et Forêts, ou par le
Conservateur des Eaux et Forêts du lieu d'origine du gibier, ou par leurs
délégués.
Il faut donc ce permis de transport pour les garennes, mais
pour eux l'on exige en outre un certificat du maire du lieu de destination,
affirmant que ces animaux ne sont pas en nombre anormal et qu'on peut en lâcher
sur la commune (ou encore que les lapins sont destinés à un parc clos attenant
à une habitation et qu'il n'y a pas d'inconvénient à y faire du repeuplement).
Lâchers des reproducteurs aux bois.
— L'opération ne présente aucune difficulté. On en fera
le lâcher dans la matinée au milieu de quelques buissons.
Pour les retenir sur le terrain, il est utile de les
alimenter pendant quelques jours en leur donnant betteraves, carottes, choux,
topinambours, rutabaga, etc.
Se rappeler qu'il vaut mieux les alimenter un peu chaque jour
pendant une huitaine, par exemple, que de mettre en une seule fois ce qu'on
pourrait leur donner pendant toute une semaine.
Terriers artificiels.
— Que l'on fasse du lâcher dans un bois ou que l'on
construise une garenne fermée comme nous le verrons plus loin, s'il n'y a pas
déjà de terriers sur le terrain il faut en créer dans les conditions suivantes :
On recherchera d'abord l'emplacement favorable. Il faut les
faire en bons terrains pour que les lapins puissent facilement fouiller, et
l'on veillera à ce qu'ils ne soient pas à mauvais vent.
Creuser d'abord un trou de 1 mètre de longueur par 80
centimètres de largeur et 70 centimètres de profondeur. Mettre par-dessus des
fagots, soit quatre lignes de deux fagots bouts à bouts, espacées de 25
centimètres les unes des autres. Par dessus, mettre une rangée de fagots dans
l'autre sens, mais serrés les uns contre les autres. Enfin mettre une troisième
rangée de fagots dans le même sens que ceux du bas, mais seulement au nombre de
quatre fagots placés au milieu les uns contre les autres.
On recouvre le tout de terre pour former un monticule, mais
on laisse dans le bas une entrée débouchée de chaque côté, mais pas en face
l'une de l'autre.
Sur le dessus, on met un mélange de terre grasse avec un peu
de plâtre pour que l'eau ne puisse y pénétrer.
Il est souvent utile de faire tout autour un fossé
d'écoulement des eaux, dans le sens de la pente du terrain.
Suivant le nombre de lapins dont on veut peupler la garenne,
on fera un ou plusieurs terriers.
Garenne fermée.
Constitution de la clôture.
— On se procurera comme matériaux :
1° du grillage galvanisé à triple torsion de 1m,60
de largeur à mailles de 37 millimètres et en fil n°8 (ce grillage se vend par
rouleaux de 50 mètres) ;
2° du fil de fer galvanisé n°16 pour supporter le grillage ;
3° du fil de fer galvanisé n°6 pour relier le grillage aux
fils de fer de la clôture ;
4° des clous cavaliers n°16 pour maintenir le fil de fer sur
les pieux ;
5° des raidisseurs (1 tous les 50 mètres) pour tendre les
fils de fer ;
6° des pieux pointus à un bout qui auront 1m,40
de longueur et seront d'un diamètre de 10 à 12 centimètres ;
7° sur chaque piquet sera cloué un rondin de 3 à 4
centimètres de diamètre et de 40 centimètres de longueur pour maintenir le
bavolet. On a auparavant mis un clou à chaque bout du rondin et dépassant de 2
centimètres.
Pose de la clôture.
— Il faut d'abord, là où passera la clôture, faire dans
le sol une tranchée de 20 centimètres de profondeur par 20 centimètres de
largeur. On enfonce les pieux (un tous les 2 mètres) de 40 centimètres en terre
à l'extérieur de la tranchée.
Placer les fils de support du grillage le premier à 5
centimètres du sol, le deuxième à 45 centimètres au-dessus, et le troisième à
cheval sur les pieux. Les cavaliers qui maintiendront les fils ne devront pas
être cloués à fond, afin de permettre aux raidisseurs de tendre convenablement
les fils.
On déroule alors le grillage à l'intérieur. La base mise
dans la tranchée est repliée de 20 centimètres horizontalement au sol de telle
façon que le grillage dépasse les pieux de 20 centimètres.
Reboucher la tranchée et tasser la terre. Rattacher de place
en place le grillage aux fils de fer courant sur les pieux. Poser alors le
petit rondin à travers la maille du grillage et le clouer à cheval sur les
pieux. Rabattre vers l'intérieur le grillage et accrocher sa lisière au clou
dépassant. Un fil n°6 partant de ce clou passera au point de jonction du 2e fil
et du pieu, puis sera rattaché à l'extérieur au 2e clou du
petit rondin.
On le tend pour qu'il maintienne ainsi la position
horizontale du bavolet.
Porte et échelle de passage.
— Une porte charretière est nécessaire dans une garenne,
mais il faut la faire de telle façon que les lapins ne puissent s'échapper.
On creusera un fossé dans la ligne du grillage et on y
couchera un arbre, équarri à la hauteur du sol. La porte en position de
fermeture arrivera à 2 ou 3 centimètres au-dessus de l'arbre. Au long de cet
arbre, et à l'intérieur, on continuera la tranchée du bas de la clôture et l'on
y placera un grillage comme au long des clôtures. Cette porte se fermera par
cadenas à clef.
Si l'on veut entrer ou sortir de la garenne ailleurs que par
la porte charretière, on placera des échelles de passage. Elles sont
constituées tout simplement par 3 piquets et un rondin. Le premier piquet aura
2m,50, et on l'enfoncera de 50 centimètres contre un piquet de la
clôture auquel on le reliera par deux fils de fer. Il sert à se tenir quand on
enjambera le grillage. Le deuxième et le troisième piquet de 1m,10
sont enfoncés de 60 centimètres dans le sol, un de chaque côté à 40 centimètres
du grillage. On place à cheval sur le haut de ces deux pieux un rondin de 80
centimètres, traversant le grillage et cloué à chaque bout sur un des pieux.
Alimentation.
— Il y a deux façons d'alimenter les lapins : soit
par des cultures sur pied, soit par des distributions de nourriture.
Culture sur pied.
— On peut cultiver les plantes suivantes : avoine,
seigle, orge, choux, navets, carottes, topinambours, chicorée amère, consoude,
pimprenelle, betteraves, genêts nains, ronces. On peut créer une luzernière,
qui produira pendant plus de dix années. On peut aussi semer du trèfle violet.
Les lapins gâchant beaucoup la nourriture, il est bon de ne
la leur donner qu'au fur et à mesure de leurs besoins. Pour cela, organiser les
cultures de la façon suivante :
On divise les terres à cultiver en surfaces engrillagées par
exemple de 20 mètres de largeur sur 100 mètres ou 200 mètres ou plus de
longueur.
Les grillages seront fixés définitivement sur trois côtés,
mais sur le quatrième, qui sera un des petits côtés, la clôture sera mobile. De
la sorte, on pourra laisser les cultures enfermées jusqu'à ce qu'elles soient
assez poussées. Ensuite on déplacera la clôture mobile en la repoussant vers
l'intérieur sur une bande de 10 mètres de profondeur par exemple, et l'on
réglera de cette façon la quantité de nourriture à mettre à la fois à la
disposition des lapins.
Nourriture à distribuer.
— Comme en certaines périodes de l'année la nourriture
sur pied fait défaut, ou encore la reproduction est fort importante dans la
garenne, il y a lieu de procéder à des distributions d'aliments.
On pourra donner du foin et tous fourrages secs, mais
surtout sans poussière. Comme racines, des betteraves, carottes ou navets. Les
choux, les topinambours et l'avoine sont aussi excellentes nourritures pour les
lapins.
Afin que la nourriture ne s'abîme pas, il ne faut pas la
jeter sur le sol, mais il est bon de la mettre dans des mangeoires-abris.
C'est le plus souvent un appareil ayant un mètre de longueur
et à double face. D'un côté se trouve un râtelier où l'on met du foin, bien
enfermé de façon que les lapins ne puissent le saisir qu'entre les barreaux. De
l'autre côté est un réservoir à racines coupées, mélangées d'un peu de son et
qui descendent dans le plateau du bas au fur et à mesure de la consommation.
C'est en somme le même principe que l'abreuvoir formé d'une bouteille
renversée, dont le goulot vient dans une assiette creuse à deux centimètres du
fond. Le toit débordant et à charnières se soulève des deux côtés pour y
introduire la nourriture. Les côtés de cette mangeoire sont bien fermés, afin
que les lapins ne puissent s'alimenter que par le bas. La toiture sera étanche
et débordante pour que la nourriture soit bien abritée de la pluie.
René DANNIN,
Expert en agriculture (chasse, gibier) près les Tribunaux.
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