On taille les arbres fruitiers pour deux raisons principales :
1° Pour leur donner une forme utilisant au mieux
l'emplacement qu'ils doivent occuper.
2° Pour en accroître, et surtout pour en régulariser la
fructification.
D'où deux sortes de tailles parfaitement distinctes :
1° La taille de formation, qui a pour but de donner
la forme à l'arbre.
2° La taille de fructification.
Les principes qui guident l'arboriculteur sont tout à fait
différents pour ces deux sortes de taille.
La taille de formation varie selon la forme que l'on désire
obtenir. Elle n'est pas sensiblement différente pour deux arbres d'essences
quelconques, lorsqu'on se propose de soumettre ceux-ci à une même forme.
Au contraire, la taille de fructification est basée
essentiellement sur le mode de fructification de l'essence fruitière
considérée. Elle n'est pas la même pour un poirier que pour un pêcher ou pour
une vigne par exemple, le mode de fructification de ces diverses essences
n'étant pas non plus du tout le même.
Elle diffère encore quelque peu selon la variété, plus ou
moins vigoureuse, plus ou moins apte à fructifier.
Mais elle reste la même pour une variété déterminée, même si
cette variété est soumise à des formes différentes.
Pour bien faire la distinction qui s'impose entre les deux
sortes de taille, il convient de se rappeler que tout arbre fruitier, quelles
qu'en soient la forme et les dimensions, se compose de trois sortes d'organes
ayant des fonctions bien définies :
1° Les racines, dont le rôle est de puiser, dans le
sol, l'eau et les solutions de sels qui constituent la sève minérale.
2° Le tronc principal et les branches de charpente
qui doivent simplement conduire cette sève dans toutes les parties de l'arbre
et qui, en outre, supportent les organes fructifères.
3° Les ramifications fruitières, ou coursonnes,
qui transforment la sève minérale en sève organique, ou sève élaborée, et
l'utilisent pour en faire soit des pousses nouvelles, soit des fruits.
La taille de formation.
— C'est celle que l'on pratique dans les années qui
suivent immédiatement la plantation d'un jeune arbre. Les principes en varient,
dans des limites fort étendues, selon qu'il s'agit de donner à celui-ci telle
ou telle forme.
Ainsi, lorsqu'il s'agit de former des arbres pour le verger,
la taille de formation reste rudimentaire. Elle vise seulement à obtenir plus
vite le nombre de branches nécessaire pour avoir une tête suffisamment fournie
et à bien répartir celles-ci au pourtour. L'intervention du cultivateur n'a ici
d'autre but que d'aider la nature et de la guider.
Le traitement des espèces fruitières qui se conduisent en touffes
ou buissons est également fort simple. On provoque la ramification des
branches initiales, puis, lorsqu'on a assez de branches, on se contente de
supprimer le bois mort et d'équilibrer les diverses parties de la touffe. On
opère ainsi pour le noisetier, le figuier, le groseillier, le cassissier.
Mais il n'en est plus de même lorsqu'il s'agit d'établir des
formes artificielles. Là, il faut, le plus souvent, imposer à l'arbre une
véritable contrainte, et le résultat ne peut pas toujours être obtenu avec la
même facilité. Cependant, si l'on veut bien tenir compte de quelques règles
fondamentales, la formation deviendra beaucoup plus facile à réaliser.
Il faut, tout d'abord, se souvenir que la sève a tendance à
se porter vers les extrémités des branches, surtout si celles-ci sont
verticales, et à faire développer, en pousses vigoureuses, les yeux placés à
proximité de ces extrémités. Elle n'a qu'une action faible, même parfois nulle,
sur les yeux placés plus bas, lesquels ne donnent souvent naissance à aucune
pousse. Justement, dans la taille de formation, on cherche à réagir le plus
possible contre cette tendance et à faire développer des ramifications sur
toute la longueur de la partie de branche conservée.
Pour l'établissement de là plupart des formes taillées, le
point de départ est le scion, ou greffe d'un an, acheté en
pépinière. Il représente l’axe, ou tronc, de la forme à établir (fig. 1).
La première taille appliquée au scion a pour but d'obtenir
un certain nombre de branches de charpente et une pousse, ou flèche,
prolongeant l'axe. Dans une palmette, par exemple, la première taille permet
d'obtenir deux branches de charpente et une flèche, mais, s'il s'agissait
d'établir un fuseau au lieu d'une palmette, on chercherait à avoir cinq à six
branches, plus une flèche (fig. 2).
La taille de l'année suivante visera à l'obtention de
plusieurs nouvelles branches de charpente, deux pour une palmette, et d'une
nouvelle flèche. D'autre part, par une taille appropriée, on cherchera à avoir,
sur chacune des branches de charpente âgées d'un an, un certain nombre de
ramifications fruitières et une pousse terminale vigoureuse, ou prolongement
(fig. 3).
Chaque année, en hiver, une nouvelle taille sera appliquée.
C'est en taillant la flèche que, successivement, on obtiendra toutes les
branches de charpente, et c'est en taillant le prolongement de chacune des
branches qu'on arrivera à garnir celles-ci, sans interruption, de ramifications
fruitières.
Ces ramifications obtenues, il restera à leur appliquer la taille
de fructification, qui différera selon l'essence fruitière considérée.
Manière d'équilibrer deux branches d'inégale vigueur.
— Il arrive fort souvent que les branches de charpente
obtenues à la suite d'une taille annuelle ne soient pas de même force. Or il
est désirable, pour la bonne conservation de la forme, que les branches
insérées à la même hauteur, ou à une hauteur voisine, sur le tronc de l'arbre
aient un diamètre sensiblement égal. À un diamètre donné correspond, en effet,
un certain nombre de vaisseaux ligneux et une alimentation en sève brute
proportionnelle à ce nombre.
Lorsqu'il y a inégalité, il est utile de chercher, le plus
tôt possible, à rétablir l'équilibre. Plusieurs moyens sont à la disposition de
l'arboriculteur pour y parvenir. Il peut les employer soit séparément, soit
simultanément, suivant que la différence à compenser est faible ou qu'au
contraire elle est considérable.
Lorsqu'elle est faible, on peut se contenter de tailler
court la plus forte branche et long la plus chétive.
Lorsque la différence est plus grande, on peut, en plus de
ce moyen, en mettre en œuvre un second. Il consiste à chercher à rapprocher de
la direction horizontale la branche forte, en se servant à cet effet d'un
arc-boutant, et de la direction verticale la branche faible, en la tirant dans
la position voulue avec un brin d'osier par exemple.
Enfin, lorsque la différence est considérable, on peut user
d'un troisième procédé. Il consiste à faire une entaille au-dessous de la
branche forte, à son point d'insertion sur le tronc de l'arbre, et,
inversement, à en faire une autre au-dessus de la branche trop faible. Ces deux
entailles, pénétrant assez profondément pour sectionner un certain nombre de
vaisseaux conducteurs de sève brute, agiront, la première pour diminuer
l'alimentation de la branche vigoureuse, la seconde pour augmenter celle de la
branche chétive. Leur action complétera celle des procédés précédents.
Ce dernier moyen, très énergique, ne peut malheureusement
pas être employé pour toutes les essences fruitières. Sans inconvénient pour le
poirier, il ne doit, en effet, être utilisé qu'avec prudence pour le pommier,
très sujet au chancre. Il n'est pas applicable au pêcher, sur lequel il
déterminerait fréquemment la gomme.
Longueur à conserver aux prolongements, lors de la
taille.
— Nous avons vu précédemment qu'en taillant
annuellement le prolongement d'une branche de charpente on se proposait
d'obtenir des ramifications fruitières sur toute la partie conservée.
Suivant la direction de la branche de charpente, il est
possible de conserver une partie plus ou moins longue du prolongement, l'action
de la sève se faisant sentir, sur celui-ci, à une distance plus ou moins considérable
du point que la taille à rendu terminal.
On admet, dans la pratique courante, que l'on peut
conserver, lors de la taille, le tiers d'un prolongement de direction
verticale, la moitié d'un prolongement de direction oblique, et les deux tiers
d'un prolongement de direction horizontale (fig. 4).
Ces données varient d'ailleurs, dans l'application, dans
d'assez larges limites, avec l'essence fruitière et aussi avec la variété, plus
ou moins disposée à se garnir de ramifications fruitières. C'est surtout par
l'observation continue et patiente des résultats obtenus que l'on arrivera à
fixer la longueur à conserver aux prolongements des branches de charpente des
différentes variétés que l'on cultive.
E. DELPLACE.
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