Les superficies consacrées à la culture de l'avoine depuis
une quinzaine d'années ont diminué dans des proportions importantes :
2.500.000 hectares environ actuellement, contre 3.300.000 auparavant. Cela est
dû, évidemment, pour une large part, au développement de la motorisation, avec
sa conséquence normale : la diminution du nombre des chevaux, gros
consommateurs d'avoine. C'est également la conséquence d'une tendance générale
à réduire la part des céréales, à quelques exceptions près — maïs, orge et
riz, en raison du caractère particulier de ces productions — exceptions
qui n'affectent pas la règle ci-dessus, deux au moins de ces céréales ne
couvrant de toute façon que des surfaces minimes.
Aliment bien équilibré, l'avoine est nettement plus riche en
lipides que la plupart des autres grains, et en particulier que le blé, le
seigle ou l'orge. On aurait donc pu penser que son usage se développerait pour
l'alimentation d'autres animaux dans la mesure même où il diminuerait du point
de vue chevalin. Cette équivalence ne s'est pas produite, et pourtant l'avoine
convient aux bovins, et particulièrement aux jeunes et aux vaches laitières,
aux porcs, qui l'assimilent parfaitement, et aux volailles, qui en font une
grosse consommation. On peut même la donner aux humains, mais, contrairement à
ce qui se passe dans divers pays étrangers, il ne semble pas que la
consommation des préparations à base d'avoine ait connu en France un gros
succès. Les raisons de cette indifférence à l'égard de cet aliment de qualité
doivent sans doute être recherchées dans l'usage généralisé du pain de froment,
mais aussi dans la faveur croissante de la viande de boucherie, qui a depuis
longtemps cessé d'être réservée aux fêtes carillonnées et qui paraît souvent
deux fois par jour sur la table familiale.
D'une façon générale, les rendements de l'avoine sont
inférieurs à ceux du blé et même, dans de nombreux départements, la production
est extrêmement basse, ne dépassant pas cinq ou six quintaux à l'hectare. Si on
en déduit la semence, on se rend compte de l'insignifiance de cette production
et, même si les frais ont été réduits au minimum, le profit à espérer d'une
telle culture apparaît négligeable, ou peu s'en faut.
Cette céréale est cependant capable de donner de bons
rendements, et elle le montre bien dans les régions où la culture en est bien
faite ; elle produit alors quarante quintaux à l'hectare, et davantage.
Son malheur est d'être considérée comme une plante rustique et peu exigeante,
ce qui est d'ailleurs vrai. Elle est capable de végéter dans de très mauvaises
conditions, là où le blé, par exemple, ne produirait rien, mais il est bien
évident qu'elle ne donne pas partout les mêmes rendements.
Une récolte d'avoine de 30 quintaux ne prélève dans le sol
que 70 kilos d'azote, 25 kilos d'acide phosphorique et 75 kilos de potasse, ce
qui est peu par rapport aux autres céréales, mais encore faut-il qu'elle les
ait à sa disposition. Notons d'ailleurs que ces éléments ne sont pas
interchangeables et que 10 kilos d'acide phosphorique en moins ne se compensent
pas par 20 kilos d'azote en plus. La récolte est basée sur l'élément déficient
et non sur ceux qui sont excédentaires.
Il est rare que l'avoine reçoive la fumure au fumier de
ferme, et généralement elle se contente des résidus que lui laissent les
récoltes antérieures. C'est évidemment insuffisant, et ce résidu se ramène à
peu de chose, notamment en acide phosphorique et en potasse. Il est nécessaire
de faire un apport d'engrais minéraux, et quelques centaines de kilos de
superphosphates, de chlorure de potassium, d'ammonitrates, ou engrais
équivalents, ne risqueront pas d'être perdus, sous réserve toutefois que le sol
soit travaillé convenablement.
Ceci n'est pas moins important que la fertilisation. Venant
souvent en deuxième céréale, donc en terres sales et épuisées, l'avoine a
besoin de trouver un sol nettoyé, ameubli et aéré. Elle ne saurait se contenter
d'un labour de printemps, pratique fréquente, mais il lui faut le déchaumage de
la céréale qui la précède, un fort labour à l'automne et un labour léger au
printemps. Cela est nécessaire pour nettoyer la terre de ses mauvaises herbes,
ennemies numéro 1 de l'avoine, assurer de bonnes conditions de végétation
et favoriser la constitution de réserves d'eau suffisantes. L'avoine demande
beaucoup d'eau : en années sèches, elle pousse quand même, mais elle reste
courte et ne produit pas grand'chose. On ne peut rien contre le temps, mais les
terres bien travaillées gardent plus d'humidité que les autres.
Un autre point trop négligé est celui des semences. On a
fait de ce côté d'énormes progrès, et l'agriculteur dispose maintenant de
variétés nombreuses et prolifiques. Il ne doit plus se contenter de semer des
graines mal triées et d'origine douteuse. Pas de bons rendements avec des
semences médiocres.
En terres médiocres, on peut semer : Grise d'hiver,
Grise de Houdan, variétés anciennes bien connues, mais améliorées par une
sélection méthodique, Von Lockov, avoine jaune de précocité moyenne, Ligowo
III, avoine blanche, rustique, qui donne d'assez bons résultats, ainsi que
Mansholt III, blanche également. Primus, qui convient aux terrains légers ;
elle est blanche et son grain est de bonne qualité, Montferrandaise, avoine
jaune qui semble particulièrement intéressante, Noire précoce de Noisy, dont le
grain est de bonne qualité.
En terres moyennes, on peut semer : Noire de Brie,
Blanche de Bersée, Pluie d'Or II, Grignonnaise ou Victoire ; cette
dernière est une avoine blanche de précocité moyenne, intéressante pour sa
productivité.
D'autres variétés, dont les rendements font impression, sont
à réserver aux terres riches, en raison de leurs exigences. Parmi elles, on
peut citer : Jaune des Flandres, Soleil II, Aigle, Avoine de Versailles,
etc.
Cette liste est bien loin d'être limitative, d'autant plus
que les sélectionneurs sortent régulièrement des variétés nouvelles. Il est de
l'intérêt de l'agriculteur de suivre attentivement leurs travaux. Les
rendements de l'avoine sont appelés à augmenter régulièrement, et c'est de
cette façon seulement que sa culture restera profitable. L'avoine ne saurait
disparaître de nos cultures, car elle a des propriétés précises. Elle se plaît
dans les terres à pH voisin de 7, mais plutôt au-dessous, à l'inverse du
blé, qui le demande un peu au-dessus, et loin de l'orge, qui le veut encore
plus élevé. Pendant longtemps encore, l'avoine jouera un rôle important dans
l'économie nationale, ce qui justifie les travaux entrepris pour en améliorer
la production.
Semences de choix, travail méthodique du sol, terres propres
et fumure abondante et bien équilibrée, tels sont les éléments qui
conditionnent les rendements. On peut engager les frais que comportent ces
soins, aucune plante ne les paiera mieux.
R. GRANDMOTTET,
Ingénieur apicole.
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