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Des murs à la limite des propriétés

L'existence de murs à la limite des propriétés soulève de nombreux problèmes, dont les principaux vont être passés rapidement en revue.

1° Avantages de la clôture.

— Les terrains, du fait qu'ils sont clôturés, échappent sous certaines conditions à diverses servitudes qui pourraient, sans cela, leur être imposées par les autorités administratives, ou même par les particuliers dans certains cas. C'est ainsi que ces terrains sont soustraits aux servitudes de passage, de drainage, d'évacuation d'eau, d'occupation temporaire, de vaine pâture, etc.

Ils bénéficient aussi d'un régime de faveur en matière de défrichement des bois, de réglementation des ruchers, d'installation de réseaux de distribution d'énergie électrique, etc.

Le propriétaire d'un terrain clos attenant à une habitation a le droit d'y chasser en tout temps, sans permis.

2° De la clôture obligatoire.

— Les clôtures peuvent aussi être établies non pas à cause des avantages qu'elles assurent, mais en raison du caractère obligatoire qui s'attache à leur établissement.

L'article 663 du Code civil dispose à ce sujet : « Chacun peut contraindre son voisin, dans les villes et faubourgs, à contribuer aux constructions et réparations de la clôture faisant séparation de leurs maisons, cours et jardins, assis ès dites villes et faubourgs ; la hauteur de la clôture sera fixée suivant les règlements particuliers ou les usages constants et reconnus ; et, à défaut d'usages et de règlements, tout mur de séparation entre voisins qui sera construit ou rétabli à l'avenir doit avoir au moins 3m,20 de hauteur, compris le chaperon dans les villes de 50.000 âmes et au-dessus, et 2m,60 dans les autres. »

3° Présomption de mitoyenneté des murs séparatifs.

— Le principe de la présomption de mitoyenneté du mur séparant deux héritages est énoncé par l'article 653 du Code civil, relatif aux murs, et par l'article 666, premier alinéa, concernant les clôtures en général.

L'article 653 dit que : « Dans les villes et les campagnes, tout mur servant de séparation entre bâtiments jusqu'à l'héberge ou entre cours et jardins, et même entre enclos dans les champs, est présumé mitoyen. »

L'article 666 ajoute : « Toute clôture qui sépare des héritages est réputée mitoyenne. »

4° Cas de non-mitoyenneté d'un mur séparatif.

— La présomption de mitoyenneté d'un mur séparatif disparaît, et le mur est considéré comme appartenant exclusivement à l'un ou l'autre des deux propriétaires riverains, lorsqu'il y a titre, prescription ou marque contraire à cette mitoyenneté, ou qu'un seul des héritages est en état de clôture. Les deux articles 653 et 666 précités énoncent tous deux cette même règle.

L'article 654 du Code civil donne des précisions à ce sujet :

« Il y a marque de non-mitoyenneté lorsque la sommité du mur est droite à plomb de son parement d'un côté et présente de l'autre un plan incliné ;

» Lors encore qu'il n'y a que d'un côté ou un chaperon, ou des filets et corbeaux de prévus qui y auraient été mis en bâtissant le mur ;

» Dans ces cas, le mur séparatif est censé appartenir exclusivement au propriétaire du côté duquel est l'égout ou les corbeaux et filets de pierre. »

L'un des riverains du mur séparatif peut encore en être reconnu propriétaire exclusif s'il produit un titre justificatif de cette qualité, c'est-à-dire un acte juridique tel que vente, donation, testament.

Enfin la propriété du mur peut être acquise au profit d'un seul des deux riverains de ce mur lorsque celui-ci « peut invoquer la prescription trentenaire, c'est-à-dire la possession pendant trente ans, celle-ci réunissant les qualités requises par l'article 2229 du Code civil : « Pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire. »

5° Acquisition de la mitoyenneté du mur séparatif.

— Tout propriétaire joignant un mur a la faculté de le rendre mitoyen :

Cette faculté peut s'exercer pour la totalité du mur ou pour partie seulement.

Il doit rembourser au propriétaire du mur la moitié de sa valeur ou la moitié de la valeur de la portion qu'il veut rendre mitoyenne, et moitié de la valeur du sol sur lequel le mur ou la partie de mur repose.

Pour que ce droit d'acquérir la mitoyenneté puisse s'exercer, il faut que le mur soit à la limite séparative des deux héritages, et non pas en retrait sur le fonds voisin.

Ce droit s'applique à toutes sortes de murs, mais il ne peut pas être invoqué pour les autres modes de clôture.

Pour apprécier la valeur du mur, il faut se placer non pas au jour de la construction, mais à la date de l'acquisition de la mitoyenneté en tenant compte de l'épaisseur du mur, de la nature des matériaux et de son état.

6° Appui de constructions sur le mur séparatif.

— Tout copropriétaire peut faire bâtir contre un mur mitoyen et y faire placer des poutres ou solives dans toute l'épaisseur du mur, à 54 millimètres près, sans préjudice du droit qu'a le voisin de faire réduire à l'ébauchoir la poutre jusqu'à la moitié du mur dans le cas où il voudrait lui-même asseoir des poutres dans le même lieu pour y adosser une cheminée.

Il importe de remarquer que ce droit de chaque copropriétaire peut s'exercer sans le consentement de l'autre.

L'article 674 du Code civil énumère un certain nombre d'ouvrages que le propriétaire ne peut appuyer sur le mur séparatif qu'en observant la réglementation et les usages locaux existants en cet objet.

7° Travail dans l'épaisseur du mur séparatif.

— Tout travail dans l'épaisseur d'un mur mitoyen doit être précédé d'un règlement amiable ou judiciaire.

L'article 662 dispose à ce sujet : « L'un des voisins ne peut pratiquer dans le corps d'un mur mitoyen aucun enfoncement ni y appliquer ou appuyer aucun ouvrage sans le consentement de l'autre, ou sans avoir, à son refus, fait régler, par experts, les moyens nécessaires pour que le nouvel ouvrage ne soit pas nuisible aux droits de l'autre. »

8° Ouvertures dans le mur séparatif.

— Si le mur séparatif est mitoyen, l'un des copropriétaires ne peut y pratiquer d'ouverture sans le consentement de l'autre.

Si le mur appartient seulement à l'un des riverains, ce dernier a seul le droit d'y pratiquer des jours ou fenêtres à fer maillé et à verre dormant.

Ces jours ou fenêtres doivent être garnis d'un treillis de fer à mailles d'un décimètre d'ouverture au plus, et d'un châssis à verre dormant. Ils ne peuvent être établis qu'à 2m,60 au-dessus du plancher ou sol de la chambre qu'on veut éclairer, si c'est à rez-de-chaussée, et à 1m,90 au-dessus du plancher pour les étages supérieurs.

9° Exhaussement du mur séparatif.

— Tout copropriétaire peut faire exhausser le mur mitoyen.

Il doit alors supporter seul la charge de l'exhaussement, les réparations d'entretien au-dessus de la clôture commune et, en outre, l'indemnité de la charge en raison de l'exhaussement, et suivant sa valeur.

Pour effectuer cet exhaussement, il n'a pas à obtenir le consentement de l'autre copropriétaire.

Bien entendu, si les travaux d'exhaussement occasionnent des dommages sur la propriété voisine, le copropriétaire auteur de l'exhaussement doit assumer la réparation de ce préjudice.

Si le mur mitoyen n'est pas en état de supporter l'exhaussement, celui qui veut l'exhausser doit le faire construire en entier à ses frais, et l'excédent d'épaisseur doit être pris de son côté.

Le voisin qui n'a pas contribué à l'exhaussement du mur peut en acquérir la mitoyenneté en payant la moitié de la dépense qu'il a coûtée et la moitié de la valeur du sol fourni pour l'excédent d'épaisseur s'il y en a.

10° Entretien et reconstruction du mur séparatif.

— La réparation et la reconstruction du mur séparatif sont à la charge de son propriétaire.

Par suite, si le mur séparatif n'appartient qu'à l'un des deux riverains, c'est à ce dernier qu'incombe la charge exclusive de la réparation et de la reconstruction.

Si, au contraire, le mur séparatif est mitoyen, la réparation et la reconstruction sont à la charge des riverains proportionnellement au droit de chacun.

11° Maintien des servitudes sur le mur reconstruit.

— Lorsqu'on a reconstruit un mur séparatif, les servitudes actives et passives dont faisait l'objet le mur primitif doivent être maintenues sans qu'elles puissent toutefois être aggravées.

Évidemment, ce maintien des servitudes ne peut avoir lieu que si la prescription n'a pas été acquise au profit du fonds servant, c'est-à-dire s'il ne s'est pas écoulé un délai de trente ans entre la démolition du mur et sa reconstruction.

12° Les plantations le long du mur séparatif.

— L'article 671 du Code civil dit que les arbres, arbustes et arbrisseaux de toute espèce peuvent être plantés en espaliers de chaque côté du mur séparatif, sans que l'on soit tenu d'observer aucune distance, mais ils ne pourront dépasser la crête du mur.

Si le mur n'est pas mitoyen, le propriétaire seul a le droit d'y appuyer des espaliers.

13° Abandon de la mitoyenneté du mur séparatif.

— Tout copropriétaire d'un mur mitoyen peut se dispenser de contribuer à la réparation et à la reconstruction du mur et abandonner ainsi son droit de mitoyenneté sur ledit mur.

Mais, pour qu'il puisse exercer ce droit d'abandon, il faut que le mur mitoyen ne soutienne pas un bâtiment qui lui appartienne.

Cet abandon porte à la fois sur le mur et sur le sol de la fondation.

L. CROUZATIER.

Le Chasseur Français N°661 Mars 1952 Page 173