Un de nos correspondants, faisant allusion à quelques lignes
de l'une de nos dernières causeries, nous écrit ce qui suit :
« ... Vous estimez qu'une charge moyenne de 30
grammes suffit au tir de nos principaux gibiers et nous savons, en effet, que
les calibres 12 et 16 se trouvent en majorité dans les mains des chasseurs, le
calibre 20 étant réservé aux tireurs les plus adroits. Ceci nous indique bien
que les chasseurs emploient une moyenne de 30 grammes de plomb dans leurs
cartouches, mais ne pensez-vous pas que dans nombre de circonstances on peut
obtenir d'excellents résultats en employant des munitions moins puissantes !
» Possesseur d'un calibre 24 à deux coups, de
fabrication déjà ancienne, j'ai réalisé et réalise encore à l'occasion de
belles moyennes dans le tir du lapin au bois, avec l'avantage de me servir de
munitions peu coûteuses et légères à transporter, ainsi que d'une arme très
agréable à manier. Un calibre supérieur ne ferait pas mieux. »
Sur l'ensemble, nous sommes d'accord ; toutefois nous gardons
la conviction qu'en terrain très fourré, couvert de ronciers ou d'épines, un
calibre 12 chargé de plomb plus gros viendra à bout d'un certain nombre de
pièces supplémentaires. Les opinions de notre correspondant concordent
d'ailleurs avec celles d'autres chasseurs qui ont attiré notre attention sur la
puissance relative des petits calibres.
On range ordinairement dans cette catégorie les calibres 24,
28, 14 millimètres et 12 millimètres et, enfin, les carabines 9 millimètres,
dites de jardin. Il y a un peu plus d'un demi-siècle, on fabriquait couramment
de petits fusils doubles, destinés aux dames et aux jeunes gens, de calibres 24
et 28. C'est certainement à l'une de ces armes que notre correspondant fait
allusion ; nous en avons eu entre les mains et nous gardons l'impression
que, pour un poids du même ordre, le calibre 24 était très supérieur au calibre
28, en raison de la différence des charges de plomb : 21 grammes pour le
24 contre 16 grammes pour le 28. On a cessé la fabrication de ces fusils doubles,
en raison de leur prix de revient et du peu de demandes dont ils étaient
l'objet ; le 28 a disparu le premier, par suite de ses possibilités
voisines du calibre 14 millimètres ; actuellement, on ne trouve plus guère
le calibre 24 que sous la forme d'excellents fusils à un coup, chambrés à 65
millimètres et qui donnent des groupements remarquables.
La charge du calibre 14 millimètres est de 15 grammes de
plomb, mais, avec la vitesse initiale de 330 mètres que lui communiquent les
charges de poudre ordinairement employées, elle se trouve sensiblement moins
puissante. Quant au calibre 12 millimètres, la longueur de sa douille n'est que
de 50 millimètres et ne permet plus l'emploi que d'une dizaine de grammes de
plomb. À notre avis, les calibres 12 et 14 millimètres ont tout intérêt à être
utilisés sous la forme de carabines, très maniables et déjà puissantes aux
portées où on les emploie, mais ne pouvant soutenir la comparaison avec un bon
calibre 24.
Il nous reste à examiner le calibre 9 millimètres. Pour la
grande majorité des spécialistes, ce calibre représenterait plutôt un jouet
qu'une arme ; il est, en effet, exact que, dans nos régions, la carabine 9
millimètres ne trouve guère pour objectif que les moineaux du jardin avec un
supplément de quelques merles ; mais, à l'étranger, il n'en est pas
toujours ainsi.
Voici ce que nous écrivait, il y a quelques années, un
chasseur de Syrie, ayant l'occasion de rencontrer une assez grande diversité de
gibiers locaux :
« On peut réaliser de forts beaux coups avec le calibre
9 millimètres, chargé avec une cartouche de plomb n°7, mais avec ces armes
c'est le n°8 qui se révèle comme plomb vraiment universel.
» Pour la perdrix de steppe, par exemple, le calibre 9
millimètres se montre parfois comme pouvant remplacer avantageusement d'autres
calibres, à condition d'adopter une tactique convenable, soit en s'embusquant à
proximité des sources où ces oiseaux viennent boire, soit en parcourant les
endroits particulièrement fréquentés.
» L'immense avantage du calibre 9 millimètres, c'est le
bruit presque imperceptible de la détonation qui ne dérange pas le gibier,
alors qu'un coup de fusil normal le décantonne pour longtemps. »
Nous avons assez souvent rencontré cette observation
relative à l'importance de la détonation dans certaines régions où l'approche
est facile. Sans exagérer les possibilités du calibre 9 millimètres, on
reconnaîtra qu'il peut à l'occasion être autre chose qu'un jouet. À plus forte
raison les carabines 12 et 14 millimètres.
Nous pouvons donc nous résumer ainsi qu'il suit :
Dans le cas où il s'agit de tirer un gibier en mouvement,
seul le fusil calibre 24 peut encore donner satisfaction, en raison de la
valeur de son groupement aux moyennes distances. En terrain bien dégagé, il
approchera d'assez près les résultats des fusils de chasse ordinaires, sans
pouvoir toutefois les égaler dans les coups de longueur. On appréciera, dans
beaucoup de cas, sa légèreté et son peu de recul.
Les calibres inférieurs ne peuvent plus être utilisés que
dans le cas du tir au posé, la chasse au poste, par exemple. Nous trouverons
dans le 14 millimètres à un coup, du type fusil, une arme démontable et
particulièrement robuste. Si l'économie sur le prix des munitions n'est pas
particulièrement recherchée, nous donnerons la préférence au calibre 24, qui
n'est pas plus cher à l'achat et reste sensiblement plus puissant.
Entre les carabines 12 et 14 millimètres, notre préférence
ira, sans hésitation, au calibre 14 millimètres. Nous ne chercherons plus, dans
ce cas, à lutter avec le calibre 24, mais bien à rester dans les possibilités
de la carabine ; on obtiendra, au posé, avec les plombs 8 ou 10,
d'excellents résultats. Les munitions de 12 millimètres ne sont guère plus
économiques que celles de 14 millimètres.
Enfin, nous avons dit plus haut ce qu'il convenait de penser
des carabines 9 millimètres : arme de jardin avant tout, c'est entendu,
mais susceptible de rendre parfois service pour certaines chasses spéciales.
Il faut noter que ces carabines ne peuvent utiliser la balle
que dans des conditions de précision médiocres. On a tout avantage à employer,
pour ce genre de tir, des armes rayées, calibre 6 millimètres ou 22, à grande
vitesse et trajectoire tendue.
En conclusion, ne méprisons pas les armes de petit calibre ;
sachons seulement les utiliser dans la limite de leurs possibilités.
Et nous en serons très satisfaits.
M. MARCHAND.
|