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Courrier cynégétique

Pêche ou Chasse ?

— Un paisible pêcheur de la Margeride a réussi un coup peu banal : sur un petit affluent de la Truyére, à la fin de la saison, il effectuait une de ses dernières sorties, à la sauterelle, sur laquelle les truites noires de nos torrents montent si bien. Soudain, une touche, en apparence comme les autres. Il ferre et ramène ... un canard sauvage, ou, plutôt, celui-ci s'envole à longueur de fil. La surprise passée, le pêcheur récupère lentement, craignant à chaque instant la rupture ; l'oiseau n'est plus loin, il tombe à ses pieds, mais repart aussitôt. Nouvelle manœuvre et le canard, qui résiste plus mollement, tombe enfin aux pieds du pêcheur, où il est aussitôt capturé. Qu'est-ce qui est le plus à admirer : l'originalité du fait ou la solidité du nylon ?

Un abonné lozérien.

Le départ des martinets.

— Depuis plus de quarante ans, un ami de M. Le Guillou de Matha (Charente-Maritime) observe le départ des martinets. Celui-ci s'effectue, de façon immuable, dans la nuit du 27 au 28 juillet, sauf en année bissextile, où le départ a lieu du 26 au 27 juillet. Quel ornithologue expliquera une aussi parfaite régularité ?

Lièvre gîté dans la neige.

— Pendant l'hiver 1940, au cours d'une permission que je passais dans la région de Megève, deux jours après une chute de 60 centimètres de neige, effectuant une promenade à ski à 1.400 mètres d'altitude, je croisais une piste de lièvre qui paraissait s'arrêter dans un buisson d'aunes, buisson isolé sis à une centaine de mètres dans une pente très raide. Je ne pus résister à l'envie de « dégîter » le capucin ; je gagnai donc le buisson, mais remarquai que la piste continuait pendant 5 ou 6 mètres vers l'amont et disparaissait subitement.

Intrigué, je m'avançai jusqu'à la dernière empreinte et remarquai un petit entonnoir. J'enfonçai profondément et à plusieurs reprises une de mes cannes à ce point, quand, tout à coup, à 1m,30 sur la droite, un énorme capucin « éjecta » dans la pente où à chaque bond il s'enfonçait profondément.

Courant la montagne depuis plus de dix ans, c'était la première fois que je constatais un fait semblable. Interrogés, les vieux braconniers du pays ne me signalèrent aucun précédent.

Lieutenant MOLLIER, abonné.

Les cynocéphales.

— J'ai lu avec un très grand intérêt le récit de l'aventure survenue à M. Vallin et relatée dans Le Chasseur Français de novembre. Toutefois, je crois devoir signaler que, de nos jours et dans la région de Podor, sur le fleuve Sénégal, le bellicisme des cynocéphales eût sans doute pu coûter cher à notre correspondant. En effet, dès le premier coup de fusil blessant un « cyno », la palabre eût été virulente et l'attaque vivement déclenchée.

Les indigènes, même évolués, ont une sainte frousse du cyno, et ils n'hésiteraient pas à abandonner le toubab imprudent.

J'ai eu l'occasion, en 1942, au nord-nord-est du Ravin des Voleurs, de participer avec mon peloton au dégagement de deux jeunes sous-officiers qui, imprudents, avaient tiré sur des cynos, s'étaient vus attaqués à leur tour et ne durent de s'en tirer qu'au fait de leur position contre une paroi rocheuse et de l'intervention de mes hommes.

Un peloton, soit vingt-quatre hommes et quatre fusils-mitrailleurs en plus de l'armement individuel.

Ce n'est pourtant qu'après une bagarre sérieuse que les cynos abandonnèrent enfin le terrain.

Y. BOISSONNET.

Tel est pris qui croyait prendre.

— Un fait rarissime, et peut-être unique, vient de se passer dans les Hautes-Pyrénées, à Ozon, près de Tournay.

M. C. Duclos, cultivateur, voyait chaque jour un grand épervier enlever un ou deux poussins à ses deux glousses, cependant prudentes et courageuses.

L'audace de l'épervier croissant avec la prudence des mères poules, un beau jour d'octobre, il dut, pour s'adjuger son poussin quotidien, se poser à même le sol — les poulets étant abrités sous un bûcher. Bien mal lui en prit, car, telles deux furies, les deux glousses bondirent sur lui et, du bec, des ongles et des ailes, travaillèrent si bien que le grand épervier fut proprement étourdi d'abord et quasi assommé ensuite ! ... Le fait s'étant passé devant plusieurs témoins, dont M. Mailhes, vétérinaire à Laslades, ne peut être contesté.

P. ABADIE.

La chasse au chevrillard et au petit chamois.

— Je lis, dans Le Chasseur Français de novembre dernier, l'article dans lequel le très regretté écrivain cynégétique qu'était Pierre Mélon s'élève (avec juste raison) contre certaines dispositions des arrêtés ministériels d'ouverture et de clôture de la chasse en 1951, qui ont autorisé, pendant un jour, le tir du chevrillard et du petit chamois. M. Mélon ne s'explique pas une telle mesure si anormale.

J'ai donc cru utile de vous communiquer la réponse faite par M. le Ministre de l'Agriculture aux préfets qui avaient, comme c'était le cas dans mon département, cru devoir interdire totalement le tir de ces gibiers :

Lettre circulaire n°81 du 9 mai 1951, page 2, dernier alinéa, précisant qu' « il n'était pas légalement possible d'interdire totalement la chasse des quadrupèdes » (loi du 3 mai 1944).

C'est donc la raison pour laquelle la chasse à tir du daguet ainsi que celle du mouflon, du chamois et du chevrillard de l'année est interdite le lendemain au soir de son ouverture !

Fernand LAUFREY, Président de la Fédération départementale des chasseurs du Doubs.

Vœux émis par la Fédération départementale des chasseurs de la Loire-Inférieure.

— 1° Répression plus énergique par les tribunaux des délits de chasse et de divagation des chiens, en particulier, par le Tribunal de Nantes qui fait preuve d'une faiblesse excessive ;

— 2° Suppression de l'impôt sur les chasses gardées et de l'article 42 bis du statut du Fermage et de son projet de modification ;

— 3° Prohibition de l'emploi pour la chasse de chiens de bergers et, en particulier, des bergers allemands ou bâtards issus de ces derniers qui, en raison de leur vigueur, peuvent être assimilés aux chiens lévriers, que la loi de 1844 interdit dans son article 9 ;

— 4° Attribution de viandes saisies aux abattoirs et non contagieuses aux propriétaires de meute, louvetiers et leurs délégués, ceci en application de la circulaire ministérielle du 1er mars 1939 ;

— 5° Pas de prolongation de chasse aux lapins sans accord de la Fédération ;

— 6° a.

Que le Conseil supérieur de la chasse étudie les amendements nécessaires au rajeunissement de certains articles de la loi de police de 1844, notamment en ce qui concerne la fermeture totale d'un gibier, la visite des carniers et des automobiles, le furetage, la chasse en bordure des rivières, etc. ;

b.

Que le permis de chasse départemental et général soit remplacé par un permis unique et soit délivré selon la méthode pratiquée antérieurement ;

c.

Que son prix soit divisé en trois parts égales revenant respectivement à l'État, à la commune et aux organisations de chasse ;

d.

En attendant la réalisation de ce vœu, que le permis départemental puisse être transformé en un permis général par simple paiement du supplément ;

e.

Que toutes chasses pratiquées avec filet soient supprimées, que les autorisations de pratiquer ces chasses proviennent de privilèges ou de tolérances.
Ce voeu vise notamment les pêcheries de canards, les oiseaux d'eau, ainsi que les filets à vanneaux, alouettes, tourterelles, palombes, etc.

f.

Que M. le Ministre de la Justice demande à MM. les Procureurs généraux de prendre des réquisitions tendant à exclure du bénéfice de la loi du 1er février 1951 tous les délits de chasse graves, notamment chasse de nuit, chasse en temps prohibé ou avec engins prohibés ;

g.

Que la chasse au gibier d'eau ne soit ouverte qu'en même temps que la chasse du col-vert, le 14 juillet ou le premier dimanche d'après.

— 7° Classement du lac de Grandlieu comme beau site de France ne devant pas être asséché, ni aménagé, ce qui est prétexte d'assèchement. Cette étendue d'eau étant une station ornithologique de premier ordre, escale des oiseaux migrateurs venant du Grand Nord.

Les animaux savent-ils mentir ?

— S'il faut, en effet, se montrer très prudent dans l'interprétation de certaines manifestations des animaux, en particulier devant leurs réactions ataviques (comme celle, bien connue, de la cane simulant une difficulté d'envol pour attirer l'attention sur elle et permettre à sa couvée de s'éloigner), il n'en est pas moins vrai qu'ils peuvent, parfois, essayer sciemment de nous tromper.

Et voici ce que j'ai à vous conter à l'appui de cette thèse :

Chasseur enragé, je possède une petite chienne Bretonne, aussi enragée que moi (vous savez, celle qui lève des garennes autour du Parc des Princes ? je vous ai raconté cette histoire vraie il y a deux ans).

Ayant depuis ma naissance — bientôt cinquante ans, hélas ! — toujours vécu auprès de chiens de chasse, je ne manque pas de points de comparaison à leur sujet. Je puis donc dire que, si ma chienne est « sage », chasse minutieusement et est un excellent retriever, par contre, son intelligence est moyenne.

Or, un jour d'il y a deux ans — c'était en Charente-Maritime — après avoir bien chassé toute la matinée, je revenais vers mon vélo, laissé au point de départ, quand, brusquement, ma chienne « rencontre », frétille et part en sens inverse. Intrigué, je fais demi-tour et je suis ma Bretonne, qui, toujours en émoi, m'entraîne assez loin ..., sans résultat. Bien que cela continue à « sentir bon », j'oblige alors ma chienne à revenir, ce qu'elle fait, bien à contrecœur.

Je ne pensais plus à ce petit incident, quand, le lendemain, dans des conditions identiques, au moment du retour, ma bête (pas tant que ça !) recommence sa manœuvre. Vous avez compris, n'est-ce pas ? Depuis, dix fois ma chienne a ainsi tenté de me faire repartir, lorsqu'elle estimait sans doute que nous n'avions pas assez chassé ! Cela ne prend plus, bien sûr, et je me contente d'en rire et de la sermonner ( !) ... jusqu'au jour où cela ne sera pas une blague et où j'entendrai une compagnie de perdreaux me partir dans le dos.

Il faut admettre que malgré le peu d'intelligence que je lui accorde, c'est bien un mensonge que me fait ma chienne ... ; je le lui pardonne, d'ailleurs, de grand coeur, car l'amour de la chasse excuse bien des choses !

R. LE TENNEUR, abonné.

Passages.

— Travaillant en plaine le 9 novembre, j'ai été très surpris de voir deux hirondelles de cheminée volant du nord-ouest vers le sud-est. Ces oiseaux partant le plus souvent fin septembre, cette anomalie méritait d'être signalée,

Un passage assez rare s'était produit en janvier 1951 : il s'agissait de jaseurs de Bohême, dont un exemplaire fut abattu en Seine-Inférieure.

Michel CARPENTIER, abonné.

Portée tardive.

— Étant en observation sur une chasse aux gros animaux, le 9 septembre 1951, à Trosly-Loire (Aisne), en lisière de la forêt de Coucy-le-Château, un vieux garde de mes amis a vu abattre un cerf troisième tête et deux biches dont l'une était prête à mettre bas dans les quatre ou cinq jours. Le faon, qui pesait de 8 à l0 kilogrammes, était parfaitement constitué. Un vieux piqueux, très sceptique, ne voulait pas croire à ce phénomène, mais il dut se rendre à l'évidence, la peau du faon lui étant mise sous les yeux.

Mon correspondant, lui-même fils et petit-fils de gardes-chasse, ayant beaucoup fréquenté la forêt de Villers-Cotterêts, et actuellement garde fédéral de l'Aisne, n'a jamais eu connaissance de pareil fait, surtout en période de brame.

DESCARSIN, abonné.

Le Chasseur Français N°661 Mars 1952 Page 142