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Courrier cynégétique

Fin comme un renard.

— Le proverbe est toujours vrai. Non loin de Bourg-Bigorre (Hautes-Pyrénées), trois « cabaniers » du haut de leur palombière voyaient avec joie les belles voyageuses azurées s'arrêter de plus en plus nombreuses, mais, déception, chaque matin, trois ou quatre palombes disparaissaient au sol, non pas en terrain découvert, mais dans les broussailles ... trois ou quatre : pas plus, pas moins. — Un maraudeur ? On l'aurait vu ... — Alors ? Nos chasseurs voulurent en avoir le coeur net, et, un matin, avant l'aube, l'un des trois se camoufla dans un massif de houx, aux aguets ...

Ses camarades arrivent, s'installent, et le guetteur voit, avec satisfaction, surgissant des broussailles, le museau chafouin d'un renard observant les cabaniers. — Une ou deux palombes tombent-elles à découvert ? Maître Goupil observe, mais ne bouge pas. — Tombent-elles ou l'une d'elles tombe-t-elle dans les broussailles ? Goupil, discrètement, s'éclipse, emporte sa proie, va la placer dans une cachette et, quelques minutes après, revient prendre son poste ... Le garde-manger garni. Goupil se désintéresse de la chasse. Notre chasseur raconte le fait à ses amis, mais cela paraît invraisemblable, et un autre, le lendemain, le remplace aux aguets. Et le manège recommence ! Le chasseur, furieux, lâche un juron, bondit, lève son fusil et pan ! pan ! Mais maître Goupil est déjà loin, rit sous cape ... et ne paraît plus ! ...

P. Abadie.

L'instinct des perdrix.

— Au printemps dernier, un cultivateur des environs de Châteaulin (Finistère), ayant découvert, alors qu'il fauchait une prairie artificielle, un nid de perdrix grise contenant une quinzaine d'œufs, mit ces œufs de côté pour laisser passer sa faucheuse, puis les replaça dans le nid après l'avoir réparé et camouflé tant bien que mal avec une poignée de foin. Mais, ayant remarqué que la poule perdrix rodait aux environs et cherchait à se rapprocher de son nid pendant qu'il achevait de faucher son champ, le cultivateur se dissimula derrière le talus pour observer ce que ferait la couveuse.

Dès que les ouvriers se furent éloignés, la perdrix revint sur son nid, entr'ouvrit légèrement les ailes et fit avec sa tête des mouvements circulaires comme si elle voulait dissimuler quelque chose sous elle. Puis elle se rendit en courant dans un champ de lande voisin, revint sur son nid et recommença plusieurs fois le même manège.

Lorsqu'elle eut disparu pour de bon, le cultivateur se rendit à l'emplacement du nid et constata qu'il ne contenait plus aucun œuf. La poule perdrix les avait transportés, probablement sous ses ailes, à un nouvel emplacement, où elle pensait que sa couvée serait plus en sûreté. Et, en effet, à quelque temps de là, on put constater la présence d'une compagnie de quinze perdreaux dans le champ où la perdrix avait transporté ses œufs.

Un autre cultivateur de la même région, ayant lui aussi découvert, en fauchant, un nid de perdrix contenant quelques œufs à proximité immédiate de sa ferme, confia ces œufs à une poule qui, après éclosion, emmena sa petite couvée se promener dans les champs voisins. Mais les parents perdrix veillaient. Ils rappelèrent les jeunes nouvellement éclos et la poule couveuse fut abandonnée par ses enfants adoptifs, qui disparurent avec leurs parents légitimes.

H. Barjou, abonné.

Palombes de Paris.

— C'était à une époque bien heureuse (1938). Les Allemands nous lançaient des piqûres d'épingles, on ne croyait pas à la guerre qui était cependant prochaine.

J'avais été invité par un de mes amis à venir dans son parc reprendre le vent de mon pays de Gascogne en tirant des palombes qui étaient très nombreuses dans ce coin charmant non loin de Paris, puisque sa propriété est tout près de Jouy-en-Josas. Il me donna une idée de la quantité de palombes ayant fait leur arrêt dans son parc ; elles y étaient extrêmement nombreuses et relativement sauvages.

Je me promettais de passer une bonne journée le lendemain dans ces hauts bois.

Le lendemain, je partais en voiture pour gagner ce paradis des palombes avec mon chauffeur, très bon chasseur, que j'avais emmené pour ramasser le gibier dans les hautes herbes.

En allant gagner notre emplacement de tir, nous levons des masses de palombes et de rouquets et quelques pigeons colombiers.

Placé dans une pente, les oiseaux me passaient haut et très beaux, et je fis tout de suite mon premier doublé sur deux belles palombes.

Pendant deux heures, je n'arrêtais pas de tirer sur ce beau gibier que j'aime tant et au tir duquel je suis habitué en Lot-et-Garonne. Le rouquet, plus rapide que la palombe, était bien amusant à tirer et plus sportif comme coup de fusil. Planant en descente vers la vallée à 30 mètres, ces ramiers étaient vraiment variés dans leurs allures.

Je puis dire que le temps que je passai à Jouy fut, pour un vieux chasseur de palombes comme moi, une journée rare. J'avais en ces deux heures d'affût tué trente-neuf palombes, j'avoue n'en avoir manqué que très peu.

Les palombes sont parties depuis ce moment ! quatorze ans ! Tant dans les passages d'aller que de retour, que de kilomètres parcourus ! Que d'aventures ! Combien reste-t-il de palombes de Jouy ? Probablement aucune.

Lorsque mon heureux souvenir revient à cette journée de chasse, je ne puis m'empêcher de songer à la beauté des hauts bois : des arbres magnifiques, chênes, pins, plus beaux les uns que les autres, rendus vivants par la pose légère et l'envol bruyant de centaines d'oiseaux, tandis qu'au bas de la côte un étang paisible, où viennent s'abaisser des cols-verts et des sarcelles, complète le paysage adorable qui permet d'oublier que la ville est si proche.

Jean De Witt.

Les faisans et le maïs hybride.

— Depuis plusieurs années, nous avons loué un excellent territoire de chasse en Sologne.

Grâce à un garde-chasse appliqué et consciencieux, grâce aussi à notre prudence, nous constatons chaque année une augmentation du nombre des faisans. Le faisan est l'animal idéal de chasse en Sologne, à notre avis, autant parce qu'il se cantonne dans les terrains qui lui plaisent que parce qu'il constitue la surprise permanente de toute chasse.

Or, le 14 octobre dernier, nous constations pour la troisième fois que les faisans se trouvaient bien moins nombreux que nous ne l'avions pensé sur notre territoire, au point qu'après le déjeuner nous renoncions à chasser l'après-midi.

Notre garde est un homme avisé qui possède complètement notre confiance ; aussi découragé que nous par cette matinée creuse, il nous propose d'aller voir un cultivateur voisin qui avait semé très tard en saison des graines de maïs, aujourd'hui complètement développées. Pour notre garde, ce champ de mais attirait et retenait tous les faisans. Avec un de mes amis, j'accompagnai le garde jusqu'à cette ferme, tandis que les autres chasseurs organisaient un bridge de remplacement.

Nous nous dirigions vers le champ de mais qui longeait nos bois quand, à 200 mètres environ, nous fîmes lever quatre ou cinq coqs faisans qui partirent ensemble en cocoriquant, puis des perdreaux rouges ; nous nous arrêtâmes. Il était trois heures de l'après-midi environ, par une belle journée calme, et maintenant les faisans, coqs et poules, de plus en plus nombreux se levaient sans arrêt.

Les tiges de mais atteignaient deux mètres de haut environ, le feuillage vert tournait au jaune, mais les pieds de chaque plante, complètement dénudés, nous laissaient apercevoir une multitude de faisans. Après nous être encore un peu avancés, nous étions d'accord tous les trois pour admettre qu'il y avait au moins 100 faisans et 30 perdreaux en moins d'un demi-hectare de maïs grains.

Notre garde entretenait de bonnes relations avec le cultivateur propriétaire du champ, qui nous reçut très bien et nous fit aussitôt ses doléances : « Messieurs, vos faisans dévorent mon maïs, et il ne restera pas un épi dans quinze jours quand il sera mûr. » Il nous proposa de constater avec lui les dégâts. Et, ainsi, nous retournâmes tous les quatre sur le champ, de maïs que nous avions simplement longé en venant.

Tout en marchant, le cultivateur nous expliquait qu'il avait fait un essai avec le maïs américain qui s'appelle « U 22 ». « On sème, disait-il, grain à grain, une graine comme nos anciens maïs et on obtient ces plantes de 2 mètres de haut de un ou deux épis couverts de graines. C'est une variété très précoce et très résistante. Je comptais donner ce maïs à ma vache, à mes moutons, à mes poules, mais j'avais compté sans vos faisans. Ils viennent de 2 kilomètres à la ronde. »

Nous en étions maintenant convaincus. Tout en parlant, nous arrivâmes dans le champ, où les dégâts étaient déjà importants aux deux extrémités. Les enveloppes ou spathes qui entourent les épis étaient crevées. Les épis pendaient et certains même étaient arrachés, alors que les grains encore verts, « en lait », comme disait notre cultivateur, n'étaient pas à maturité. Les faisans s'étaient jetés sur ce maïs depuis une dizaine de jours tout au plus, et leur densité dans le champ augmentait chaque jour, au point que le cultivateur se résolut à cueillir ses épis sans plus attendre.

Il nous a paru intéressant de signaler à quel point faisans et perdreaux sont friands de maïs grains.

Jusqu'ici, le maïs ne mûrissait pas en Sologne, mais il paraît maintenant certain que le maïs hybride américain pousse et mûrit en soixante-quinze à quatre-vingt-cinq jours.

En tout cas, nous avons vu ce que nous écrivons : 100 faisans sur un demi-hectare de maïs grains, le 14 octobre, en Sologne, sur une chasse dans laquelle nous n'avons jamais fait d'élevage, seulement des reprises, à raison d'une poule par hectare de territoire.

Le président de la Fédération des chasseurs du Loir-et-Cher.

Bel exemple de sang-froid et d'adresse.

— Désireux d'offrir une pièce de gibier aux Anciens Combattants pour leur banquet du 11 novembre, M. Georges Bisson, propriétaire aux Forges, commune de Baudres (Indre), avait organisé deux jours plus tôt, avec l'aide de son garde et de quatre anciens poilus, une battue dans sa forêt des Saints-Pères. Un lièvre et un chevreuil furent tués en moins d'une heure. M. Bisson proposa alors de changer de quartier, pour tirer des lapins.

Fusils ouverts, le groupe s'engagea dans une allée tout en devisant gaiement. Un des chiens, un corniaud doué d'un odorat remarquable et d'une activité débordante, suivait son maître tout en quêtant dans le taillis de gauche. Tout à coup, un bruit de fougères sèches qu'on écrase attira l'attention. Le temps de compter jusqu'à deux et chacun aperçut un superbe brocard arrivant dans une course folle juste à la hauteur des chasseurs.

La bête, se sentant poursuivie, n'eut pas une seconde d'hésitation. Elle se dressa sur les pattes de derrière, replia les pattes de devant et se lança dans le vide. Tel un bolide, le chevreuil franchit d'un seul bond notre groupe et l'allée, juste au-dessus de la tête de M. Bisson.

Celui-ci, instinctivement, avait incliné le haut du corps. Ce geste lui permit, mais d'extrême justesse, d'éviter un choc qui eût été rude. Il se redressa aussitôt, prit des deux mains son calibre 28 qu'il portait sur l'avant-bras droit, le referma, épaula et pressa la détente. Atteint en plein corps, le chevreuil s'effondra. Malgré sa vitesse, il n'était pas encore à plus de 15 mètres du tireur.

Charbonnier, instituteur honoraire (vieil abonne du Chasseur Français).

Le Chasseur Français N°662 Avril 1952 Page 207