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Le Greyhound

Primitivement chien de chasse, le greyhound est devenu chien de course (1).

Après avoir examiné son utilisation et son type — dans l'antiquité et au moyen âge — nous allons nous attacher à montrer ce que doit être un vrai bon greyhound.

Sa qualité essentielle étant l'extrême rapidité jointe à une grande souplesse non seulement dans ses allures mais encore dans ses évolutions, il est et doit rester le pur sang des chiens.

Comme le pur sang anglais est en quelque sorte étiré dans toutes ses proportions, il doit lui aussi être étiré dans ses formes. Mais de là à être comme passé au laminoir, ainsi que le sont certains lévriers, il y a loin.

Léger, oui. Mais pas claquette — et pas étriqué dans sa poitrine et dans son coffre.

Tête longue et pas lourde, oui. Mais pas tête trop longue et pas trop étroite. C'est d'ailleurs une profonde erreur que de croire que le greyhound a la tête très longue. Elle paraît longue parce qu'elle est distinguée et très effilée. Mais, aussi paradoxal que cela puisse paraître, il a la tête beaucoup moins longue, proportionnellement à sa hauteur, que le beagle — et encore bien moins longue que le fox-terrier à poil dur.

Certaines familles de greyhounds et certaines variétés de lévriers qui ne sont plus sélectionnées qu'en vue de l'exposition ont incontestablement subi les effets désastreux d'une mode inconsidérée en faveur d'une tête très longue et très légère. On est ainsi parvenu à produire des sujets au crâne nettement insuffisant, et par cela même déficients au point de vue moral. Ce sont ces chiens qui ont accrédité dans le grand public le préjugé d'après lequel le lévrier ne serait ni intelligent ni affectueux.

Mais un vrai bon greyhound a du crâne et il en a besoin pour loger toutes ses qualités de passion de la chasse, d'énergie, de courage et d'intelligence ; car un bon coursier ne gagne pas seulement avec sa seule aptitude au galop. Il gagne aussi et surtout par sa passion effrénée de la poursuite, par son énergie et par son intelligence de la course.

D'ailleurs c'est un préjugé qu'il faut détruire et qui ne trouve créance qu'auprès de ceux qui n'ont jamais eu de greyhounds. J'en ai possédé à l'heure actuelle plus d'une soixantaine. Je n'ai trouvé aucun d'entre eux inférieur aux chiens des autres races, comme intelligence et comme affection. J'en ai encore actuellement qui surpassent bien des chiens d'autres races, aussi bien au point de vue de l'intelligence qu'au point de vue de l'attachement. Mais le greyhound est un chien froid, flegmatique, absolument sans exubérance inutile. Il ne s'attache pas au premier venu, mais lorsqu'il aime son maître il l'aime avec une constance et une exclusivité remarquables.

Seulement, si l'on veut avoir une idée exacte de ce que doit être le bon greyhound, on ne doit pas croire que les grands champions d'expositions et les titulaires de C. A. C. représentent l'idéal du type. Ils en sont souvent bien loin. Parfois même ils n'en sont qu'une mauvaise caricature.

Parmi les champions et championnes d'après la libération, il en est bien peu qui méritent réellement un tel titre. En 1950 par exemple, à l'exposition canine de Paris, l'ahurissement des éleveurs qui étaient autour du ring fut grand lorsque le chien Wapiti (chien admirablement réussi et très typé) n'eut pas le championnat et lorsque la sœur de Wapiti (chienne ravissante et bien bâtie) fut elle-même battue par une greyhound qui était loin de la valoir. Cette petite démonstration semble bien avoir découragé les éleveurs ... qui sont vraiment désorientés par de tels jugements. En 1951, à Paris, il n'y avait, en tout et pour tout, que quatre greyhounds : deux mâles et deux femelles, appartenant tous à la même propriétaire.

Il est curieux et regrettable de constater que beaucoup trop de personnes sont tentées de juger le greyhound comme un chien de fantaisie, selon des modes d'appréciations fantaisistes et répondant à une esthétique spéciale et factice.

Le greyhound n'est pas un bijou d'étagère. C'est un chien qui, sous ses formes élégantes et distinguées, doit être puissamment armé en os, en muscles et en coffre.

Mais il ne doit pas pour cela évoluer vers le type mastodonte. Les mastodontes et les géants ne sont pas des galopeurs.

Au lieu d'exagérer certains points du standard, il suffirait pourtant de savoir lire le standard et de l'appliquer dans son esprit.

Je ne puis pas examiner ici tous les détails de ce standard. Je ne parlerai et ne discuterai que de certaines caractéristiques essentielles se rapportant à l'aptitude au galop extrêmement rapide du chien de course.

On parle surtout de l'épaule. C'est entendu, elle a une grande importance et doit être suffisamment longue et oblique. Mais l'arrière-main est encore plus importante. C'est elle qui propulse l'animal en avant. Les hanches doivent donc être longues, bien orientées, très musclées. La cuisse bien descendue et musclée. Le jarret près de terre et plutôt coudé (sans excès) que trop droit. Les aplombs doivent être parfaits et les pieds solides. Les efforts produits et subis par les pieds sont si violents que, dans les virages ou à la sortie de la boîte, beaucoup de chiens s'arrachent un ou plusieurs ongles.

Mais où la mode fait complètement fausse route, c'est au sujet de la poitrine, du coffre et des reins.

Ce chien dans son travail de vitesse intense a besoin de poumons et d'un cœur puissants. Or on a tendance à admirer les poitrines qui sont coupées court et qui remontent brusquement vers le dos. La cage thoracique est ainsi notoirement insuffisante pour loger les poumons et le cœur. La respiration et la circulation en souffrent. Le chien est vite à bout de souffle.

D'autre part — et c'est là le point capital — le jeu de la respiration ne se produit pas surtout à l'avant de la poitrine, où il n'y a pas de dilatation possible, puisque les côtes sont soudées au sternum. Elle se produit ... entre les fausses côtes, celles qui peuvent jouer et permettre ce jeu de dilatation.

Lorsque le sternum, déjà coupé court et donc n'offrant pas une cage thoracique suffisante, se complète par un ventre qui se retrousse brusquement vers le dos, c'est que les fausses côtes sont courtes, c'est que la cage thoracique se trouve encore étriquée à l'endroit même où devrait pouvoir se produire la dilatation la plus facile et la plus grande.

Cela n'empêche pas certains amateurs, et même certains juges, de trouver cela splendide ... ce ventre levrette à l'extrême. Ils disent que le chien a du galbe !

Le standard est cependant très net. Si l'on sait lire, il n'y a aucun doute possible.

Voici ce qu'il dit :

Poitrine : profonde et vaste permettant une puissance adéquate aux poumons.

Côtes : profondes, bien élancées et postées très en arrière.

Postées très en arrière, cela veut dire qu'elles doivent se prolonger et être très obliques vers l'arrière. C'est donc bien tout le contraire du ventre rentrant brusquement vers le dos. D'ailleurs tous les bons chiens de course ont la poitrine plutôt développée en profondeur qu'en hauteur.

Et la voussure du dos ! Encore une marotte de certains amateurs !

Pour eux, le chic suprême pour un greyhound, c'est d'avoir le rein très fortement arqué et presque en dôme.

Erreur profonde. Cela tourne presque à la colonne vertébrale déviée. Pas plus pour les chiens que pour les coureurs à pied, les dos bossus ne sont à rechercher !

Cette voussure du dos provoque forcément un manque d'équilibre, parce que les appuis postérieurs sont trop avancés sous la masse. L'arrière-main d'un chien aussi mal bâti ne peut pas avoir la facilité, l'étendue et la puissance dans les allures d'un chien normalement construit.

L'impression du rein arqué doit plutôt être donnée par la masse des muscles que par la courbe même de la colonne vertébrale et par l'obliquité de la croupe.

Sur ce point encore le standard est très catégorique. Il est loin de préconiser la déviation de la colonne vertébrale ou même la grande courbure du dos.

Il dit : reins puissants, légèrement arqués.

Le qualificatif légèrement ... doit cependant être compris de tous ceux qui ne sont pas aveuglés par une idée préconçue et par une esthétique sans autre fondement que la fantaisie.

Paul DAUBIGNÉ.

(1) Voir Le Chasseur Français de mars 1952.

Le Chasseur Français N°662 Avril 1952 Page 209