— Ma qualité de pêcheur — de longue date — et
de lecteur de votre revue m'incite à vous signaler un fait étrange qui
intéressera sans doute mes confrères, et en particulier ceux du Dauphiné.
J'ai habité Grenoble pendant quelques années, après la
Libération, et j'ai connu par hasard quelques petits étangs situés à Domène, à
quelques kilomètres du chef-lieu de l'Isère. Ces étangs, qui sont plutôt de
grands trous, proviennent d'excavations creusées par une tuilerie-briqueterie
qui travaillait avant guerre et a, depuis, cessé toute activité. Ils sont la
propriété d'un cultivateur à qui appartiennent les terrains environnants.
Ces étangs se trouvent à 500 mètres de la route de Grenoble
et à plus d'un kilomètre de l'Isère, dont ils sont séparés par un talus constituant
la voie du chemin de fer. Aucun ruisseau ne les relie à l'Isère. Ils sont donc
propriété privée et on peut y pécher, avec l'autorisation du cultivateur, en
toute saison et à toute heure, sans le permis de l'État. Ils sont
périodiquement à sec (en plein été), complètement gelés (en plein hiver), ou
débordants dans la campagne (au printemps).
Ceci n'a rien d'extraordinaire, mais ce que personne ne
comprend, c'est qu'on y trouve du poisson. Personne n'en a mis : ni la
société qui exploitait la briqueterie, ni le fermier qui exploite maintenant
ses champs. Ces étangs renferment les espèces suivantes : brochets (2 à 3
livres), black-bass (1 à 2 livres), perches, gardons (en petite quantité) et
perches soleil (en grand nombre) de petite taille, mais bien résistantes comme
amorces pour le brochet, la perche et le black (ce dernier étant tout de même
assez rare) ; il n'y a ni goujon, ni ablette, ni carpe, ni brème, ni
anguille.
Comment ces poissons sont-ils venus dans ces étangs ?
L'Isère se trouve à plus d'un kilomètre et ne communique pas, même en période
de crue. Il y a d'autres étangs, mais de l'autre côté de la ville (7-8 km.), et
quelques petites rivières, mais exclusivement à truites, dans les environs.
Faut-il penser que des oiseaux aquatiques, s'étant posés sur
d'autres étangs éloignés de l'Isère ou de la Savoie, ont emporté, collés à
leurs pattes, des œufs de poissons qui auraient été ainsi déposés dans les
étangs de Domène où ils auraient fini par éclore ?
C'est la seule explication (si c'en est une) que j'ai
trouvée ... et elle est tirée par les cheveux. Surtout en raison de la
distance qui sépare Domène des autres étangs de la région.
Qu'en pensez-vous vous-même et qu'en pensent de vieux
pêcheurs expérimentés ? J'ai quarante-quatre ans, je pêche depuis l'âge de
quinze ans et j'ai trouvé ce fait assez bizarre pour vous être signalé.
Robert VERMEEREN, Lille.
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