Les Américains ont annoncé, il y a quelque temps déjà,
qu'ils représentaient un excédent de poids phénoménal sur la commune mesure et
des disproportions exagérées avec le canon antique.
Naturellement, il ne s'agissait pas du poids d'un quelconque
individu, mais de la pesée totale de la population américaine.
Ont-ils procédé à la division par le nombre d'individus pour
connaître le trop-plein de chacun ? Sans doute ... ou sans doute
point. Au moyen d'opérations qui m'échappent, ils ont conclu — cet excédent
représentant de la graisse, donc de la force perdue — qu'une telle
surcharge coûtait à leur pays X ... (un nombre lui aussi phénoménal) X …
heures, donc, de travail.
Et allez donc !
Nous pensons, nous, que cette graisse humaine (en rabiot
comme nous disons) est la conséquence de la mécanisation outrancière, propre à
ce peuple jeune, qui fut plein de muscles avant d'être gavé (peut-être) de trop
de nourriture.
Contre cela nous, cycliste humble, effacé, nous protestons ...
Nous protestons pour la ... nième fois, parce que nous
prétendons que la race se perdra au moyen de la paresse assise ... Dans un
siècle ou deux, l'homme et la femme seront tout en tête à force de chercher et
tout en fesses à force de s'asseoir.
Parties les jambes ! Amenuisés les bras, puisqu'ils
n'auront même plus l'occasion de se contracter pour couper un bifteck, tant la
pilule viendra à leur secours ! ... Calé le cœur ! ... Et
dégonflés les poumons ! ...
Ceux à qui incombe la responsabilité de conserver et
développer la race n'ont plus à leur disposition que la prospection intensive
chez les jeunes. Enfance. École.
Tels sont les deux stades de leur action. Le gosse devra
être initié dès le premier âge aux plaisirs sains du mouvement (et non pas de
la vitesse morte). Il faudra créer chez lui l'euphorie du geste ; attirer
son attention vers le fonctionnement merveilleux de son organe moteur (de son
propre moteur, de son moteur intérieur), et l'intéresser plus à sa circulation
sanguine, à ses pulsations, à son assimilation qu'à d'affolantes distributions
d'énergie artificielle.
Riez, souriez de mes écrits ... les incrédules !
Je sais, moi, qu il est facile d'intéresser nos mignons bambins à l'instrument
magique qu'est la bicyclette ... à condition que les parents veulent bien,
eux aussi, encourager leurs ébats rotatoires.
Je sais des villes de France qui, en 1951, ont organisé des
fêtes enfantines où tous les participants, montés sur de minuscules vélos,
recevaient gâteries, souvenirs, jouets ... à l'issue de quoi un petit
brevet attestait qu'ils avaient couvert 200 mètres sans mettre pied à terre (1) ...
Ce petit brevet signé de la Fédération française de Cyclisme
ne sera pas, pour autant, classé ou perdu à tout jamais. Le gamin l'exhibera
souvent, s'il ne l'a pas encadré, et, l'âge aidant, il voudra qu'un autre lui
succède ...
C'est à ce moment-là que l'industrie française du cycle
devrait apparaître en créant, enfin, cette œuvre d'immense prospection que
serait « La Bicyclette à l'École ».
36.000 communes en France : 72.000 vélos d'enfants à
trouver. Quelle affaire ! 72.000 petits vélos solides, incassables, grâce
auxquels les gosses feraient leurs premières pédalées.
Le corollaire à cette action serait la sortie cycliste
organisée le jeudi (et le dimanche) de tous nos gosses de France, grands et
petits.
L'agent de marque, le dirigeant fédéral, l'ancien coureur,
le cyclotouriste, le sportif, le simple « papa » — le maître
d'école s'il n'est pas écrasé par une lourde besogne de corrections de cahiers
ou de secrétariat — n'a-t-il pas là un plaisir à cueillir, un devoir à
remplir et une mission à perpétuer ?
Je ne citerai personne ... mais je connais un mien ami,
un fervent qui, à la date du 1er octobre, avait 145 fois dans
l'année conduit, à bicyclette, une sortie d'enfants, eux-mêmes montés sur deux
roues, avec l'accord des parents.
La formule en est simple.
Croyez-moi, il en resterait quelque chose et pour le moins
des cyclistes ... c'est-à-dire des hommes possédant des réflexes,
respirant largement, vivant dans la gaieté et ayant pris l'habitude de se
mouvoir économiquement, mais sainement.
C. Q. F. D.
René CHESAL.
(1) Dans une très grande ville, le loueur d'ânes du parc-promenade
a troqué ses bêtes contre des vélos ... à la satisfaction de sa jeune
clientèle devant le succès d'une telle fête.
Dans le même ordre d'idées, les manèges de vélos sont préférables aux manèges
de chevaux de bois.
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