Seuls peuvent douter de l'importance capitale de cette lutte
ceux qui n'ont pas été les témoins directs de l'ampleur des dégâts causés par
les termites.
Mais à ceux qui — tel l'auteur de ces lignes — ont
eu l'occasion de constater outre-mer les destructions massives, et de suivre en
France le développement des ravages, il appartient de lancer un S. O. S.
avant qu'il ne soit trop tard.
Les termites ne sont pas en effet le triste privilège de
l'Afrique ou de l'Indochine, par exemple. Comme l'expose M. Le Forestier
dans son article sur « Les ennemis du bois mis en œuvre » (voir Chasseur
Français de janvier 1952), deux espèces au moins (sur 1.200 environ
actuellement connues) se sont acclimatées en France, dans la région des Charentes
et du littoral atlantique, d'où elles rayonnent maintenant d'une manière
inexorable et constante dans la région du Sud-Ouest et le Languedoc.
De nombreux ouvrages sur les termites exposent le
développement et la propagation des colonies, mais cette étude nous
entraînerait trop loin. Disons simplement qu'en règle presque absolue seuls les
insectes sexués sortent à l'air libre au moment de la nymphose pour la
fondation de colonies nouvelles ; mais que, par contre, les « ouvriers »
et les « soldats » sont lucifuges, c'est-à-dire fuient la lumière et
vivent cachés.
Ils se cantonnent donc sous terre et viennent, par de
longues galeries souterraines ou des « galeries-tunnels »
(constituées par de la terre agglomérée de salive), attaquer sournoisement leur
proie. Et la proie des termites, ce sont les matières organiques, surtout le
bois sous toutes ses formes, qui est totalement transformé en une fine sciure,
à l'exception d'une mince pellicule externe, laissant au bois une apparence
intacte. Comme rien ne laisse deviner les dégâts sous-jacents, ce n'est donc
d'ordinaire que lorsque le meuble s'écroule, que le plancher et la toiture
s'effondrent, qu'on peut réaliser l'ampleur des dégâts.
À l'heure actuelle, des milliers de fermes, de villas et
d'immeubles de toute nature sont atteints, à l'insu de leurs occupants.
N'y a-t-il rien à faire ?
Il y a quelques années seulement, on eût été contraint de
répondre par la négative.
Depuis lors, des produits très nombreux de toute nature ont
été successivement essayés avec plus ou moins de succès. Des études
approfondies et des essais soigneusement suivis ont démontré qu'à l'heure
actuelle les phénols chlorés — et tout particulièrement le pentachlorophénol
— se classent en tête pour leur efficacité.
Mais il convient d'insister sur le fait qu'il est plus
rationnel et beaucoup plus facile de prévenir que de guérir.
Si les moyens de protection préventive s'avèrent maintenant
absolument parfaits, le traitement curatif, par contre, est infiniment plus
délicat, étant donné le nombre prodigieux des termites — une seule reine
pouvant pondre plusieurs dizaines de milliers d'œufs par jour en période de
ponte — et la presque impossibilité d'atteindre tous les insectes.
Il faut donc pratiquement envisager, d'une part, la
protection préventive, et, d'autre part, le traitement curatif.
PROTECTION PRÉVENTIVE.
— Elle sera obtenue en respectant certains modes de
construction et en faisant subir au bois d'œuvre un traitement chimique
approprié.
Mode de construction.
— Le mode de construction sera assuré de telle sorte
que l'invasion par le sol soit rendue impossible. Pour cela, il y a lieu tout
d'abord de préparer le sol par dessouchage, nettoyage des débris végétaux et
stérilisation à l'aide de produits chimiques appropriés.
Les grandes maisons de produits chimiques françaises sont à
même de fournir ces produits.
Il convient ensuite de prévoir sous le bâtiment une
ventilation sérieuse, et aussi la possibilité d'une inspection périodique, deux
fois l'an au minimum. De la sorte, les galeries aériennes verticales pourront
être immédiatement repérées et détruites.
D'autre part, la construction devra être surélevée sur piles
ou murettes en béton compact et recouvertes d'un enduit de mortier lissé.
Entre ces supports et la construction surélevée, on disposera
une plaque de métal lisse inoxydable, débordant l'aplomb de la maçonnerie et se
rabattant vers le bas, pour s'opposer au passage des insectes.
Il y aura lieu aussi :
— de ne pas laisser subsister les coffrages ;
— de ne pas accoler des constructions basses secondaires ;
— ni d'empiler les matériaux le long du bâtiment ;
— de faire reposer les escaliers, s'ils ne sont pas en
dur, sur des socles en béton, isolés du bâtiment par une plaque métallique.
Enfin, on évitera ou fermera les voies d'accès indirectes en
munissant de collerettes métalliques les descentes et adductions d'eau.
Traitement des bois.
— Les bois devront être imprégnés par un produit
efficace contre les termites, car, malgré toutes les précautions prises dans la
construction, une fente, une galerie peuvent échapper à l'investigation et être
à l'origine de la contamination.
La solution idéale serait de pouvoir faire une imprégnation
profonde en vase clos.
Malheureusement cela est pratiquement impossible dans la
majorité des cas. On se contentera donc de traiter les bois en pièces finies
usinées, sur toutes leurs faces, et de façon aussi profonde que possible.
Pour cela on procédera par trempage de longue durée, le
temps de trempage étant proportionnel à la dimension des pièces et à la nature
du bois et pouvant varier de quinze minutes pour les parquets à quarante-huit
heures pour les pièces de charpente.
Si on ne peut effectuer le trempage, on devra faire une, et
parfois deux applications très soignées par badigeonnage ou pulvérisation.
TRAITEMENT CURATIF.
— Le traitement curatif est beaucoup plus délicat,
puisqu'il faut non seulement détruire les insectes qui se trouvent dans les
bois mis en œuvre, mais encore s'opposer de façon absolue à un nouvel échange
entre la termitière et le bâtiment à protéger.
Ce traitement — qui est beaucoup plus aisé pour une
construction isolée que pour des immeubles groupés — comprendra tout
d'abord le traitement du sol, soit par pulvérisation ou arrosage, mais plus
efficacement en ouvrant une tranchée d'une cinquantaine de centimètres environ
de profondeur et 25 centimètres de large tout autour de la maison et en y
répandant le produit à imprégner à base de pentachlorophénol et
d'hexachlorocyclohexane (H. C. H.).
Si cela est impossible, on procédera à des injections de
part et d'autre des murs de soutènement, en forant des trous d'une trentaine de
centimètres de profondeur tous les 50 centimètres et en y versant le liquide.
Après injection, les trous seront soigneusement rebouchés. Si l'on en a la
possibilité, on peut également opérer avec un pal injecteur qui facilite
l'opération.
Le traitement du sol étant effectué, on traitera alors les
bois à l'intérieur de la maison, en pratiquant tous les mètres un trou à l'aide
d'une tarière allant jusqu'au centre de la pièce du bois, et en y injectant le
produit. On bouchera ensuite avec soin les orifices avec une cheville de bois
imprégnée, ou avec du bitume.
Enfin, les pièces infectées seront soigneusement déposées,
détruites par le feu et remplacées par des pièces de bois neuves préalablement
traitées comme il a été indiqué au traitement préventif.
H. CORON.
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