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Le fer en Guinée française

La Guinée française, l'un des huit territoires de l'Afrique Occidentale française, ne compte pas seulement par la culture de la banane, de l'ananas, du sisal et du café. Ce territoire connaît, surtout depuis 1947, une nouvelle activité : celle de l'extraction du minerai de fer de la presqu'île du Kaloum.

La presqu'île du Kaloum s'étend sur une longueur de 35 kilomètres et une largeur de 7 à 8 kilomètres, dont la pointe est reliée à l'île du Tombo par un pédoncule de terre appelé Pont du Tombo. C'est sur cette île qu'est construite Conakry. Le gisement de fer recouvre presque toute la péninsule et se présente sous des avantages très favorables à l'exploitation ; on peut évaluer sa surface exploitable à 175 kilomètres carrés environ. Il est constitué par deux couches assez distinctes : en surface, sur 2 à 7 mètres, elle forme une cuirasse assez dure et dense ; en dessous, une couche épaisse de 8 à 25 mètres d'un minerai tendre et poreux, pouvant contenir jusqu'à 40 p. 100 d'eau. En moyenne, la couche superficielle représente un tonnage total de plusieurs milliards de tonnes et constitue l'une des plus grandes réserves de fer de l'Union française.

Le minerai est un oxyde de fer hydraté, peu siliceux, qui ne contient presque pas de chaux et peu de phosphore, mais où l'on constate la présence de chrome et de nickel. L'eau se trouve à l'état libre ou combinée en proportions assez importantes. La teneur en fer varie pour moitié de 47 à 56 p. 100, ce qui représente, après élimination de l'eau combinée, plus de 60 p. 100 de fer. C'est à cette élimination que la Compagnie minière de Conakry consacre ses efforts en vue d'exporter le minerai séché. L'opération est réalisable dans la région, car on trouve d'importantes chutes d'eau. En outre, une usine est en construction pour l'agglomération du minerai poudreux en briquettes.

L'évacuation du minerai, contrairement à certains territoires riches en minerai comme la Gold Coast, n'offre pas de grosses difficultés, car la région est traversée par deux routes, sud et nord, qui relient le chef-lieu aux autres régions et, d'autre part, par le chemin de fer Conakry-Niger, qui traverse la Guinée d'ouest en est. La liaison avec le port est relativement facile et la Compagnie minière, après examen, a décidé de créer un port minier à proximité du port de commerce de Conakry. Un quai spécial est en cours d'aménagement ; il en coûtera quelque deux milliards de francs métropolitains à la société. Afin que les travaux se terminent cette année, c'est-à-dire au moment où doivent commencer les grosses exportations, la construction du quai de 300 mètres et de la digue le protégeant a été confiée à une société d'économie mixte où la puissance publique est majoritaire et qui possède un capital suffisant pour assurer, avec des emprunts garantis par l'État, la totalité des dépenses prévues. D'autre part, cette société doit assurer l'exploitation du port minier qui va augmenter progressivement de 1 à 3 millions de tonnes de minerai évacué chaque année.

Et, si nous arrivons à l'historique de cette exploitation, nous apprenons que le gisement de fer du Kaloum a été découvert en 1904, au moment de la construction du chemin de fer de Conakry au Niger, mais l'étude n'en a été faite qu'en 1917 par un géologue américain (genre de personnage que l'on trouve en quantité en A. O. F.). Cette étude a été poursuivie de 1919 à 1922 par la Compagnie minière de la Guinée française, dont les actions appartenaient à un autre Américain.

Ce n'est qu'en 1930, à la suite de pourparlers avec le ministère des Colonies, que la situation a été réglée définitivement. Ces pourparlers ont abouti à l'exploitation de la concession provisoire du gisement, à l'exclusion de l'île du Tombo, où est construit Conakry. Un autre décret, en 1947, a transformé le titre provisoire en titre définitif, et c'est depuis ce moment que la Compagnie minière de Conakry (nouvelle raison sociale) a pris son essor. Cette nouvelle compagnie est formée d'entreprises françaises, anglaises, belges, et d'entreprises de la puissance publique : Bureau minier de la France d'outre-mer.

Jusqu'à présent, la Compagnie minière semble concrétiser ses projets d'extension. En 1947, elle doublait son capital à 120 millions de francs C. F. A. D'ailleurs, il ne cesse d'augmenter. L'entreprise est gérée par une quinzaine d'Européens (directeurs, ingénieurs spécialistes de la question minière) qui mènent à bien, avec l'aide de la main-d'œuvre locale, une exploitation qui donne à la Guinée française une très grande activité, et à notre pays une réserve presque inépuisable, d'un précieux minerai.

R. BASTIEN.

Le Chasseur Français N°662 Avril 1952 Page 243