Un curieux fait d'observation est qu'aux périodes troublées
par des bruits de guerre certains pays lointains deviennent des pôles très
attractifs, surtout pour des placements de capitaux qui y cherchent des
refuges. La conséquence immédiate et directe est que ces pays subissent alors
une poussée de croissance et bénéficient d'un pas de géant en avant.
Tel est très particulièrement le cas de l'Union
Sud-Africaine.
Cette région, depuis les temps du président Krüger et de la
guerre des Boers, restait Dominion britannique, mais avec des périodes de
tension amicale fort nettes. En 1948, la tendance à l'indépendance s'accrut
grandement, par suite de la survenance au pouvoir du gouvernement nationaliste
du Dr
Malan. Depuis, cette région est perpétuellement en effervescence ouverte ou
latente, et la proie de très graves déséquilibres sociaux par suite de
l'immense richesse des colons blancs s'opposant, avec la plus grande acuité, à
l'effrayante misère des indigènes noirs. La ville de Johannesburg, capitale de
la production de l'or, en est l'exemple le plus typique, avec de multiples
palais particuliers s'élevant au milieu des cabanes les plus sordides.
Le pays est aussi immense que colossalement riche et occupe
deux millions de kilomètres carrés divisés en trois provinces géantes.
Géographiquement, le centre est constitué de hauts plateaux
oscillant autour de quinze cents mètres d'altitude. En descendant vers la côte,
on passe par des terrasses successives pour aboutir à l'est à une plaine
fertile et, au sud, à des falaises.
Tous les climats se retrouvent en Union Sud-Africaine,
encore que la côte subisse l'action de la mousson.
Il n'y a pas de grand fleuve comme dans l'Afrique centrale.
La densité démographique est faible et tourne autour de 10
habitants au kilomètre carré, avec une population dépassant quelque peu les
douze millions d'habitants. Ces chiffres ne doivent être considérés que comme
des moyennes, car il faut tenir compte des villes toutes neuves qui sont des
centres attractifs puissants influençant de très grands secteurs.
Pour ces douze à treize millions d'indigènes noirs, il n'y a
cependant que 300.000 blancs et 350.000 jaunes. Le gouvernement actuel étant à
orientation raciste, il en est résulté de terribles remous, et la question de
peuplement et d'origine y est et reste de tout premier plan : une loi du 7 juillet
1950 a même établi la légalité d'une barrière raciale. Le contrôle des
immigrations est à la fois strict et très libéral : on accepte surtout des
cadres qualifiés pour mettre en valeur la nation.
Le gouvernement de l'U. S. A. — dont il ne
faut pas confondre le sigle avec celui des É. U. d'Amérique — est
indépendant avec une constitution républicaine, parlementaire à deux Chambres,
mais conservant un pouvoir exécutif extrêmement fort. Politiquement, l'U. S. A.
est à tendances sociales très marquées (bien que le communisme y soit
interdit), mais avec un principe nationaliste depuis le 26 mai 1948, date
de l'arrivée au pouvoir du gouvernement Malan.
L'U. S. A. est un pays riche d'avenir, mais qui
présente encore autant de contrastes que de paradoxes.
L'agriculture est entre les mains d'immenses propriétaires,
mais les domaines sont souvent semi-incultes ou seulement travaillés selon les
moyens les plus archaïques. Les équipements agrotechniques motorisés sont
rares, mais géants. Le drame de cette agriculture est la sécheresse du pays, et
l'on a fait bien peu pour irriguer, préférant adopter souvent la solution de
paresse du dry farming, qui se traduit par des modes culturaux extensifs
et à faibles rendements.
Mais, si la culture du sol est médiocre, l'élevage est
extrêmement florissant, et l'U. S. A. arrive, avec ses plus de
trente-deux millions de têtes de bétail possédées par 50.000 éleveurs
seulement, à être le troisième pays du monde en la matière.
Le mouton prédomine, par suite de la sécheresse et de la
nécessité de la transhumance. Une des conséquences est que le pays est
extrêmement riche en matière de production lainière.
Comme nombre de noirs, l'indigène de l'U. S. A.
s'alimente essentiellement des produits du maïs, et la récolte en est de
l'ordre de vingt millions de quintaux, soit quarante fois celle de la France.
Quant aux cinq millions de quintaux de blés divers, durs et tendres, il faut en
exporter une grande partie.
La région de Natal est riche de canne à sucre, qui a
toujours donné à ses exploitants de fabuleuses fortunes. Dans son extrême Sud,
les habitants de l'U. S. A. pratiquent la pêche aux langoustes et la
chasse sud-polaire aux baleines.
On pourrait facilement, et sans aucun risque de se tromper,
surnommer l'U. S. A. le pays d'Eldorado, car sa fortune provient
naturellement de son sous-sol, qui est richement approvisionné pour des siècles
en or et en diamants. L'or de l'U. S. A. a rapporté près de 200
milliards en 1950 et le diamant cinquante et plus.
Parler de ces fabuleuses richesses, c'est faire dénier tous
les grands noms des valeurs boursières internationales : la De Béer, Jägersfontein,
avec les noms prestigieux des mines du Transvaal et de Prétoria.
Cette production d'or fournit plus des deux tiers, sinon les
trois quarts de l'activité économique du pays et paie — sans impôt — la
moitié du budget national. Mais il faut dire que le travail minier est
extrêmement pénible, car les profondeurs d'exploitation sont énormes et
atteignent en général un étiage de 2.000 mètres au-dessous du niveau de la mer.
Les noirs qui y travaillent sont au nombre de 250.000, et il faut dire que si
nominalement ils sont légalement libres, leur travail et leur condition sociale
sont très précaires : mal payés, mal logés, mal nourris, ils ont de ce
fait un faible rendement individuel.
Depuis peu d'années, d'autres prospections minières sont en
cours, en particulier pour des métaux rares recherchés par la technique
industrielle moderne, comme le chrome ou le magnésium, l'antimoine ou le
vanadium, le fluor et l'uranium. Il y a encore d'importants gisements de fer,
mais fort peu exploités.
Deux grands bassins, au Natal et au Transvaal, produisent
vingt-cinq millions de tonnes de charbon de qualité assez moyenne, mais sans
plus. La prospection n'a rien donné pour laisser des espoirs de pétrole. Aussi
l'équipement énergétique s'est-il orienté vers la création de centrales électro-thermiques.
Sous l'effet de la dernière guerre, l'U. S. A. a
vu naître et grandir une tendance à l'industrialisation qui a été encore accrue
en ces dernières années par les idéaux nationalistes et indépendants du
gouvernement.
La crainte mondiale de conflits a fait de l'U. S. A.
un pays de refuge des capitaux internationaux, et ceux-ci se trouvent
naturellement investis localement, ce qui se traduit par une croissance
vertigineuse des installations industrielles en cours et surtout dans celles en
projet.
Toutefois, en matière sidérurgique, la production de fer et
d'acier appartient en totalité à l'État, et elle doit dépasser cette année le
million de tonnes.
La métallurgie lourde y a déjà ses usines et produit même
des locomotives, des machines-outils, des moteurs, des motos, et l'on annonce
pour bientôt des usines d'automobiles.
L'industrie textile est fort active dans ses équipements,
bien que les importations anglaises l'aient freinée jusqu'à maintenant.
Un des atouts maîtres de l'U. S. A. est constitué
par ses chemins de fer, dont les lignes couvrent près de 25.000 kilomètres,
dont un grand nombre d'électrifiés, autour des villes. Elles aboutissent à de
grands ports comme Durban ou Buffalo et autres, qui transitent annuellement
plus de douze millions de tonnes, ce qui ne doit pas tromper sur la valeur de
ce chiffre relativement faible, car en valeur y figurent l'or et le
diamant ...
Économiquement, et à l'échelle internationale, l'U. S. A.
est un pays riche sous l'hégémonie du sterling, ce qui n'a pas empêché l'échec
d'une demande d'emprunt aux États-Unis, tandis que la Suisse l'accordait.
Socialement le pays est celui des contrastes avec deux
millions de blancs à très haut standard de vie, analogue à celui des É. U. A.,
en face d'un monde indigène misérable. C'est aussi le pays d'élection de
richissimes magnats menant des trains de vie princiers.
Le pays est peu connu du commerce français courant, et ce
n'est que depuis peu d'années que les relations se développent, car il existe
une grande demande de biens et produits d'équipements.
Toutefois un grand effort de propagande d'échanges a été effectué,
et en particulier grâce à M. Albert Algoud, qui, dans sa revue économique Productions
françaises, a mené une véritable croisade pour les échanges commerciaux
entre la France et l'U. S. A., avec la plus immense et précise
documentation sur cette région spécialement intéressante pour les débouchés
français.
Alex ANDRIEU.
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