Il y a une trentaine d'années, les retrievers n'étaient pas
très connus en France. Sans doute on n'ignorait pas leur existence et ils
n'étaient pas sans avoir quelques représentants dans notre pays ; mais ils
demeuraient assez rares et, les expositions canines n'ayant pas encore pris le
développement et la vogue qu'elles ont aujourd'hui, peu de cynophiles en
avaient vu par corps, pour employer un terme de vénerie, sinon par
photographies. On les considérait comme des chiens particuliers à la
Grande-Bretagne, d'où leurs fonctions spéciales, que nous avons décrites ici
(1), ne semblaient pas devoir les amener chez nous. C'est qu'à cette époque la
battue au petit gibier n'était pas pratiquée avec l'ampleur et à l'échelle où
elle l'est aujourd'hui. Même dans les grandes chasses gardées du Nord et du
Centre, le chien d'arrêt était considéré comme l'auxiliaire indispensable et
suffisant du chasseur de petit gibier. Le nombre croissant des actionnaires,
dans ces chasses, a imposé la battue ; celle-ci amenuise le rôle du chien
d'arrêt et l'annihile même, si bien que, peu à peu, son abandon s'impose ou
s'imposera de plus en plus partout où se pratique la chasse collective, réduite
au tir de gibiers levés par des rabatteurs ou des chiens dans la formule
fox-terrier, spaniel, teckel, etc. Dès lors, pour retrouver les victimes
tombées dans les fourrés ou blessées en quelconques terrains, l'usage d'un
retriever apparaît fort utile, surtout si l'emploi de tout autre chien est
banni.
De nos jours, les retrievers ne sont plus considérés comme
une originalité anglaise, mais bien comme de précieux auxiliaires pour un genre
de chasse spécial. Jusqu'ici ils sont peu répandus en dehors de certains
milieux où, sur des chasses très giboyeuses, la battue, et souvent la battue
statique seule, en plaine, au bois ou au marais, non seulement est seule
pratiquée, mais fait l'objet d'une organisation méticuleuse pour l'unique
plaisir du tir. Il semble bien qu'en maints endroits cet abandon de la chasse
classique ira en se généralisant ; c'est pourquoi les retrievers seront
probablement plus demandés dans l'avenir.
L'origine des retrievers est entourée de diverses légendes ;
chaque variété a la sienne. Nous disons légende, car, si ces origines sont
exactes, elles ne résultent que de suppositions de traditions, mais peu de
faits historiques. Ce qui parait certain, c'est qu'ils sont issus de
croisements entre chiens d'arrêt et autres races qui n'étaient pas de chiens
chasseurs. C'est sans doute pourquoi ils procèdent de qualités idoines à leurs fonctions
spéciales, qui les classent en marge des chiens d'arrêt. Aussi, bien que la
nomenclature officielle classe les retrievers dans le groupe des chiens d'arrêt
anglais, un groupe à part leur conviendrait mieux.
La race de retrievers la plus anciennement connue, du
moins chez les cynophiles du Continent, fut le curly-coated. Comme le
nom l'indique, ce chien était à poil frisé. Sa fourrure rappelait celle de
l'astrakan. C'était un chien d'apparence solide, plutôt bas sur pattes, actif,
intelligent ; ses oreilles étaient petites, la tête assez longue et
étroite, le cou sans fanon. On recherchait les yeux le plus foncés possible. Le
corps était assez court et musclé, les membres forts et un peu courts. Le fouet
était recouvert de boucles courtes et s'amincissait vers l'extrémité. Les
éleveurs attachaient une très grande importance à la qualité de la fourrure.
Cette dernière est, en effet, d'un grand appoint pour un retriever, destiné à
braver les fourrés et l'eau froide.
On ne parle guère plus de ce chien qu'au passé, car il fut
délaissé au profit d'autres races, sans doute en raison de qualités pratiques
insuffisantes. Son sens olfactif a été assez discuté, son caractère n'était pas
toujours égal, il passait pour être ombrageux. Enfin, sur le point du rapport,
essentiel pour la race, il avait la réputation de mâcher et d'abîmer le gibier.
Nous pensons cependant que ce dernier défaut est, dans toutes les races, une
affaire d'individus et, chez ces derniers, souvent une question de dressage.
Quoi qu'il en soit, le curly-coated n'existe plus
aujourd'hui en France et peut-être même plus en Angleterre.
Le flat-coated l'a supplanté.
Cette race ne semble pas être d'une création plus récente,
car elle passe pour être fort ancienne. Elle aurait son origine dans un croisement
de setters avec des chiens de Terre-Neuve. Il est possible que les setters de
croisement furent des Irlandais, car le rouge, par croisement, peut donner du
noir, couleur du flat-coated ; mais il se peut aussi que le setter Gordon
en fût responsable ou que plusieurs races de setters fussent utilisées.
L'aspect général de ce chien rappelle l'épagneul, mais sous
robe uniformément noire, avec, tout au plus, quelques poils blancs à la
poitrine.
En voici d'ailleurs le standard : chien bien
proportionné pour le travail avec des points de force notables. Expression
intelligente ; bâti sur modèle unissant la force à l'élégance ; doit
montrer beaucoup de qualité, du style et de la symétrie.
Taille : grande, mais pas excessive. Mâles et
femelles, 63 centimètres à l'épaule ; les étalons peuvent avoir 2 ou 3
centimètres de plus.
Tête et cou : pas de stop ou de cassure entre
les yeux et le nez et pas de pointe occipitale sur le sommet du crâne, lequel
est séparé en deux par une légère gouttière. Elle ne peut pas être étroite
puisque la calotte crânienne doit être large, afin de loger la cervelle. Cette
conformation du crâne n'exclut pas la forme conique de la tète, un des signes
de la race. La base du cône sera seulement plus large. Mâchoires longues et
fortes. Joues plates. Oreilles petites en V, placées plutôt bas et portées
plates contre les joues. Yeux de moyenne grandeur, de couleur foncée, d'un
écartement proportionnel à la largeur du crâne. Nez large, aux narines bien
développées. Denture s'emboîtant bien. Lèvres montrant peu de babines
permettant un rapport facile et propre. Bouche sèche. Cou assez long et
légèrement arqué.
Corps : court et arrondi, aux flancs ni trop
longs ni trop courts, ne gênant pas les mouvements ; longueur de rein
permettant la libre action de l'arrière-train. Rein large et dur au toucher.
Côtes de longueur suffisante et bombées. Poitrine profonde et spacieuse.
Arrière-main d'un développement général considérable, auquel il convient
d'attacher une grande importance en raison des défectuosités fréquentes de
l'arrière-main dans cette race. Garrot tranchant. Épaules obliques et bien
inclinées. Membres antérieurs parfaitement droits, ossature ronde, non aplatie,
membres postérieurs bien coudés dans les jarrets ; ceux-ci bien descendus
et de forte ossature, mais non grossière. Pieds forts, serrés, compacts. Queue
courte, plantée plus bas que haut et portée comme celle du setter.
Poil : plat, comportant deux fourrures :
celle de dessous laineuse sur le corps lui-même ; celle extérieure, plus
longue, brillante et rêche au toucher, résistant aux intempéries. La partie
inférieure de la poitrine et la queue à poils frangés. Couleur noire ;
quelques poils blancs à la poitrine où quelques légers reflets bruns ne sont
pas éliminatoires.
L'échelle des points donne 15 à l'aspect général, 10 à
l'allure et au port de queue, 5 au crâne, 5 aux mâchoires, et au nez, 5 aux
oreilles, 5 aux yeux, 10 au cou et aux épaules, 10 aux membres antérieurs, 10
aux postérieurs, 10 aux reins et aux flancs, 15 à la queue et 10 à la fourrure
pour un total de 100.
Ce chien passe pour être un peu indolent et pour préférer le
travail à terre que la recherche à l'eau ; il est, par contre, doué d'une
vue et d'une mémoire excellentes, qualités primordiales pour un retriever, car
celui-ci doit repérer les points de chute du gibier et être capable d'aller le
retrouver parfois longtemps après. C'est ce que les Anglais appellent marking.
D'aspect très séduisant, le flat-coated fait un excellent
compagnon et ses quelques défauts ne l'empêchent pas d'être un précieux
auxiliaire pour la recherche du gibier.
S'il est exact que cette race supplanta le curly-coated, il
n'en résulte pas qu'elle soit très répandue, tout au moins sur le Continent.
Elle y fut même complètement délaissée en France au profit de deux autres races
de retrievers, plus connues et plus prisées que les précédentes, dont nous
ferons la description dans une autre causerie.
Actuellement, à notre connaissance, il n'y aurait qu'un ou
deux représentants de cette race en France. Mais, si nous avons cru devoir
parler d'elle, c'est qu'elle mérite plus d'intérêt et que, dans la mesure où
l'utilisation des retrievers se développera en France, le flat-coated séduira
bien des amateurs.
Jean CASTAING.
(1) Voir Le Chasseur Français de février 1952.
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