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A propos de réformes

Nos collègues vendéens viennent opportunément de définir, sous aspect fort différent, leur basset-griffon du petit modèle, pas si petit cependant puisque de 0m,34 à 0m,38, mais désormais droit et grouillant. Ce ne sera plus le pépère un peu trop volumineux et plus ou moins tors dont le succès ne fut jamais comparable à celui du chien droit de 0m,40. À vrai dire, il faisait un peu double emploi avec notre basset à poil ras du pays normand, sans en avoir, toutefois, la psychologie du chien d'ordre. Le besoin se manifestait d'un petit courant très allant, perçant, vite pour sa taille, désigné pour la chasse de tout quadrupède dont la défense consiste à tenir le couvert et à n'en sortir que vivement sollicité. Il y a quelques années, de petits bassets-griffons s'étaient distingués autant que les beagles au rabbit-hunting de Chambord. Ces succès auraient-ils attiré l'attention sur ce modèle utile et, dès à présent, assuré de l'avenir ? En tout cas, le sujet gravitant autour de 0m,35 semble plus à conseiller et plus dans la note petit chien que celui de 0m,38.

Cette dernière taille est déjà importante pour un basset, puisqu'elle est celle officiellement admise comme la plus réduite pour le grand basset vendéen de 0m,38 à 0m,42.

Il semblerait qu'après la réforme décidée il y aura grande difficulté à décider d'un chien de 0m,38 à quelle variété il devra être réputé appartenir. Peut-être aussi sommes-nous sur le penchant d'une autre réforme dont l'aboutissement sera une certaine unification de la race, dont le sujet dépassant de beaucoup 0m,40 fera, en définitive, les frais. On ne voit d'ailleurs pas sans une certaine surprise la tolérance autorisant la taille de 0m,43 pour les mâles de la grande variété. C'est la porte ouverte au fameux « 43 Vendéen » de célèbre mémoire dont parlait le regretté Henri d'Audigné. Pour un chien prétendant à la formule bassette, même relativement refoulée dans ses lignes, cela donne un chien monumental. S'il est aussi court que haut, cela peut faire un joli animal, mais ce n'est plus un basset. Cette formule, dont la réalisation fut tentée par le comte d'Elva, s'est révélée infixable. Un basset, pour se reproduire de façon régulière, doit être, à l'œil, sensiblement plus long que haut et, enfin, ne pas excéder la taille de 0m,40. Une très légère tolérance peut être admise, mais 3 centimètres sont trop. Je ne crois pas me tromper en disant que, parmi les plus réussis qu'il m'ait été donné de juger, je n'en ai vu aucun parmi les « tolérés », trop volumineux lorsque vraiment de formule bassette, ou déraillant vers le type briquet étoffé lorsque enlevés.

Que ces critiques ne soient pas prises en mauvaise part. Il est toujours permis d'exposer aux collègues dont on admire le savoir-faire, et en vue de leur être utile, les observations qu'on croit devoir présenter.

D'après certaines photographies parues en diverses revues, il semble qu'il existe de plus en plus de bassets parmi les poils ras, que la crainte du volume en excès a fait tourner au modèle haut perché, aux membres de briquets, n'en différant que par leur oubli de la verticale. Haut perché et plus ou moins tors, un chien n'est pas pour autant un basset, mais un briquet aux aplombs défectueux, probablement proche parent de celui-ci. Aucun basset digne du titre ne saurait aller taquiner la taille de 0m,45. Plus ou moins tors, c'est un vilain animal ; bien d'aplomb, c'est un briqueton.

Léon Verrier, s'exprimant sur ceux de nos bassets provenant d'une mutation, l'artésien normand et le bleu de Gascogne, tenait absolument à la taille maximum de 0m,35 et aux aplombs antérieurs mi-tors, à l'exclusion des droits. Selon lui, tout basset droit, même de taille réduite, produisait inévitablement des descendants tournant au briquet. C'était un grand connaisseur, mais il semble avoir été trop sévère quant à la question des aplombs. L'expérience a prouvé la fixité de la formule du basset aux aplombs d'apparence droite, par conséquent à peine déviés, pourvu que la taille réduite en soit toujours maintenue. D'autre part, nos deux bassets à poil court, provenant d'une mutation, sont bien fixés, plus certainement que le basset vendéen de 0m,40, fruit d'une sélection où nanisme et bassétisme ont été combinés.

Beaucoup d'éleveurs se gardent avec raison du basset artésien normand, trop volumineux, rappelant le Lane, dont il sort pour une part, de même que des sujets très tors ou simplement plus que mi-tors. En ne veillant pas à ce caractère qu'il faut bien dire tératologique, marquant par conséquent tendance à s'aggraver, on parvient promptement aux pieds en porte à faux. Les antérieurs déviés admis, le pied ne saurait en effet reposer à plat. On s'étonne que le standard ne se borne pas au mi-tors ou même ne conseille pas de préférer les membres droits, puisqu'il est prouvé qu'ils ne favorisent pas la montée au briquet.

Autre question encore intéressant nos bassets d'allures et de taille réduites ; celle de la longueur de l'oreille. Quiconque a l'expérience du chien courant sait que grand oreillard équivaut à grand traînard. Sans doute ne veut-on pas, pour ces chiens, autre allure que réduite, mais ils ne doivent pas vocaliser sur place. Leurs oreilles, enfin, doivent leur permettre de circuler sans encombre dans les fourrés. Or voit-on exiger : « Oreilles très longues, atteignant au moins la longueur du museau » ? Cet « au moins » devrait être un « au plus ». Un chien dont les oreilles pendent jusqu'à la truffe quand il suit la voie doit passer pour les avoir longues ; celles traînant à terre doivent être réputées longues à l'excès, un embarras pour le porteur, la cause de blessures, puis de chancres. Il faudrait y veiller.

Puisque nous en sommes aux petits chiens courants, deux mots du beagle. Pourquoi nous obstiner à conserver le toy qu'est le beagle Elizabeth, maintenant bien oublié en sa patrie, où l'on ne parle plus que de « small beagle » ou « rabbit beagle » ? Ces termes correspondent à notre petit beagle de 0m,30 à 0m,36. Le microbe ne doit pas excéder 0m,29. Or tous ceux que j'ai eu l'honneur de juger présentaient les caractères des toys ; soit, en anglais : apple head, goggle eyes, déficient bone. Mieux vaut donc traduction : crâne en pomme, œil globuleux, ossature grêle.

Renoncer à cette variété afin d'épargner aux juges la corvée de primer des animaux qu'on devrait rejeter de l'élevage. Nos petits beagles de 0m,30 à 0m,36 étant particulièrement réussis, on ne voit pas pourquoi on nous inflige le spectacle de dégénérés qu'entoure une légende.

À propos de beagles en général, pourquoi s'obstiner à favoriser particulièrement la robe tricolore à manteau à feux vifs quand, en Grande-Bretagne, est admise et même estimée la livrée en tout semblable à celle du chien de Gascogne, admises sans restriction les robes blanc fauve, blanc gris, noire et feu, plus rare ? L'exigence du feu vif à l'exclusion des feux pâles, le feu charbonné mis sur le même rang que les pires défauts sont souvenirs français de la vieille génération, sujette à mettre la pigmentation au premier rang des caractères spécifiques. Nos voisins d'outre-Manche en riraient volontiers, eux qui ont admis tout un lot de robes pour le fox-hound, le modern-harrier et le beagle.

Seulement, il y a ceci. Qui a vu fox-hound, modern-harrier ou beagle corrects et en a saisi le type les a tous vus et les peut reconnaître quelles qu'en soient la taille et la robe, parce que la structure en est homogène. Par contre, tentez donc, chez nous, de reconnaître tel ou tel représentant de certaines de nos races toutes officiellement vêtues d'une robe déterminée, qui d'aventure aura varié dans ses couleurs ou simplement ses nuances ! Vous verrez bien des visages déconfits. Sans doute avons-nous aussi certaines races au gabarit bien fixé, et aussi bien connu, mais d'autres ! De là à raffiner sur les couleurs, il n'y a qu'un pas avec les conséquences.

Mettre la charrue avant les bœufs en donnant premier rang à un caractère secondaire est moyen de ne jamais bien connaître ceux déterminant le prototype et, par conséquent, de le fixer.

Comme rien ne vaut un exemple, en voici un. On sait que, dans presque toutes les races de courants, naissent fortuitement des chiens marqués de fauve, tant chez les blanc-orange que blanc-noir, etc. Certains appellent ces inattendus « chiens gris ». Entre parenthèses, si l'on voulait se souvenir du rôle tenu par la couleur fauve chez le courant en général, comme du pigment marron chez les chiens d'arrêt, on ne serait nullement surpris de ces cas de réversion. En tout cas, j'ai vu conserver un de ces teintés fauve dans un très ancien équipage de comtois. Bien peu de connaisseurs mis en sa présence surent à première vue de quoi il s'agissait. Un insulaire, voyant côte à côte fox-hounds blanc-orange, blanc-noir ou tricolores, n'hésiterait pas à en reconnaître la race. On appelle les Britanniques nos maîtres en zootechnie. Ils le furent sans peine jusqu'à des temps peu reculés, grâce à la connaissance de principes simples qu'ils savaient appliquer et que nos grands-pères ignoraient. Dans les oeuvres de la génération disparue figurent quelques perles comme celle-ci : l'affirmation que le chacal est l'ancêtre commun de tous les chiens, du dogue du Thibet à la levrette ! Nourris de telles vérités, ne soyons pas étonnés de la salade de nos races d'arrêt à l'époque, ni des doutes planant sur la définition du type de divers chiens courants.

Tous les standards gagneraient à l'usage des chiffres, autrement précis que les qualificatifs qui y abondent. Je citerai encore un exemple. C'est grâce aux mensurations prises sur quelques épagneuls bretons indiscutables par mon ami le Dr Hérout que l'on sait désormais les relations entre crâne et face et les divers diamètres longitudinaux et transversaux caractérisant ce cob que la formule en est bien connue et plus régulièrement obtenue. Les adjectifs tels que court, long, moyen n'ont par eux-mêmes aucune précision, faute de faire connaître par rapport à quelle autre une région est ainsi qualifiable. Afin d'obtenir l'homogénéité souhaitable, les mesures sont d'autre importance que les définitions minutieuses d'une robe qui n'est, en définitive, que le revêtement de l'architecture représentant, elle, l'essentiel dans la définition du type. C'est pour l'avoir compris depuis longtemps que les Britanniques nous sont supérieurs. Il n'est malheureusement pas certain que tous nos concitoyens aient renoncé à leurs idées empiriques.

R. DE KERMADEC.

Le Chasseur Français N°663 Mai 1952 Page 272