Depuis quelque temps, il a été beaucoup écrit au sujet de
ces chiens. Certains ne voient dans cette catégorie que le refuge de sujets
inclassables, d'autres estiment que ce sont des phénix, un grand nombre de
chasseurs reconnaissent qu'un Anglo-Français, aux sangs bien dosés, a sa place
dans le monde canin actuel.
C'est la raison même, surtout en considérant l'utilisation
de ce chien aux fins de chien de courre, car nous savons que, depuis des
siècles, les chiens courants de grande vénerie ont tous eu (sauf peut-être les
chiens du Midi) du sang anglais dans les veines.
Les anciens auteurs, Robert de Salnove (1655), Selincourt
(1683), Gaffet de la Briffardière, etc., affirment que, sous les rois Louis XIV
et Louis XV, la vogue des chiens anglais était toujours croissante et que les
meutes royales n'étaient plus composées que de chiens anglais et de bâtards.
J'ai même entendu dire par de vieux veneurs, entichés
pourtant des races françaises qu'ils entretenaient dans l'ancien type et dont
ils conservaient jalousement le sang, que « des chiens courants qui
n'avaient pas un appoint d'anglais dans les veines n'étaient que des rosses,
incapables de prendre régulièrement et de se garder du change ».
Cette affirmation, qui semble à première vue un non-sens,
est très compréhensible quand on sait comment les veneurs d'autrefois opéraient
leurs croisements. Il serait fou de croire qu'avec deux races différentes on en
fait une troisième. J'étais bien jeune quand j'ai reçu ce principe fondamental
de la zootechnie :
Le seul moyen de modifier et de perfectionner une
race est, après l'apport du sang étranger, la consanguinité, soutenue par la
sélection.
Un juge chasseur, élevé dans ces principes et ayant appris à
considérer les croisements sous cet angte spécial, a dû souvent rester rêveur,
ces dernières années, devant certains petits Anglo-Français qu'on lui montrait
en exposition et dont le caractère prédominant était de ne représenter aucun
type, chien issu parfois de toutes sortes d'unions qui ne s'imposent en aucune
façon et ne peuvent être d'aucune utilité pour l'avenir des races et la chasse
au chien courant.
C'est donc avec le plus vif plaisir que nous avons pu lire
récemment la mise au point très nette de notre excellent collègue, aussi
distingué veneur que bon juge, M. P. Willekens, président de la Commission
des standards de la Société de vénerie, venant renforcer en quelque sorte ce
qui est écrit dans le nouveau Livre des standards des races de chiens courants ;
les juges ne seront plus maintenant embarrassés comme autrefois.
Voici l'extrait le plus important de ce Livre des standards
et que j'ai relevé pour les propriétaires de petits Anglo-Français afin qu'ils
le méditent à loisir :
« ... En effet, le bon Anglo-Français est beaucoup
moins un métis qu'un chien français modifié, infusé d'anglais, mais à
prédominance française, que l'éleveur fait monter à l'échelon supérieur pour le
maintenir ensuite sous cette forme nouvelle qui devient l'espèce.
» Infusion ne dit pas profusion, cela ne va pas
jusqu'au partage.
» Malheureusement, c'est la profusion qui a trop
souvent prévalu.
» ... La deuxième section comprend les Anglo-Français
de moyenne taille compris entre 0m,51 et 0m,60, alors
qu'en 1930, pour les chiens de lièvre anglo-français, le minimum de taille
n'était pas indiqué. De même, à cette époque, il était admis que le sang
anglais pouvait provenir d'un croisement de Foxhound. Nous pensons qu'il n'y a
aucun intérêt à retremper avec le Foxhound des chiens destinés aux voies
légères.
» En 1948, nous avions jugé utile d'apporter de brefs
commentaires sur les différentes divisions de ce groupe, qui autrefois, n'en
comportait qu'une.
» En effet, il a semblé préférable de classer à part
les Harriers-Poitevins et Harriers-Porcelaines, dont certaines familles
représentent maintenant un cheptel assez important. Le type de ces chiens, ne l'oublions
pas, doit se rapprocher le plus possible des races françaises dont ils sont
issus. » En ce qui concerne les croisements avec les poils longs, nous
ajoutons :
» Cette alliance n'est pas à recommander. Néanmoins, la
proscrire serait enlever aux possesseurs de Griffons toute possibilité de
retrempe.
» Le but à rechercher est non d'obtenir des demi-sang à
poil dur, mais de revenir le plus rapidement possible au type français amélioré
dans sa conformation, son ossature, sa pigmentation et sa rusticité.
» Enfin, 3e section du 6e groupe.
» En présence de Beagles ou de Beagles-Harriers
auxquels du sang français avait été infusé, cette nouvelle catégorie a vu le
jour en 1948.
» Comme leurs frères de taille immédiatement
supérieure, ils devront avoir surtout dans le chef un rappel de la race
française dont ils sont issus.
» Les chiens ayant la tête et l'oreille du type beagle
ne pourront jamais obtenir un prix aux expositions.
» ... En terminant cet exposé, qu'il nous soit
permis de rappeler à nos juges que le chien courant est un chien de chasse et
non un chien d'agrément.
» Tout chien courant digne de ce nom doit être fait
pour courir et pour chasser. Qu'il varie un peu de forme suivant l'animal qu'il
est destiné à poursuivre, ce n'est pas douteux, mais ses qualités et ses
défauts de conformation sont un peu les mêmes dans toutes les races.
» Sachons donc, dans nos jugements, allier le respect
et la conservation du type avec une conformation sérieuse et utile, et ne nous
laissons pas entraîner à des exagérations aussi regrettables dans un sens que
dans l'autre. »
Je suis persuadé que les éleveurs et propriétaires d'Anglo-Français
de petite taille pourront faire leur profit de ce dernier conseil du Comité de
la Société de vénerie.
J'ajouterai une simple remarque, fruit de l'expérience, car
j'ai fait et j'ai vu faire autour de moi assez de croisements de retrempe pour
avoir une petite opinion personnelle. Elle vaut ce qu'elle vaut, mais, jusqu'à
preuve du contraire, je crois qu'elle peut aider les débutants qui ont besoin
d'infuser un sang nouveau dans leurs chiens.
Dans toute tentative de croisement, c'est l'hérédité
unilatérale seule qui est en jeu au début, mais, d'ordinaire, on choisit le
sujet à introduire parmi les représentants les plus complets d'une race
ancienne et bien fondée pour s'aider de cette circonstance et avoir pour soi
plus de chances de succès. Le croisement des races anglaises et françaises ne
donne pas toujours les mêmes résultats, car il y a deux façons de le faire :
soit en unissant un étalon anglais avec une lice française, soit en faisant le
contraire.
C'est se demander quelle influence le père et la mère
peuvent avoir sur les caractères de leurs produits. En examinant l'hérédité
dans le métissage, certains éleveurs ont prétendu que le mâle donnait au
produit l'appareil locomoteur et la structure extérieure ; la femelle
transmettrait les organes intérieurs, les parties vitales du corps.
Les veneurs, qui furent pour la plupart de grands éleveurs,
croient avec raison que c'est la lice qui donnerait l'avant-main, c'est-à-dire :
la tête, la gorge et la finesse de nez ; l'étalon, au contraire, léguerait
à ses enfants : le caractère, la connaissance du change, avec, en plus, la
vigueur, la santé et la construction.
Le croisement si souvent répété avec des lices de nos
vieilles races françaises et des étalons foxhounds en a prouvé l'excellence ;
le chien du haut Poitou en fut un des plus remarquables exemples.
Le croisement à l'envers : chienne foxhound X étalon
français, réussit beaucoup moins bien dans ce sens que les produits ont le plus
souvent la tête de leur mère, son nez, sa gorge, ce qui n'est point à
souhaiter, et ne sont que des bâtards quelconques avec des qualités très
ordinaires sur le terrain.
Donc, avec de belles lices françaises, données à un bon
étalon anglais, usant par la suite d'une consanguinité bien dirigée, il sera
facile de produire des sujets qui conserveront la noblesse, le chic et le bien
chasser de nos chiens courants.
Guy HUBLOT.
|