La saison d'athlétisme commence, une grande saison que
couronneront les Jeux Olympiques d'Helsinki. Les sprinters, dont le classement
s'effectue sur un dixième de seconde, savent l'importance d'un bon départ pour
s'assurer, à vitesse égale par ailleurs, ce dixième de seconde, ces quelques
dizaines de centimètre, qui sépareront les coureurs jusqu'à l'arrivée.
Dans cette magnifique envolée de pur sang que constitue un
100 mètres plat ou un 110 mètres haies, le rôle du starter est capital. Son
rôle est aussi délicat que celui de l'arbitre que nous exposions, il y a deux
mois, dans ces colonnes.
Beaucoup d'athlètes, et 99 p. 100 des spectateurs,
ignorent la technique du départ et la façon correcte de donner celui-ci.
Le starter a pour matériel un revolver et un sifflet. Aidé
ou non d'un aide-starter, il procède au tirage au sort des couloirs et à
l'appel des coureurs. Ceux-ci en place, il avertit d'un coup de sifflet le chef
chronométreur et les juges à l'arrivée. Il commande alors aux concurrents :
« À vos marques » (get on your marks), et ceux-ci prennent la
position de départ.
Quand tous sont absolument immobiles, et à ce moment-là
seulement, il tire le coup de revolver de départ. En cas de faux départ, il
rappelle les coureurs par un second coup de revolver. Il désigne alors le ou
les fautifs, qu'il peut mettre hors de course en cas de récidives
incorrigibles, cas heureusement rare.
Les faux départs sont déplorables, car ils sont toujours une
cause de mécontentement et d'énervement des coureurs et du public. Beaucoup
s'imaginent que le starter, après ses commandements : « À vos marques »,
puis : « Prêts ? », doit tirer immédiatement ou compter
mentalement jusqu'à trois, ce qui est faux. Il tire quand tous les athlètes
sont immobiles, comme nous l'avons dit plus haut, et ce moment est variable
selon les cas, à plus forte raison quand il s'agit de coureurs n'ayant pas
encore l'expérience et l'assurance contre le « trac » qui fait partie
de l'ambiance d'une grande épreuve.
Il faut donc savoir que le rôle du starter est fort délicat.
Il doit avoir à la fois l'autorité nécessaire pour capter l'attention de cinq
ou six athlètes en pleine tension musculaire et nerveuse, et la diplomatie
indispensable pour gagner leur confiance. Quand il a affaire à des concurrents qui
se rencontrent pour la première fois, et surtout en pays étranger, il est bon
qu'il les réunisse avant de les placer sur la ligne de départ et qu'il leur
donne quelques conseils, car chaque pays a ses petites habitudes et emploie des
mots différents pour donner des ordres, et on a vu des athlètes éprouvés se
trouver dépaysés en présence de concurrents ou de starters nouveaux pour eux,
et accomplir pour ce seul motif une performance inférieure à leurs
possibilités. C'est tout un apprentissage qu'il faut aussi que le starter fasse
pour s'habituer à se placer de telle façon qu'il soit vu des chronométreurs,
qu'il soit à égale distance de tous les athlètes qui prennent le départ, qu'il
puisse voir et surveiller tous les partants en même temps, afin d'être assuré
de leur immobilité absolue.
* * *
D'autre part, beaucoup de profanes ne comprennent pas
pourquoi les sprinters ont adopté la position « accroupie » qu'ils
prennent au départ. Cette position est d'ailleurs l'objet de critiques de la
part de certains entraîneurs.
On n'en a pourtant pas trouvé de meilleure jusqu'à plus
ample information, et elle me semble justifiée par les raisons suivantes :
Le genou droit repose sur le sol, le pied droit piquant le
sol de la pointe. Les deux mains, étayant le corps accroupi, se posent sur le
sol, doigts tendus, sur la même ligne que le genou, avec lequel elles forment
un trépied d'appui. La jambe gauche est hyperfléchie, le genou venant en
contact avec la poitrine, le pied reposant sur le sol presque à plat.
Au moment où le starter a donné l'ordre : « À vos
marques », l'homme s'est placé dans cette position. Lorsqu'il appelle :
« Prêts », l'homme se soulève en décollant du sol son genou droit et
en s'élevant légèrement sur les mains. Il se trouve ainsi, d'une part tendu
comme un arc prêt à propulser sa flèche, d'autre part en équilibre instable,
prêt à tomber. C'est pourquoi le coup de pistolet doit partir dès que possible
à partir du moment où les athlètes sont ainsi « tendus ». Et c'est
grâce à cette position que, à la fraction de seconde où le coup va partir, le
sujet n'a qu'à pousser au maximum, ce qu'il est d'ailleurs obligé de faire pour
éviter la chute. Il est en effet, à ce moment, soumis à deux forces :
l'une verticale et instable, l'autre presque horizontale et qui le pousse en
avant. Ces deux forces composent une « résultante » qui a pour effet
un bond incliné, d'une force et d'une détente maxima, qui va lui permettre, en
relevant le corps et en poussant son effort au maximum, de se trouver tout de
suite en pleine action.
Un tel effort, brusque et maximum, exige naturellement que
l'athlète ait, quelques minutes avant, échauffé ses muscles par quelques
foulées et par un massage, afin d'éviter le « claquage ».
Dr Robert JEUDON.
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