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Yacht et yachting

Peindre son yacht

Les vacances approchent. Votre bateau va recevoir sa toilette de printemps. Peindre un petit yacht est à la portée de tout plaisancier, à la condition d'être très patient et assez adroit pour manier proprement un pinceau. L'opération est plutôt longue ; plus appréciable sera en conséquence l'économie réalisée sur la main-d'œuvre. Mais, pour arriver à un résultat satisfaisant, il est bon de rappeler quelques principes essentiels.

La peinture est, pour la bonne marche du bateau, aussi importante que l'état de la voilure. Les champions le savent bien, et vous les verrez poncer et repeindre avec amour leur coque la veille des régates. Apportez le plus grand soin au choix de la peinture et des brosses. La peinture d'un bateau est soumise aux plus rudes épreuves. Choisissez donc une bonne marque spécialisée dans le yachting. Prenez des brosses plates dites « queues-de-morue », une pour chaque teinte si possible. Ne cherchez pas à économiser sur ces pinceaux. Prenez les meilleurs, quitte à en réduire le nombre et à les nettoyer plus souvent. Rien de plus abominable qu'une brosse qui perd ses poils. Après chaque usage, la brosse sera nettoyée à l'essence. Elle ne devra pas reposer dans le fond du pot. Un simple trou dans le manche à hauteur convenable laissera passer une petite tige rigide et horizontale reposant sur les bords du récipient et maintiendra la brosse suspendue dans l'essence. Complétez votre matériel par du papier de verre moyen et fin pour poncer le bois, et du papier abrasif fin, numéros 280, 360 et 400, pour poncer à l'eau les sous-couches successives. Choisissez un local à l'abri des poussières, du soleil, des courants d'air, et maintenu à une température moyenne. Pour les unités plus importantes devant être peintes, ou plutôt repeintes (la première peinture se faisant presque toujours dans un chantier couvert), on se contentera d'attendre les circonstances atmosphériques les plus favorables. Prévoyez une prise de courant, et l'emprunt de deux appareils qui simplifieront considérablement votre travail : une machine à poncer et un aspirateur d'appartement qui vous débarrassera des copeaux, de la sciure difficilement accessibles dans les angles des fonds. Rappelons pour mémoire que les surfaces à travailler doivent être propres et sèches ; que la peinture doit être remuée jusqu'au fond, afin de lui donner une consistance bien homogène ; que chaque couche doit être parfaitement sèche et dure avant de couvrir avec la couche suivante ; qu'il faut poncer à l'eau, avec un papier abrasif fin (n° 280), les couches successives jusqu'à l'avant-dernière, celle-ci avec un papier abrasif très fin (n° 360 ou 400) ; rincer et laisser sécher avant de passer la suivante ; bien travailler la laque en l'appliquant grassement sur un mètre carré à la fois, en croisant de haut en bas, puis latéralement en croisant deux ou trois fois, puis de bas en haut pour terminer par un lissage en long, afin d'obtenir un film uniforme et tendu. On commence le travail à une extrémité de la coque en procédant par tranches successives en les liant entre elles pour éviter de laisser apparaître les « reprises » et obtenir une surface continue.

Lorsque vous commencez par poncer votre bois neuf avec du papier de verre, tenez compte de la dureté du matériau. Certains bois, comme le spruce, sont très tendres ; n'allez pas les creuser. Les parties métalliques doivent être brossées, toutes traces de rouille enlevées ; dégraissez et essuyez avec un chiffon sec propre. Un coup d'aspirateur pour enlever les poussières, et votre bois est prêt à recevoir sa première couche. On commence par l'imperméabiliser en le « nourrissant » d'huile de lin. Laisser sécher huit jours. Boucher les trous avec un couteau à mastic. Étendre ensuite un enduit pour obtenir une surface de plus en plus fine. S'il faut plusieurs couches de cet enduit pour égaliser les surfaces, il faut les passer très minces, et toujours bien laisser sécher entre chaque couche. Terminer par un ponçage sérieux à l'eau avec papier abrasif fin. Si vous avez pu vous faire prêter une machine à poncer, vous méditerez avec conviction sur les bienfaits de la machine mise au service de l'homme ... Pour les parties métalliques, passer deux ou trois couches d'impression au minium de fer sans les poncer. Si vous avez un pont à entoiler, appliquer sur le bois une couche d'impression, étendre avec un couteau une couche de pâte à maroufler et, sans laisser sécher, poser la toile en la tendant bien pour chasser l'air et en brossant avec une brosse dure pour éviter les poches. Sur la toile, passer une couche d'impression, puis une ou deux couches de laque. Vous pouvez passer maintenant aux couches de finition. Quatre ou cinq couches de laque vous donneront un poli très brillant. Procéder comme indiqué plus haut, par tranches successives ; laisser sécher trois ou quatre jours entre chaque couche ; poncer dès que la couche est sèche avec un abrasif de plus en plus fin. Entre temps, vous avez poncé à sec vos espars. Boucher les pores avec une couche de vernis marin allongé de 10 à 15 p. 100 d'essence de térébenthine. Finition avec trois ou quatre couches de vernis marin en laissant sécher quarante-huit heures entre chaque couche, sans oublier le ponçage à l'eau avec le papier abrasif fin numéro 400, jusqu'à l'avant-dernière couche.

Il vous reste à peindre la carène. Vous avez le choix entre le bronze Botton, qui s'applique en deux ou trois couches directement sur la couche d'impression, et le Copperpaint, ou peinture à base de cuivre qui empoisonne les végétations et facilite l'entretien de la coque. Cette peinture se fait seulement en deux tons ; vert et brun rouge. Enfin, les régatiers appliquent un noir graphite pour rendre leur coque plus glissante, comme les skieurs « fartent » leurs skis.

Un bateau doit être repeint chaque année. Vous aurez intérêt à le faire dès le tirage à terre si le bateau doit rester au sec ; la peinture aura ainsi tout l'hiver pour durcir. Repeindre est plus simple que peindre. Après nettoyage et ponçage à l'eau de toute la surface, passer une couche d'apprêt, puis ponçage et deux couches de laque. Mais ceci convient pour les premières années. Bientôt, la peinture est craquelée et écaillée. Alors, il faut décaper cette peinture avec une lampe à souder, gratter jusqu'au bois, poncer, rincer, et recommencer comme pour un bateau neuf. Pour les vernis, s'ils présentent quelques gerces superficielles, il suffit d'un ponçage à l'eau et de deux couches de vernis pour tout remettre à neuf. Mais, si le vernis est écaillé, oxydé ou blanchi, il faut le décaper avec un décapant à la paraffine, dégraisser à la benzine, laisser sécher, rincer à fond et recommencer à zéro.

En ce qui concerne le choix des couleurs, toutes les fantaisies sont en principe permises. Mais il est recommandé de rester sobre et classique. Le blanc est recommandé pour la coque. C'est la couleur la plus pratique. Le noir, avec liston d'or, est suprêmement élégant, mais très difficile à entretenir. Le bleu foncé est aussi difficile à conserver impeccable. Si le bateau est neuf et en beau bois d'acajou, on aurait intérêt à le vernir pendant les trois premières années tout au moins. Enfin, dernier conseil, si les ponts des petits monotypes peuvent être vernis ou glacés sans inconvénient, il en est autrement sur les yachts plus importants. N'oubliez pas que vous devrez marcher sur un pont mouvant pour la manœuvre. Ne le rendez pas glissant par surcroît. Laissez le bois nu, ou, s'il doit être peint, et c'est le cas des ponts entoilés et en contre-plaqué, recouvrez-le d'une couche de peinture mate, un peu grenue, sur laquelle vous tiendrez.

A. PIERRE.

Le Chasseur Français N°663 Mai 1952 Page 285