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Pourriture des bois sur pied

Le chêne

La plupart des champignons qui provoquent les pourritures des bois sur pied appartiennent à la famille des Polyporacées ; ils sont caractérisés par un réceptacle en console, muni de tubes sporifères à la face inférieure.

Beaucoup de ces champignons s'attaquent au chêne sur pied : certains sont des saprophytes, qui vivent uniquement dans le bois de cœur, d'autres sont de véritables parasites, qui s'attaquent à l'aubier encore vivant (pourriture jaune du fût). L'infection se fait par une blessure qui sert de porte d'entrée aux spores du champignon, soit blessure de la base du tronc (pourritures du pied), soit branche brisée (pourriture du fût à une certaine hauteur). Nous examinerons successivement ces deux cas.

I. Pourritures de la base du tronc.

— Ces pourritures affectent le bois de cœur de la base du tronc sur une hauteur de 2 à 4 mètres au maximum. Il y en a deux types : la pourriture blanche et la pourriture rouge. L'une et l'autre rendent inutilisable, au point de vue technologique, la partie la plus précieuse de l'arbre : la « bille de pied ».

1° La pourriture blanche : Le bois est réduit à une fibre molle, blanchâtre, de texture cellulosique, la matière incrustante du bois, ou lignine, ayant été digérée par le champignon. Celui-ci est un Polypore, le Polypore dryade, à réceptacle liégeux, en forme de console de 30 à 35 centimètres de diamètre, apparaissant à la base du tronc, lorsque l'attaque est déjà ancienne. Mais ce réceptacle se décompose assez vite et disparaît au bout de quelques années.

2° La pourriture rouge : Les caractères de cette pourriture s'opposent entièrement aux précédents : le cœur de l'arbre, sur une hauteur de 3 à 4 mètres, devient rouge, le bois durcit, puis se fend, se débite en petits cubes. Lorsque l'attaque est très avancée, il devient véritablement pulvérulent : le champignon, en effet, exerce une action inverse du précédent ; il digère la cellulose et laisse intacte la lignine, la matière incrustante, qui s'accumule sous forme d'une poudre brune.

L'agent pathogène est encore un Polypore, le Polypore soufré, mais présentant des caractères bien différents de ceux du Polypore dryade : les réceptacles en consoles, souvent multiples, présentent une couleur jaune-soufre; ils sont mous, peu durables, et se décomposent rapidement. Aussi sont-ils rarement visibles sur l'arbre ; en conséquence, aucun signe extérieur ne permet de repérer la maladie avant l'abattage.

On peut lutter contre ces pourritures, d'une part en détruisant les réceptacles propagateurs de spores et, d'autre part, préventivement, en évitant toute blessure au pied de l'arbre : les blessures de balivage sont des portes d'entrée malheureusement trop fréquentes pour ces champignons. Si on ne peut les éviter, il convient au moins de les badigeonner avec des solutions antiseptiques telles que les polychlorophénols.

II. Pourritures du fût.

— À l'inverse des précédentes, elles se développent à une certaine hauteur sur le tronc, l'infection se faisant le plus souvent par une branche morte ; nous en distinguerons trois cas.

1° La pourriture jaune du fût : Elle atteint l'aubier, et même affaiblit le tissu cambial ; la zone attaquée forme une surface aplatie, circonscrite par un bourrelet de cicatrisation ; au centre apparaît, de manière bien visible, le réceptacle, qui est durable et présente la consistance de l'amadou : d'où le nom du champignon, l'Amadouvier (le nom scientifique étant Phellinus robustus). Sa forme, très caractéristique, est celle d'un « sabot de cheval ». Le bois attaqué devient jaune vif et de consistance molle ; il est complètement inutilisable.

La propagation du mycélium est heureusement lente, de sorte que l'attaque reste assez localisée : mais la zone atteinte est peu résistante, ce qui occasionne un danger de chablis (rupture par le vent).

2° La pourriture alvéolaire : Celle-ci atteint le bois de cœur, où elle provoque des taches lenticulaires jaunâtres, allongées, qui peu à peu se transforment en véritables alvéoles, la totalité du bois étant digérée par le mycélium qui tapisse la surface interne des alvéoles. Le dommage causé est plus important que dans le cas précédent, car le mycélium se propage plus rapidement.

Les champignons qui provoquent cette pourriture sont au nombre de deux, et ils appartiennent au genre Stereum à réceptacle en petite console ; ils s'introduisent dans l'arbre par des blessures intéressant les grosses branches et mettant le cœur à nu.

3° La Grisette : Cette pourriture est celle qui part des gros nœuds « troués », ou gouttières : elle présente l'aspect de bandes longitudinales brunâtres ou grisâtres. Elle est causée encore par des champignons du groupe Stereum, qui pénètrent par l'aubier nécrosé et de là gagnent le cœur du tronc sur une longueur plus ou moins grande.

Ces pourritures du fût, souvent moins graves que celles de la base du tronc, n'en constituent pas moins un défaut considérable qui rend inutilisable une notable portion du fût.

Les branches brisées, surtout s'il s'agit de branches de grande dimension, constituent, nous l'avons dit, la porte d'entrée habituelle du champignon ; il faut donc intervenir préventivement en sectionnant à la scie, au ras du tronc, les branches cassées et en passant un désinfectant sur la surface de la blessure.

Conclusion.

— Les pourritures du chêne, surtout les pourritures de la base du tronc, causent de graves dépréciations technologiques. À part la pourriture jaune du fût, repérée facilement par le réceptacle, « l'épaulette », que porte l'arbre, elles sont difficiles, ou même parfois impossibles à déceler extérieurement. Certaines (les pourritures blanches et rouges) sévissent de façon particulièrement intense dans quelques cantons, surtout sur sols mal drainés où le champignon pathogène vit à l'état endémique, de sorte que les coupes de ces cantons sont considérablement dépréciées. Il importe donc de lutter, de manière efficace, contre ces ennemis des chênes de nos forêts.

En dehors des moyens préventifs et curatifs énumérés ci-dessus, il sera utile d'améliorer l'hygiène du sol, notamment son aération : dans les bas-fonds, humides, mal drainés, où la pourriture blanche est particulièrement fréquente, il est indiqué de provoquer l'abaissement du plan d'eau, par l'établissement d'un réseau de drainage.

LE FORESTIER.

Le Chasseur Français N°663 Mai 1952 Page 295