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Élevage

L'allaitement des poulains

En matière d'élevage, il est regrettable de constater que le précepte médical le lait de la mère est la propriété de l'enfant, parce qu'il est l'aliment naturel nécessaire, sinon tout à fait indispensable, pour un nouveau-né, soit plus souvent en défaut dans l'espèce humaine que chez les animaux, où il est d'application courante.

Cependant, parmi ceux-ci il n'en est pas qui soient plus exposés à souffrir de cette privation que les poulains, ce qui fait dire avec beaucoup de bonnes raisons que « tout poulain qui a souffert pendant l'allaitement devient rarement un bon cheval ».

Aussi, quelle que soit la destination future d'un poulain qui vient de naître, ce qu'il réclame dès ses premiers pas, ayant souvent besoin d'être soutenus et guidés, c'est d'aborder les mamelles de sa mère, gorgées de lait, pour y puiser à discrétion la nouvelle source de vie qui doit assurer son existence et son développement corporel depuis qu'il a été libéré des enveloppes fœtales et qu'il a respiré. Pendant les deux ou trois semaines qui suivent l'accouchement, il y a avantage à laisser le poulain avec sa mère et, de préférence, à l'écurie, à moins que la saison ne soit tout à fait favorable, auquel cas ils pourront être mis tous deux au pâturage, la consommation de l'herbe activant la sécrétion lactée de la poulinière, son poulain bénéficiant d'une cure d'air et d'exercice. Après ce laps de temps, pendant lequel la jument est le plus souvent conduite à l'étalon, le poulain peut être séparé de sa mère, à certaines heures de la journée, en le laissant en liberté dans une loge, ce dont on profite pour réglementer l'heure des repas, à raison de cinq à six par jour pendant le premier mois, puis de quatre à cinq, et finalement à trois.

Quel que soit le genre d'exploitation d'une jument poulinière, qu'elle travaille à la culture ou qu'elle soit consacrée exclusivement à la reproduction, l'hygiène d'un allaitement bien compris doit s'efforcer d'observer une grande régularité dans la répartition et le nombre des repas du poulain en tenant compte de l'abondance de la sécrétion du lait. Si le plus généralement celle-ci laisse à désirer en quantité, il arrive aussi qu'elle soit trop forte pour l'appétit du jeune sujet, auquel cas les mamelles sont distendues, congestionnées, donnant écoulement à des gouttes de lait dont il faut compléter la traite à la main, pour éviter les complications de mammite ou d'abcès.

Le mode d'alimentation de la poulinière a aussi une influence marquée sur la quantité et la qualité du lait qu'elle produit ; les juments mauvaises laitières doivent recevoir des aliments azotés, digestibles et aqueux : de la farine en barbotage, de l'avoine et de l'orge concassées, des féveroles ou des lentilles ramollies dans de l'eau tiède.

L'alimentation aqueuse est spécialement nécessaire aux poulinières, d'abord pour répondre aux besoins normaux de leur organisme et, de plus, pour fournir la quantité d'eau entrant dans la composition de leur lait et variant environ de 6 à 8 kilogrammes par jour.

En plus des barbotages, mashes, tubercules et racines, qui sont couramment utilisés par les propriétaires attentifs au régime et à la santé de leurs animaux, nous recommandons, à l'intention des poulinières suitées, le thé de foin et la décoction de céréales, dont la préparation est un peu plus assujettissante, mais dont les bons effets récompensent largement du surcroît de travail qu'ils occasionnent.

Le thé de foin, trop peu souvent utilisé pour ses avantages, s'obtient en faisant macérer à froid 2 kilogrammes de foin dans 5 à 6 litres d'eau pendant dix à douze heures, ou en traitant la même quantité de fourrage sec par de l'eau bouillante.

Quand la masse est refroidie, on décante un liquide qui a dissous une partie des principes nutritifs du fourrage et dont la valeur est comparable à celle du lait écrémé.

La décoction de céréales se prépare dans un récipient émaillé de capacité suffisante pour contenir 20 litres d'eau, dans lesquels on ajoute : blé, maïs jaune et seigle, 750 grammes de chaque ; orge d'hiver, 550 grammes ; avoine noire, 400 grammes ; son, 200 grammes. Faire bouillir assez longtemps, environ trois heures, pour ramener la quantité de liquide à 6 litres ; laisser refroidir et passer au tamis fin, ce qui est assez laborieux à cause de l'empois formé par l'amidon des grains. Ne préparer que la quantité nécessaire pour une seule journée, la décoction s'altérant facilement. Les grains sont complètement épuisés et leur valeur alimentaire est à peu près négligeable, sauf pour les pensionnaires de la basse-cour. Par contre, ils ont cédé à l'eau de cuisson la quintessence de leurs éléments nutritifs, sels minéraux et vitamines, dont l'action répond favorablement aux besoins des poulinières, au développement de leur poulain et souvent encore à la formation du fœtus qu'elles peuvent porter, après avoir été présentées à la saillie.

Cette excellente préparation, qui contribue à augmenter sensiblement la quantité et la richesse du lait des poulinières, se distribue à raison de 3 litres par jour en moyenne. En quantité moindre et utilisée progressivement, elle convient aussi bien aux poulains pour favoriser leur développement et leur précocité et pour leur aider à passer, sans en souffrir, la période critique du sevrage.

L'âge de six mois, fixé le plus généralement pour la limite d'un allaitement naturel normal, ne vaut qu'à titre d'indication ; autant de naissances, autant de cas particuliers provenant de la mère, du poulain et des soins dont on les fait bénéficier. L'apparition des premières dents molaires de remplacement, indispensables pour la mastication des aliments solides, fournit un renseignement beaucoup plus précis, mais trop peu souvent contrôlé par les propriétaires.

J.-H. BERNARD.

Le Chasseur Français N°663 Mai 1952 Page 298