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Philatélie

Les aérogrammes

La plupart des pays du monde ont aujourd'hui des timbres spéciaux pour la poste aérienne.

Si attrayante que soit la collection, à l'état neuf ou usé, de tels timbres, ce n'est toutefois pas à cette dernière que se borne l'activité des spécialistes, aujourd'hui nombreux, de l'aérophilatélie. Ceux-ci recherchent encore les épreuves de luxe, les épreuves d'artistes, les essais de figurines, les vignettes-souvenirs qui retracent l'histoire du vol à travers l'espace. Ils recherchent surtout les aérogrammes, c'est-à-dire les correspondances elles-mêmes transportées par la voie des airs — par ballons, avions, pigeons voyageurs ... — dont la réunion, en raison du caractère vivant et souvent historique qu'elle revêt, ainsi que des développements qu'elle autorise, est plus captivante encore.

Entre toutes ces pièces aériennes, les « ballons » et les messages par pigeons voyageurs du Siège de Paris ont les plus fervents et les plus érudits amateurs. Ces correspondances se présentent sous des formes très variées.

Ce sont, quand il s'agit de lettres simples, des formules diverses, tirées sur papier mince ou pelure, avec ou sans emblèmes, drapeaux et devises, et portant généralement la mention : Par ballon monté. Bien que déconseillé par l'administration, l'emploi d'enveloppes, pour renfermer ces formules, était néanmoins autorisé et l'on en trouve qui sont revêtues de cette mention manuscrite et d'autres où celle-ci a été exceptionnellement imprimée ou frappée à l'encre grasse.

Les cartes-poste se rencontrent avec ou sans les indications manuscrites : Par ballon libre, Par ballon non monté, et avec des formules imprimées, comportant, en même temps que ces indications, des emblèmes, drapeaux et devises. Mais elles ne furent que très peu utilisées. Un seul ballon libre fut lancé le 30 septembre 1870 et il tomba dans les lignes allemandes aux environs de Ville-d'Avray.

Les journaux-lettres, de format réduit, contiennent, outre un résumé des événements du jour, un feuillet réservé à la correspondance. Les plus connus sont la Lettre-Journal de Paris ou Gazette des Absents, la Dépêche-Ballon, Le Ballon-Poste, le Journal-Poste, Le Montgolfier, La Cloche, Le Soir, L'Enveloppe-Gazette.

Les journaux ordinaires, de format également réduit, sont des publications spéciales, comme Le National, L'Électeur Libre ... des tirages sur papier pelure, comme le Journal des Débats ou comme Le Petit Journal, qui tira aussi des reproductions photographiques réduites sur papier albuminé.

Quant aux messages du Siège par pigeons voyageurs, ils se présentent sous la forme d'ensembles de dépêches officielles ou privées, obtenus par procédé photographique sur papier ou sur collodion. Il n'a été retrouvé aucune des dépêches manuscrites, sur papier pelure, du premier mois de l'investissement de la capitale.

L'intérêt ne peut être que mince de nombreux plis transportés par avion, en raison de l'importance du courrier ainsi expédié dès avant la première guerre mondiale et aussi du fait qu'à l'origine ce courrier était généralement affranchi avec des figurines ordinaires. Aussi le collectionneur ne s'intéresse-t-il vraiment qu'à ceux, beaucoup plus rares, qui furent acheminés dans des conditions exceptionnelles, telles que raid spécial, ouverture de ligne, meeting d'aviation ... ou lors d'un vol interrompu par un accident d'appareil, et qui reçurent presque toujours un cachet de circonstance les authentifiant.

Pour ne citer que cet exemple, une lettre envoyée de Paris à Buenos-Aires par le service régulier d'Air-France n'est pas une pièce de collection ayant quelque valeur si elle ne porte un timbre aérien recherché. Mais deux correspondances ayant effectué le même parcours, l'une le 12 mai 1930, jour de la première traversée commerciale par un hydravion de la Compagnie Aéropostale, piloté par Mermoz, l'autre le 19 juillet 1936, date de la centième traversée aérienne de l'Atlantique Sud, et revêtues chacune d'un cachet spécial, constituent deux documents dignes de figurer en bonne place dans l'album d'un aérophilatéliste.

Très prisés sont les « meetings » de l'époque héroïque 1909-1914, les « premiers vols », ainsi que les « accidentés » provenant d'avions tombés en flammes, tombés en mer, ou bien encore capturés par l'ennemi.

Ce rectangle de papier que constitue l'aérogramme est, en effet, parfois roussi par le feu ou délavé. On songe, à le regarder, au valeureux pilote mort en service commandé ... C'est un témoignage émouvant et précieux que l'on tient à conserver, et plus particulièrement encore lorsqu'il provient d'un raid où le courrier fut très réduit et porte la signature d'un héros trop tôt disparu.

Dans le vaste domaine des aérogrammes, comme en de nombreuses branches de collections, la spécialisation est à recommander à qui a le souci de constituer un ensemble homogène. Cette spécialisation peut être réalisée dans le temps ou dans l'espace et aussi dans l'un et dans l'autre à la fois.

Dans le temps, l'amateur peut, à son gré, se limiter aux « ballons montés » et autres documents du Siège de Paris, aux plis d'avant 1914, que l'on appelle les « précurseurs », à ceux antérieurs à 1930, la période 1920-1930, qui est celle des grands raids, présentant un intérêt considérable. Dans l'espace, il a le choix entre la France, la France et son empire, un groupe de pays, l'Europe ...

DRAIM.

Le Chasseur Français N°663 Mai 1952 Page 313