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Le Labrador

En décembre dernier, le Retriever Club a organisé aux portes de Paris, au Bois de Boulogne, un concours de rapport réservé aux chiens dont il s'occupe. C'était la deuxième fois qu'une manifestation de ce genre avait lieu. Tous les chiens présentés étaient des labradors et tous ont satisfait avec brio aux épreuves qui leur étaient imposées sur terre et à l'eau.

Si cette race a seule brigué ce concours, ce n'est pas qu'elle soit seule apte à subir de telles épreuves ; mais ce fait confirme la faveur dont jouit le labrador parmi les amateurs de retrievers en France. C'est, en effet, la variété la plus répandue chez nous, et cela tient non seulement aux excellentes qualités pratiques de la race, mais aussi à certains avantages physiques qui, peu à peu, se sont imposés.

Car, bien qu'il soit un beau chien, le labrador n'est pas très séduisant d'aspect. De tous les retrievers il est le moins esthétique, ceci dit sans froisser l'amour-propre de ses amateurs. C'est, au contraire, rendre hommage à l'esprit pratique et sportif de ces derniers. À une époque où tant d'utilisateurs de chiens de chasse ne font le choix d'un collaborateur qu'en considération de l'aspect séduisant d'une race ou de la mode, il est heureux de constater qu'à la veille de l'essor probable réservé à des chiens de formule nouvelle le point de vue pratique ait une tendance à prévaloir sur d'autres.

Certes, le flat-coated et le golden-retriever ont aussi d'excellentes qualités ; mais la robe et la couleur de ce dernier surtout risquent, plus que celles du labrador, de tenter les amateurs de chiens de compagnie et d'en faire des chiens de salon.

En vérité, il semble bien que, si le labrador s'impose, mieux que ses cousins, au chasseur recherchant un chien de service pratique, il le doit non seulement à ses aptitudes morales, mais à la texture de sa toison.

La fourrure idéale du chien destiné à un rude travail, et dans le cas du retriever en particulier, a depuis longtemps donné lieu à bien des discussions. Celles-ci ne sont pas sur le point de se clore, chacun jugeant d'après son terrain, d'après le service qu'il demande à son chien et souvent, sinon presque toujours, d'après la tendresse qu'il nourrit pour telle race ou telle variété. Il est vrai que, pour défendre la rusticité d'un poil court, d'un poil long, d'un griffon, la théorie offre à chacun des arguments, et la pratique a fort à faire pour les départager.

En ce qui concerne les retrievers, on posait jadis en principe que les variétés à poil long étaient mieux aptes à braver les couverts broussailleux et mouillés, la pluie et les intempéries, ainsi qu'à travailler dans l'eau. Ce fut l'époque des succès du curly-coated. Puis l'opinion se répandit que le poil long n'était pas un gage d'immunité contre l'eau et surtout la glace, celle-ci se formant sur les poils. Au fourré, le poil long s'accrochant aux ronces gênait le chien dans son travail. La fourrure du labrador n'offrant pas ces inconvénients semble avoir été pour beaucoup dans le succès de cette race.

Le labrador est un chien à poil court, mais très épais, très dense, très serré, rappelant la toison de la loutre. La texture de cette fourrure la rend ainsi imperméable aussi bien à l'eau qu'au froid, sans avoir l'inconvénient d'amasser la poussière et de gêner le chien.

Toutefois, la protection contre le froid reste assez discutée, et, on le voit, la question du poil idéal permet encore à la pratique de s'affronter avec la théorie.

Quoi qu'il en soit, il est certain que la toison du labrador, par le seul fait qu'on la compare à celle de la loutre, prédispose ce chien à travailler dans l'eau. C'est là, certainement, un élément de son succès.

Les origines de cette race restent assez obscures. On s'accorde sur le fait que, contrairement à son nom, elle ne proviendrait pas du Labrador, mais bien plutôt de Terre-Neuve.

Ce chien paraît avoir été connu en Angleterre au début du XIXe siècle, bien que la race n'y fût officiellement reconnue qu'en 1902. Elle y aurait été introduite par des pêcheurs, puis sélectionnée, fixée et améliorée par un comte de Malesbury. Le labrador est actuellement reconnu également, en France, par la Société centrale canine.

La couleur ordinaire du labrador est le noir ; cependant, une variété jaune unicolore existe aussi. Un club spécial a même été fondé en Angleterre pour s'occuper de cette variété, le Yellow Labrador Club. Les jaunes et les noirs ont la même structure ; cependant, et bien que les noirs semblent représenter la formule naturelle, les jaunes ont été réputés un moment pour avoir meilleure fourrure. Toutefois, il est acquis que les uns et les autres ont une origine commune et que la couleur jaune n'est qu'une mutation accidentelle. Le Yellow Labrador Club n'en a pas moins établi un standard spécial.

Voici la description du chien qui nous occupe :

Apparence générale : chien actif, puissant, au crâne rond et aux côtes bombées.

Le standard du yellow indique une poitrine haute, ce qui ne s'accorde pas avec des côtes bombées.

Tête : ne doit jamais être étroite ou longue ; la boîte crânienne doit être large et ronde sans que l'occiput soit proéminent. La cassure du nez est peu prononcée, les oreilles sont petites, attachées en arrière, et ne se terminent pas en pointe. Les yeux sont bruns, teinte toujours préférée à l'œil clair, qui n'est pas un défaut.

Il est intéressant de noter cette tolérance chez un chien à robe noire ; car tous les théoriciens s'accordent sur le principe : robe foncée, œil foncé, robe claire, œil clair. Sans doute est-ce en raison de la reconnaissance des robes jaunes par le standard orthodoxe. Mais il est également curieux de constater que le standard propre aux yellows indique seulement : « les yeux marron foncé, ou s'harmonisant avec la robe, le bord des paupières foncé ». Il eût été plus normal de trouver la tolérance relative aux yeux clairs dans le standard de la variété jaune.

Le chanfrein est légèrement busqué, le nez large et humide, les lèvres doivent être sèches. Le cou est puissant et long ; parfois un peu de fanon apparaît.

Notons encore que le standard des yellows précise une couleur noire pour le nez, ou s'harmonisant avec la robe.

Épaules obliques, comme chez tous les chiens construits pour un galop souple et allongé. La côte ronde favorise, au contraire, des épaules courtes, donc plutôt droites ; aussi le standard insiste-t-il pour une sélection dans le sens indiqué, afin d'orienter la race vers l'allure active et rapide.

Corps : compact et profond ; rein large et fort, arrière-main puissante.

Membres : antérieurs droits (il faut lire d'aplomb et ne pas voir dans ce terme une contradiction avec l'épaule oblique ; mais, alors, ce détail était superflu chez un chien normalement construit). Jarrets moyennement coudés, pieds serrés et compacts. (En fait, la plupart des retrievers ont les doigts plus ou moins reliés par un embryon de membrane, qui les fait dire « pieds palmés ».)

Fouet : droit, bien attaché. La plupart des labradors ont une queue ressemblant à celle de la loutre, surtout chez les yellows, et portée assez haut. On cherche à obtenir un fouet droit et aussi court que possible. Le fouet ne doit cependant jamais être épié. Les fouets relevés, en faucille ou en sabre, doivent être éliminés ; ils sont cependant fréquents.

Poil de loutre, court et dur, très dense et très serré ; il doit être épais sans aucune frisure ni ondulations, défauts éliminatoires.

Le standard du yellow précise qu'il doit y avoir un poil et un sous-poil, ce dernier épais et laineux, le poil supérieur étant plus lisse.

Cette précision est d'importance, car elle explique l'imperméabilité de la toison ; elle la conditionne même.

Couleur : le standard orthodoxe indique à dessein « noir et de toutes les couleurs zain », afin d'admettre la variété jaune.

Le standard du yellow indique que la robe peut varier du rouge renard au crème, mais exempte de blanc, sauf au poitrail et à l'extrémité des doigts.

Taille : chien plus petit que le flat-coated ; de taille moyenne ; mais, la race ayant une tendance à diminuer de taille, il convient de veiller à la maintenir entre 60 et 65 centimètres chez les mâles et 58 à 63 centimètres chez les femelles.

L'échelle de points assigne 10 à l'apparence générale, 15 au poil, 5 au crâne, 5 à la bouche et museau, 5 aux yeux, 5 aux oreilles, 10 au corps, 10 aux reins, 10 aux épaules, 10 à la poitrine et aux côtes, 5 aux pattes, 5 aux pieds, 5 à la queue, pour un total de 100 points.

Contrairement au golden-retriever, le labrador se déclare généralement jeune, et cet avantage est aussi pour beaucoup dans la vogue de cette race. D'un caractère agréable, le labrador accepte facilement le dressage. Il affectionne l'eau. Sa quête est souple et rapide naturellement ; mais elle n'exclut pas un chien bâti en force ; aussi serait-ce une erreur préjudiciable aux destinées de cette race de vouloir l'alléger pour lui donner plus de vitesse avec une structure incompatible avec ses fonctions. Sur ce point, comme bien des races de chiens d'arrêt, le labrador court la menace de la mode ; mais son Club, averti, a déjà prévu le danger.

Jean CASTAING.

Le Chasseur Français N°664 Juin 1952 Page 338