Si tous les traités et tous les professeurs d'éducation
physique et sportive s'étendent longuement sur les notions de vitesse, de
force, de résistance, ils sont en général muets ou en tout cas très brefs et
très imprécis pour ce qui concerne la notion d'équilibre. Pour la raison très
simple que cette notion est très mal connue et que, contrairement aux autres
facteurs dont l'ensemble constitue la « classe », nous serions bien
incapables de donner de l'équilibre une définition précise et des tests faciles
à utiliser.
L'équilibre est pourtant un facteur de style et de rendement
tout aussi primordial que les autres, surtout chez la femme. Chez celle-ci, en
effet, dont la morphologie est différente de celle de l'homme et dont la
sensibilité est plus grande, les exercices d'équilibre prennent une
signification particulière, si bien que la femme recherche l'équilibre avec la
même avidité que l'homme apporte à rechercher la force ou la vitesse. De plus,
l'équilibre est la condition majeure de la grâce, dans le style de sports
particulièrement féminins tels que le patinage artistique et la danse classique
ou rythmique.
La notion d'équilibre joue dans le comportement général un
rôle éducatif très important en ce sens qu'elle constitue l'élément principal
de la maîtrise de soi pendant toute la durée d'un geste ou d'un exercice.
En effet, tout exercice d'équilibre réclame un travail neuro-musculaire
précis et éduque les sensations kinesthésiques et labyrinthiques, qui sont la
base de la coordination neuro-musculaire. Ils éduquent à la fois les sensations
visuelles, les notions de position et d'orientation dans l'espace, le sens
musculaire profond. Cette éducation a pour conséquences heureuses la précision
dans le geste et l'adresse et, dans le domaine psychique, l'acquisition de la
confiance en soi, du « self-control », du sang-froid et de l'audace,
du calme et de la concentration. Tous ces buts, désirables à atteindre pour
tout sportif et à tout âge, sont, répétons-le, ceux vers lesquels tend plus
spécialement la femme, qui tout naturellement cherche à compenser par la grâce,
l'élégance, la souplesse et l'adresse, le handicap qu'elle reçoit de l'homme
sur le plan de la force et de la vitesse.
Voici maintenant quelles sont les facteurs principaux qui
conditionnent directement l'équilibre :
La distance entre le centre de gravité et la base de
sustentation ; le contact ou la position plus ou moins élevée de la base
de sustentation avec le sol ; les caractères du point d'appui :
glissant ou adhérent, horizontal ou incliné ; la morphologie du corps
lui-même, le centre normal de gravité du corps pouvant être déplacé par des
conditions telles que : maigreur, obésité, déformations du squelette,
infirmités ; le rythme d'exécution imposé pour l'exercice considéré ;
la direction vers laquelle se déplace le centre de gravité, et la possibilité
ou non d'avoir un point d'orientation à fixer lors de ce déplacement.
L'entraînement aux performances d'équilibre est basé sur ces
données, que connaissent bien les professionnels du cirque, entre autres. Ils
commencent par la recherche de l'équilibre sur le sol, puis les positions
d'équilibre élevé, puis les positions sur un large point d'appui, puis sur une
bande de sustentation de surface de plus en plus exiguë et mobile ;
équilibre en position immobile et statique, puis pendant la marche, la course
et le saut, cas de la danse, de l'athlétisme, du ski, du football, etc.
Ces notions très rudimentaires montrent l'importance du
facteur « équilibre », sur lequel les méthodes insistent trop peu
sous prétexte que, pour beaucoup, ce facteur s'acquiert d'instinct et se
perfectionne par l'habitude, dans toutes les formes de l'activité physique et
sportive. Mais il ne faut pas penser qu'aux « bien doués », il faut
penser aussi et surtout à ceux pour lesquels une des raisons résumées plus haut
rend difficile l'acquisition de la notion d'équilibre, et pour lesquels une
rééducation basée sur les principes qui précèdent est nécessaire.
Dr Robert JEUDON.
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