Accueil  > Années 1952  > N°664 Juin 1952  > Page 348 Tous droits réservés

La notion d'équilibre

Si tous les traités et tous les professeurs d'éducation physique et sportive s'étendent longuement sur les notions de vitesse, de force, de résistance, ils sont en général muets ou en tout cas très brefs et très imprécis pour ce qui concerne la notion d'équilibre. Pour la raison très simple que cette notion est très mal connue et que, contrairement aux autres facteurs dont l'ensemble constitue la « classe », nous serions bien incapables de donner de l'équilibre une définition précise et des tests faciles à utiliser.

L'équilibre est pourtant un facteur de style et de rendement tout aussi primordial que les autres, surtout chez la femme. Chez celle-ci, en effet, dont la morphologie est différente de celle de l'homme et dont la sensibilité est plus grande, les exercices d'équilibre prennent une signification particulière, si bien que la femme recherche l'équilibre avec la même avidité que l'homme apporte à rechercher la force ou la vitesse. De plus, l'équilibre est la condition majeure de la grâce, dans le style de sports particulièrement féminins tels que le patinage artistique et la danse classique ou rythmique.

La notion d'équilibre joue dans le comportement général un rôle éducatif très important en ce sens qu'elle constitue l'élément principal de la maîtrise de soi pendant toute la durée d'un geste ou d'un exercice.

En effet, tout exercice d'équilibre réclame un travail neuro-musculaire précis et éduque les sensations kinesthésiques et labyrinthiques, qui sont la base de la coordination neuro-musculaire. Ils éduquent à la fois les sensations visuelles, les notions de position et d'orientation dans l'espace, le sens musculaire profond. Cette éducation a pour conséquences heureuses la précision dans le geste et l'adresse et, dans le domaine psychique, l'acquisition de la confiance en soi, du « self-control », du sang-froid et de l'audace, du calme et de la concentration. Tous ces buts, désirables à atteindre pour tout sportif et à tout âge, sont, répétons-le, ceux vers lesquels tend plus spécialement la femme, qui tout naturellement cherche à compenser par la grâce, l'élégance, la souplesse et l'adresse, le handicap qu'elle reçoit de l'homme sur le plan de la force et de la vitesse.

Voici maintenant quelles sont les facteurs principaux qui conditionnent directement l'équilibre :

La distance entre le centre de gravité et la base de sustentation ; le contact ou la position plus ou moins élevée de la base de sustentation avec le sol ; les caractères du point d'appui : glissant ou adhérent, horizontal ou incliné ; la morphologie du corps lui-même, le centre normal de gravité du corps pouvant être déplacé par des conditions telles que : maigreur, obésité, déformations du squelette, infirmités ; le rythme d'exécution imposé pour l'exercice considéré ; la direction vers laquelle se déplace le centre de gravité, et la possibilité ou non d'avoir un point d'orientation à fixer lors de ce déplacement.

L'entraînement aux performances d'équilibre est basé sur ces données, que connaissent bien les professionnels du cirque, entre autres. Ils commencent par la recherche de l'équilibre sur le sol, puis les positions d'équilibre élevé, puis les positions sur un large point d'appui, puis sur une bande de sustentation de surface de plus en plus exiguë et mobile ; équilibre en position immobile et statique, puis pendant la marche, la course et le saut, cas de la danse, de l'athlétisme, du ski, du football, etc.

Ces notions très rudimentaires montrent l'importance du facteur « équilibre », sur lequel les méthodes insistent trop peu sous prétexte que, pour beaucoup, ce facteur s'acquiert d'instinct et se perfectionne par l'habitude, dans toutes les formes de l'activité physique et sportive. Mais il ne faut pas penser qu'aux « bien doués », il faut penser aussi et surtout à ceux pour lesquels une des raisons résumées plus haut rend difficile l'acquisition de la notion d'équilibre, et pour lesquels une rééducation basée sur les principes qui précèdent est nécessaire.

Dr Robert JEUDON.

Le Chasseur Français N°664 Juin 1952 Page 348